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avoir formé la cité des esprits, sa sagesse soit épuisée, qu'il ne soit plus semblable à lui-même, ou capable d'en produire autant et davantage, sans fin et sans repos? comme un écrivain, un peintre, un statuaire, qui en effet, s'épuise dans son chefd'œuvre! Ah! Malebranche, l'enthousiasme allumé par la contemplation des incommensurables grandeurs de Dieu, t'a fait luire la vérité, fille des soudaines illuminations. Pourquoi ne pas lui rester fidèle? pourquoi venir nous parler de ce meilleur, qui emporterait, et la sagesse, et la puissance créatrices ?

Les stoïciens avec leur monde, développement de Dieu, M. de Schelling avec son Dieu, qui se subjective en s'objectivant, c'est-à-dire, qui se développe avec le monde, qui est son objet et dans lequel il se produit, obtiennent un maximum. Mais pour eux, Dieu n'est que l'énergie du monde.

Leibnitz suppose quelqu'un observant «< qu'il est impossible de produire le meilleur, parce qu'il n'y a point de créature parfaite, et qu'il est toujours possible d'en produire une qui le soit davantage; » et il répond : « Ce qui se peut dire d'une créature ou d'une substance particulière, qui peut toujours être surpassée par une autre, ne doit pas être appliqué à l'univers, lequel se devant étendre par toute l'éternité future, est un infini. De plus, il y a une infinité de créatures dans la moindre

parcelle de la matière, à cause de la division actuelle du continuum à l'infini (1). » Au contraire il le faut appliquer à l'univers qui, en définitive, n'est que la collection de toutes les créatures ou substances particulières; et si elles ne sont point aussi parfaites qu'elles pourraient l'être, l'univers ne l'est pas non plus. Que sert de dire qu'il doil s'étendre par toute l'éternité future? Il ne le peut que parce qu'elles s'y étendront ellesmêmes; et comme elles ne recevront à cause de cela aucune élévation de nature, il en sera de même de lui. J'avoue qu'il est un infini en durée; mais c'est un infini relatif. J'avoue qu'il y a une infinité de créatures dans la moindre parcelle de matière; mais c'est une infinité aussi relative, et une infinité d'autres infinis et infinités, sont également possibles.

Les bandes ABpm, mpp'm', m'p'p'm", p′′m'p"m", etc.,

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sont chacune un infini, puisque les lignes AB, pm, p'm', p'm", p ̈m", etc., se prolongent indéfiniment.

(1) Théod., art. 195.

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Cependant, qu'on les multiplie tant qu'on voudra, on ne remplira point l'angle ABC; il restera toujours un espace m'p ̊C égal à ABC, car il est évident que la partie absorbée ABp"m" n'y fait rien et laisse tout à recommencer. C'est que ABC ou l'angle est un infini du premier ordre, et que chaque bande n'est qu'un infini du second ordre. Dans les différentielles successives de x", savoir: mx-1dx, m (m-1) x-2 dx3, m (m—1) (m—2), x-3 dx3, etc., il est également évident qu'un nombre quelconque de mx-1 dx, s'annulle devant x", un nombre quelconque de m (m—1) x”—3dx3 devant mxTM-1dx, un nombre quelconque de m (m-1) (m-2) xdx3 devant m(m—1) x”—2dx3, enfin un nombre aussi grand que l'on voudra d'infinis d'un ordre quelconque, devant l'infini de l'ordre qui précède. Que Leibnitz sème donc tant qu'il voudra les infinis dans l'étendue et dans la durée de l'univers existant, cet univers ou plutôt une infinité d'univers pareils s'évanouiront toujours devant l'infini d'un autre univers possible, et les infinités d'infinis d'univers possibles devant Dieu, source de ces possibilités, comme les infinis mx-'dx, m (m-1) x -1 dx2, m(m-1) (m-2) x 3dx3, etc., devant x", dont ils dérivent.

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Maintenant paraît dans tout son jour l'autre point établi par Fénelon et Bossuet contre Male

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branche, que toutes les créatures sont égales devant Dieu et nulles par rapport à lui. Car que la quantité x" devînt tout à coup pensante, ou capable de réfléchir sur soi pour se saisir et se connaître, elle verrait que s'ajouter ou se retrancher l'une plutôt que l'autre de ces quantités mx"1 dx, m(m—1) xTM-2dx3, m (m—1) (m—2) xTM-3dx3, etc., ou toutes ensemble, c'est ne s'augmenter ni se diminuer absolument en rien; qu'ainsi elles sont toutes égales à son égard, puisqu'elle n'est pas plus changée par les unes que par les autres, et qu'à son égard elles sont nulles, puisqu'elle ne reçoit aucun changement de leur ensemble. Cependant la distance des créatures à Dieu est plus grande encore que celle de mx"1 dx, m (m—1) x2dx3, m(m-1) (m—2) xTM-3dx3, etc., à x" Après tout, mæ” ̄'dx, m(m—1) x” ̄3dx3, m(m—1) (m—2) xTM−3dx3, etc., sont les racines transcendantes de ", et y ramènent par l'intégration; au lieu que les créatures n'ont avec Dieu que le rapport d'être représentées dans ses idées éternelles, sur lesquelles elles ont été faites. Elles sont séparées de lui par l'infini absolu, au lieu que les différentielles ne sont séparées de leur fonction que par un infini relatif.

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De là il suit rigoureusement qu'aucun motif. venant des choses créées ne peut avoir déterminé Dieu à leur communiquer l'être, ni à préférer

celles qui l'ont à celles qui ne l'ont pas. Sous ce rapport, il est dans la plus complète indifférence, et on ne parvient à l'en sortir qu'en abolissant son infini absolu et leurs infinis relatifs, et en le confondant lui-même avec elles. Mais alors il ne s'agit plus de création, à moins de supposer que Dieu se crée soi-même. Tout ce qui est possible existe, sans quoi il y aurait un vide dans l'existence divine. Comme Spinosa prend en pitié ceux qui assurent que Dieu ne fait pas tout ce qu'il peut! « S'il eût créé, disent-ils, tout ce qui est dans son entendement, il ne pourrait plus rien créer, ce qu'ils croient répugner à sa toute-puissance; voilà pourquoi ils aiment mieux l'établir indifférent à tout et ne créant que ce qu'il a résolu de créer par une volonté absolue. Mais je pense avoir assez clairement montré que toutes choses ont émané ou émanent de sa nature infinie, avec la même nécessité qu'il suit et suivra éternellement de la nature du triangle, que ses trois angles égalent deux droits. Aussi cette toute-puissance fait de toute éternité et fera éternellement tout ce qui est en elle. Et c'est, je pense, en donner une idée bien plus parfaite. Que dis-je ? les ennemis de la puissance de Dieu, semblent même la nier. Ils sont forcés d'avouer que Dieu ne pourra jamais créer une infinité de choses qu'il conçoit créables, parce que s'il les créait, il épuiserait, suivant eux, sa toute

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