Page images
PDF
EPUB

moins. Cela le conduisit à reconnaître qu'il y avait un rayon solaire qui pénétrait la partie supérieure de la boule, à l'égard de la ligne tirée du soleil par le centre, qui allait frapper le fond de la boule et, s'y réfléchissant, sortait par la partie inférieure, pour porter à l'œil l'impression des couleurs qu'on remarque dans l'iris; à l'égard de ces différentes couleurs, il les expliquait ainsi. Les rayons rouges étaient, selon lui, ceux qui en sortant étaient les plus voisins de la partie postérieure de la goutte, parce que c'étaient ceux qui traversaient le moins d'eau, et qui conservaient le plus de force; car on a été persuadé de tout temps, et non sans quelque raison, que la lumière qui avait le plus de vivacité produisait le rouge. Les rayons verts et bleus, au contraire, étaient ceux qui sortaient par une partie de la goutte, plus éloignée du fond, et les autres couleurs étaient, suivant l'opinion alors reçue, uniquement formées du mélange des trois premières.

<< Marc-Antoine de Dominis remarquait ensuite que tous les rayons qui donnent une même couleur, sortant d'un endroit semblablement situé à l'égard du fond de la goutte, centralement opposé au soleil, ils doivent former avec l'axe tiré du soleil, par l'œil du spectateur, des angles égaux. De là vient que les bandes des couleurs paraissent circulaires. Mais les rayons rouges sortant, dit-il, de

la partie la plus voisine du fond de la goutte, ils doivent faire avec cet axe un angle plus grand; c'est pourquoi ils paraîtront les plus élevés, et la bande rouge sera l'extérieure. Après elle viendront les bandes jaunes, vertes, bleues, par une raison semblable. De Dominis confirmait son explication par l'exemple d'une boule de verre pleine d'eau, qui, exposée au soleil, et regardée de la manière convenable, présente les mêmes couleurs, et dans le même ordre, à mesure qu'on la hausse ou qu'on la baisse.

<< Mais tout cela, nous le répétons ici, est expliqué d'une manière si obscure et si embrouillée; enfin la plus grande partie du livre de de Dominis présente tant d'ignorance en optique, qu'on ne peut trop s'étonner que le premier essai d'explication d'un des plus beaux phénomènes de la nature, ait été réservé à un physicien de cette classe. En effet, on le voit, dans un endroit de son ouvrage, faire du cristallin l'organe immédiat de la vue, et nier la réfraction des rayons dans les humeurs de l'œil, parce que, dit-il, si cela était, la vue serait continuellement dans l'erreur. Il entreprend même de le prouver. Ce qu'il dit sur les défauts de la vue, tant chez les vieillards que chez les jeunes gens, sur les moyens dont on y remédie et sur l'effet des télescopes, est tout aussi pitoyable. Enfin, la manière dont il expose la marche des

rayons solaires entrant dans une goutte d'eau, et en sortant, donnerait lieu de douter qu'il ait connu la seconde réfraction qu'ils éprouvent à leur sortie.

« On doit donc se borner à reconnaître que Marc-Antoine de Dominis entrevit le vrai fondement de l'explication de l'iris intérieur. Mais en lui accordant même d'avoir reconnu les deux ré– fractions et la réflection qui sont nécessaires pour la produire, on serait encore dans l'erreur si l'on pensait qu'il en eût donné l'explication complète. II y a encore diverses observations à faire pour en rendre parfaitement raison. C'est ce que fit dans la suite Descartes, en examinant de plus près la route des petits faisceaux de lumière qui pénètrent la goutte, et surtout en déterminant quel était celui qui avait seul les conditions nécessaires pour pouvoir porter à l'œil du spectateur une impression sensible. On doit dire enfin que cette explication n'a reçu sa dernière perfection que de la découverte de la différente réfrangibilité de la lumière.

« Mais si Marc-Antoine de Dominis a fait un pas vers l'explication de l'arc-en-ciel intérieur, il s'en faut beaucoup qu'il mérite le même éloge pour son explication de l'arc-en-ciel extérieur. Il manque ici tout à fait le vrai chemin. Il ne soupçonna pas un mot de la double réflection que souffre dans la goutte le rayon solaire produisant le second iris.

Descartes est incontestablement le premier qui en ait fait la découverte; et Newton, qui après lui avoir attribué, dans ses Lectiones optica, les deux explications, se borne, dans son Optique, à lui faire honneur d'avoir rectifié la seconde, avait été induit en erreur. Nous osons inviter ceux qui en douteraient à lire l'ouvrage du prélat italien; et s'ils ne peuvent le faire à cause de la rareté de cet ouvrage, ils peuvent recourir aux notes du P. Boscovich, sur le charmant poëme, De Iride, du P. Nocéti, son confrère. Ils y verront le savant jésuite, qui n'était ni Français, ni Anglais, prendre la défense de Descartes contre ses détracteurs, et montrer clairement, par le développement de l'explication que de Dominis donne de l'arc-en-ciel extérieur, qu'il ne soupçonna jamais la vraie, qu'il erra même, ou ne dit que des choses vagues et insignifiantes sur plusieurs points de l'intérieur. Enfin le P. Boscovich porte sur la physique qui règne en général dans cet ouvrage, un jugement tout au moins aussi sévère que le mien, puisqu'il le termine par appeler de Dominis, hominem opticarum rerum, supra id quod ea pateretur ælas, imperitissimum (1). »

Tout enthousiaste qu'il est de Newton, M. Biot repousse aussi l'accusation intentée par lui à Des

(1) Hist. des math., t. I, p. 702.

cartes, et venge dignement celui-ci. « Probablement, dit-il, Newton n'avait pas lu par lui-même l'ouvrage de de Dominis; car il aurait vu que ce prélat, après avoir vaguement conçu que l'arc-enciel pouvait être produit par réfraction dans les gouttes d'eau, n'a point cherché à confirmer cette idée par les expériences dont parle Newton, et la manière dont il expose la formation de ce météore n'a aucun rapport avec la vérité. C'est réellement à Descartes, et à Descartes seul, que ces expériences appartiennent. Ce philosophe a fait pour la véritable théorie de l'arc-en-ciel tout ce qui était possible à une époque où l'inégale réfrangibilité des rayons de la lumière n'était pas connue. En effet, il détermine d'abord, au moyen du calcul numérique, la marche des rayons lumineux qui pénètrent dans une goutte d'eau, et en sortent ensuite aprèsune ou plusieurs réflections. Ce calcul lui fait voir que, de tous les rayons qui peuvent ainsi tomber sur cette goutte, il n'y a que ceux qui y pénètrent sous un certain angle, qui puissent revenir au spectateur, sans s'écarter les uns des autres, et par conséqueut sans s'affaiblir. Par là il reconnaît généralement les véritables circonstances dans lesquelles le phénomène de l'arc-enciel peut se produire, et elles sont conformes à l'observation. Il restait à assigner la cause des couleurs. Descartes, sans la connaître, la ramène

« PreviousContinue »