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avec beaucoup de sagacité à un autre phénomène plus simple, celui de la décomposition de la lumière par le prisme, et il montre que la partie de la goutte d'eau dans laquelle la lumière se réfracte, doit disperser de la lumière, comme le ferait un prisme d'eau à faces planes, dont l'angle réfringent serait égal à celui que forment entre eux les plans tangents de la goutte aux points où les rayons entrent et sortent. Il confirme cette théorie par une expérience très-détaillée. » Ici M. Biot rapporte cette expérience, qu'on peut voir dans le cinquième volume, p. 266, des œuvres de Descartes.

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<< C'est alors, poursuit-il, que Descartes compare la dispersion produite par la goutte d'eau à celle que produit un prisme à faces planes. Voilà la véritable physique mathématique, celle qui ramène les faits à d'autres faits par le calcul, indé-— · pendamment de toute hypothèse, et qui les rattache ainsi les uns les autres par des nœuds indissolubles. Il ne manquait à cette théorie, pour la rendre complète, que la connaissance de l'inégale réfrangibilité de la lumière, et la mesure de cette inégalité dans les différents rayons simples, pour pouvoir calculer les incidences précises où ils sortent parallèles, et en déduire les diamètres intérieurs et extérieurs des arcs. C'est ce qu'a fait Newton; et cette addition est sans doute un des plus beaux résultats de la physique mathématique.

Mais il faut remarquer, à l'avantage de Descartes, que son travail n'a reçu aucune atteinte d'une découverte aussi imprévue (1).» Que pourrions-nous ajouter à cette justification?

Nous voilà conduits à la décomposition de la lu– mière. Nous nous y arrêterons peu. C'est un ré– sultat empirique qui n'a point éprouvé, ni ne souffre point contradiction. Descartes y touche de si près, qu'on conçoit à peine qu'il lui ait échappé. « Me souvenant, dit-il, qu'un prisme ou triangle de cristal fait voir de semblables couleurs, j'en ai considéré un qui était tel qu'est ici MNP, dont les deux superficies, MN et NP, sont toutes plates et inclinées l'une sur l'autre, selon un angle d'environ 30 ou 40 degrés, en sorte que si les rayons du soleil traversent MN à angles droits, ou presque droits, et ainsi n'y souffrent aucune sensible réfraction, ils en doivent souffrir une assez grande en sortant par NP. Et couvrant l'une de ces superficies d'un corps obscur dans lequel il y avait une ouverture assez étroite, comme DE, j'ai observé que les rayons passant par cette ouverture, et de là s'allant rendre sur un linge ou papier blanc FGH, y peignent toutes les couleurs de l'arcen-ciel, et qu'ils y peignent toujours le rouge vers F, et le bleu ou le violet vers H. D'où j'ai appris,

(1) Traité de physique, t. III, p. 468.

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premièrement, que la courbure des superficies des gouttes d'eau n'est point nécessaire à la production de ces couleurs, car celles de ce cristal sont toutes plates; ni la grandeur de l'angle sous lequel elles paraissent, car il peut ici être changé sans qu'elles changent; et bien qu'on puisse faire que les rayons qui vont vers F se courbent tantôt plus, et tantôt moins que ceux qui vont vers H, ils ne laissent pas de peindre toujours du rouge, et ceux qui vont vers H, toujours du bleu; ni aussi la réflection, car il n'y en a ici aucune; ni enfin la pluralité des réfractions, car il n'y en a ici qu'une seule. Mais j'ai jugé qu'il y en fallait pour le moins une, et même une dont l'effet ne fût pas détruit par une contraire; car l'expérience montre que si les su

perficies MN et NP étaient parallèles, les rayons, se redressant autant en l'une qu'ils se pourraient courber en l'autre, ne produiraient point ces couleurs. Je n'ai pas douté qu'il n'y fallût aussi de la lumière, car sans elle on ne voit rien. Et outre cela, j'ai observé qu'il y fallait de l'ombre, ou de la limitation à cette lumière, car si on en ôte le corps obscur qui est sur NP, les couleurs FGH cessent de paraître; et si on fait l'ouverture DE assez grande, le rouge, l'orange et le jaune, qui sont vers F, ne s'étendent pas plus loin pour cela, non plus que le vert, le bleu et le violet, qui sont vers H, mais tout le surplus de l'espace qui est entre deux, vers G, demeure blanc (1). »

Que Descartes eût eu la curiosité qui prit Newton de soumettre isolément au prisme chacun des rayons, de les rassembler après les avoir dispersés, et il lui enlevait la découverte : «Dans le courant de l'année 1666, le hasard avait porté Newton à faire quelques expériences sur la réfraction de la lumière à travers des prismes. Ces expériences, qu'il avait d'abord tentées comme un amusement, et par un simple attrait de curiosité, lui avaient bientôt offert des conséquences importantes. Elles l'avaient conduit à voir que la lumière, telle qu'elle émane des corps rayonnants, du soleil, par exem

(1) OEuv., t. V, p. 269.

ple, n'est pas une substance simple et homogène; mais qu'elle est composée d'une infinité de rayons doués de réfrangibilités inégales et de facultés colorifiques diverses (1). » Il paraît que Marc Marci, et à son exemple, Hodierna, avaient essayé la même chose avant Newton, mais pas avec assez de détails, et sans aucun des importants calculs qu'il fit (2).

La troisième grande découverte sur la lumière, dans l'école cartésienne, est la loi de la double réfraction, saisie par Huyghens, peut-être avant que Newton aperçût la cause des couleurs, quoiqu'elle n'ait été publiée qu'en 1690 (3). « Cette découverte, dit Fresnel, était peut-être plus difficile à faire que toutes celles de Newton sur la lumière, et ce qui semble le prouver, c'est que Newton, après d'inutiles efforts pour découvrir la vérité, est tombé dans l'erreur. En songeant combien le phénomène de la double réfraction devait piquer vivement sa curiosité, on ne peut supposer qu'il y ait donné moins d'attention qu'aux autres phénomènes de l'optique, et l'on doit être surpris de lui voir substituer une règle fausse à la construction aussi exacte qu'élégante de Huyghens,

(1) Biog. univ., t. XXXI, p. 137, art. Newton, par M. Biot.
(2) Mont., Hist. des math., t. II, p. 516.

(3) Traité de la lumière de Huyghens.

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