Page images
PDF
EPUB

contraire, nous montre ces équations renfermées dans l'équation générale du second degré à deux variables, laquelle les donne selon la valeur et les signes de ses coefficients; il explique comment la nature des courbes que nous appelons aujourd'hui algébrique, peut toujours s'exprimer en équation ; il produit la méthode dans sa perfection, et par plusieurs applications, il fait voir qu'il la manie avec toute la supériorité du plus grand maître.

Fermat touche aussi au calcul différentiel, et ce ne sont encore que des résultats bruts. Il détermine les maxima et les minima pour les points de tangence, pour le rapport des sinus de l'angle d'incidence et de l'angle de réfraction dans la lumière. Rien non plus ici hors de ces cas particuliers. La théorié et l'algorithme ou symbole appartiennent à Leibnitz.

On pourrait dire avec la même raison. que Fermat a fait ces deux découvertes, et qu'il ne les a pas faites. Il les a faites, puisqu'elles se trouvent dans les questions qu'il traite; il ne les a pas faites, puisqu'on n'y aperçoit aucune marche générale. Est-ce faute de génie mathématique? Jamais homme peut-être n'en eut autant; mais le génie mathématique par lui-même ne saurait s'élever au-dessus de l'empirisme. Supposez à Fermat le génie métaphysique, qui est celui des principes, il sera à la fois le Descartes et le Leibnitz des mathématiques;

il sera plus, car il a de plus qu'eux la science des nombres premiers, dans laquelle probablement il n'a point encore trouvé d'égal. .

Newton tente d'aller en avant dans le calcul différentiel. L'invention préparatoire existe; il ne reste qu'à l'ériger en méthode : il semble qu'il devrait réussir. Aussi peu métaphysicien que Fermat, il échoue, et n'en présente qu'un simulacre empirique auquel, en se traînant sur Barrow, il mêle l'élément étranger du mouvement, qui altère et rétrécit la conception originelle. L'espèce de calcul généralisé qu'on aperçoit est tourmenté et il n'éclaire point.

Voici le premier exemple du traité des Fluxions.

[ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

La somme des produits est 3xx2-2axx+axy—3ÿy2+aỳx. Égalant à zéro, on a xy:: 3y-ax: 3x2 - 2ax +ay.

Pour remonter des fluxions aux fluentes, il divise. Or, pourquoi ces multiplications et ces divisions? voit-on qu'elles aient trait aux rapports qu'il faut trouver? On ne sait où l'auteur est allé chercher des opérations si détournées, et si peu naturelles.

Que dire de ces points pour désigner les fluxions ou différentielles? Peut-on imaginer rien de plus arbitraire et de plus insignifiant? Les gens simples qui ignorent l'écriture, ne marquent pas autrement leurs souvenirs. Au chapitre des mathématiques nous avons développé avec quel bonheur le symbole d est adapté à ces quantités, avec quelle exactitude, il exprime leur nature et la marche de l'opération.

Cependant avec Leibnitz périt en Europe le dernier soutien de la métaphysique. A Bacon, Gassendi, Hobbes, Locke, qui en sont les fléaux, succède Condillac, le plus funeste de tous par la suite qui règne dans ses idées, par la clarté populaire de son style, et par cette suffisance dédaigneuse qui permet d'afficher dans l'ignorance, une glorieuse supériorité de lumières, en repoussant avec mépris ce qui exigerait, pour être entendu, de longs et infatigables efforts.

Eh bien! la méthode différentielle a cessé d'être. comprise, on en dénature les principes, on en rejette le symbole. Et qui se rend coupable de cette dégradation? celui précisément qui vient de révéler un secret admirable de cette méthode, l'auteur du Calcul des Variations. Il veut en écarter « l'espèce de métaphysique qu'on est obligé d'y employer, et qui est, sinon contraire, du moins étrangère à l'esprit de l'analyse qui ne doit avoir

d'autre métaphysique que celle qui consiste dans les premiers principes et dans les premières opérations fondamentales du calcul (1). » Ceci est net et n'a pas besoin de commentaire: Par l'espèce de métaphysique dont Lagrange croit pouvoir se passer et qu'il juge étrangère à l'esprit de l'analyse, il entend l'idée de l'infini. En effet, suivant la doctrine sensualiste de Condillac, cette idée, n'ayant aucune réalité, ne peut qu'obscurcir les notions où elle se mêlerait, et c'est un progrès de la bannir de partout où l'on aspire à la clarté. Mais dans l'immuable vérité des choses, cette idée, la plus réelle de toutes, forme l'essence du calcul différentiel, que pour cela on appelle quelquefois calcul de l'infini ou infinitésimal; et comme il est rarement donné au génie de se jouer du principe connu et proclamé d'une science, Lagrange qui, dans la Théorie des fonctions analytiques et dans les Leçons sur le calcul des fonctions, s'efforce de répudier la méthode différentielle, l'emploie cependant dans la Mécanique analytique et ailleurs, et par son exemple il en confirme la nécessité et l'excellence. A qui sont dues, dans l'antiquité, les découvertes mathématiques fécondes, qu'à Pytha, gore, Platon et leurs disciples?

Selon M. Biot, la métaphysique de l'esprit de

(1) Leçons sur le calcul des fonctions, nouv. édit., 1806, p. 2.

Descartes lui fut singulièrement utile dans l'invention de la géométrie analytique et dans celle des exposants substitués aux lettres q ou c, qu'on mettait au haut de la quantité pour indiquer le carré ou le cube, substitution dont il fait sentir avec force l'extrême importance. Néanmoins il s'étonne que Descartes « attachât plus de prix aux spéculations métaphysiques qu'aux méthodes géométriques dont il était l'inventeur; il assure que la postérité a renversé ce jugement, et qu'elle a vu dans les travaux géométriques de Descartes la plus belle preuve de son génie (1). » Pourquoi, entre ses œuvres, Descartes n'aurait-il pas préféré celles qui étaient le principe de toutes les autres? Quant au jugement renversé par la postérité, cela est vrai de la postérité de Bacon, de Locke et de Condillac; mais cette postérité n'est pas tout à fait celle de l'esprit humain, et elle revendiquerait inutilement M. Biot, lorsqu'il obéit à ses inspirations naturelles.

Ce bonheur lui arrive aussi lorsqu'il fait ressortir l'immense avantage de la méthode différentielle de Leibnitz sur la méthode fluxionnelle de Newton, sous le rapport de l'algorithme et sous celui de la considération des infiniment petits ou de l'infini, et qu'il montre Leibnitz se préparant dès l'âge de vingt ans à cette découverte, par ses

(1) Biog. univ., art. Desc., t. XI, p. 147 et 148.

« PreviousContinue »