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vrai que des sinus. Si Descartes l'a trouvé, ce n'est pas par observation, car il nous dit qu'il n'en a fait aucune, si ce n'est pour s'assurer qu'en effet la règle était juste.Comment avait-il trouvé cette règle? personne n'en sait rien. Mais Descartes avait lu le livre de Vitellon; il avait lu la table de réfraction donnée par cet auteur; il a pu faire le calcul que j'ai fait, longtemps après, sur cette table, comme sur celle de Ptolémée; il a facilement reconnaître que le rapport des sinus est constant dans le verre comme dans l'eau. Après avoir connu ce rapport, par son calcul, il a voulu voir s'il était vrai; il l'aura trouvé tel sur un angle ou deux, il ne parle que d'un, et ́ il n'aura pas été plus loin, et il se sera mis à philosopher sur la cause... Malgré ces conjectures, je suis loin de contester cette découverte à Descartes; c'est même la lui accorder que de dire qu'il y a été conduit par la table de Vitellon. C'est peut-être ainsi que Snellius y est parvenu (1). »

Comme le dit Delambre, il semble que la ratiocination dont Descartes parle à Golius, et la façon de mesurer la réfraction de la lumière, dont il demande le secret à Mersenne, parce que la première partie de sa dioptrique ne contient que cela, doive s'entendre de la démonstration, et non de la découverte, qui ne paraît pas être nouvelle. Dans ce cas

(1) Hist. de l'Astronomie mod., t. II, p. 225.

même, il ne faudrait pas s'imaginer que Snell aurait tout fait. Quoique le théorème de Snell et celui de Descartes reviennent au même pour le fond, il ne s'ensuit point que celui qui connaît l'un, doive immanquablement parvenir à la connaissance de l'autre. Pour cela il faut avoir l'idée de comparer les sinus; or il paraît qu'elle est loin de s'offrir tout d'un coup, puisqu'elle a échappé aux efforts d'un Képler, à ceux de Snell, qui n'était pas un esprit ordinaire, qui sans doute comprenait le peu de commodité des sécantes, et qui avait l'avantage de pouvoir s'appuyer sur cette invention pour s'élever à l'autre, enfin, puisque personne n'y a songé que Descartes. Le sentiment public de cette difficulté expliquerait encore bien pourquoi on ne lui reprocha point d'avoir volé Snell; on voyait que, dans son théorème, il ajoutait une découverte réelle, et pour ainsi dire la véritable, à la découverte de celui ci. Telle est peut-être aussi sa prétention dans les passages des deux lettres. Au surplus, par leur extrêine vague, ils se prêtent avec autant de facilité à ce dernier sens qu'au premier. Delambre, malgré sa prévention contre Descartes, conclut pour l'invention. Ainsi des trois hypothèses possibles, savoir, qu'il est parti de Képler, ou de Vitellon, ou de Snell, en adoptant même la dernière, qui est la plus défavorable; Descartes aurait encore une grande part à la découverte. Nous ne dirons

pas qu'il l'aurait purgée de la pitoyable erreur que Snell y mêlait, de croire que le rayon perpendiculaire se réfracte aussi ou se raccourcit(1), c'était trop aisé; mais il est plaisant d'entendre Vossius lui imputer cette correction comme une méprise (2).

Descartes se sert de la loi pour déterminer les surfaces propres à concentrer dans un point unique les rayons. On sait que l'ellipse, dont le grand axe et la distance des foyers ont le même rapport que les sinus d'incidence et de réfraction de l'air dans le verre, jouit de cette propriété, ainsi que l'hyperbole, dont le premier axe et la distance des foyers sont dans le rapport des sinus d'incidence et de réfraction du verre dans l'air. Cependant les verres elliptiques et hyperboliques ne corrigent que l'aberration de sphéricité, et laissent subsister l'aberration de réfrangibilité, ignorée par Descartes. On veut encore qu'il les ait empruntés de Képler. Sa réponse est sans réplique. « Celui qui m'accuse d'avoir emprunté de Képler les ellipses et les hyperboles de ma dioptrique, doit être ignorant ou malicieux; car pour l'ellipse, je n'ai pas mémoire que Képler en parle, ou s'il en parle, c'est assurément pour dire qu'elle n'est pas

(1) « In radio perpendiculari effectum refractionis, seu, ut falso opinatur, decurtationem radii visorii agnoscat. » Hugenii dioptrica, p. 3. (2) Resp. ad. John. de Bruyn., 32.

l'anaclastique qu'il cherche; et pour l'hyperbole, je me souviens fort bien qu'il prétend démontrer expressément que ce n'est pas elle non plus, bien qu'il dise qu'elle n'est pas beaucoup différente. Or, je vous laisse à penser si je dois avoir appris qu'une chose fût vraie d'un homme qui a tâché de prouver qu'elle était fausse (1). » Et comment Képler les aurait-ils trouvées, puisqu'il manquait de la loi de la réfraction sur laquelle elles reposent ? Ces deux sections coniques supposent les rayons parallèles, ce qui, malgré l'énorme distance du soleil, n'est pas rigoureusement vrai. Descartes a conçu des ovales qui portent son nom, et qui réunissent les rayons obliques ou partant d'un même point. Huyghens s'est beaucoup étendu sur ces courbes, alors curieuses (2).

Descartes se sert aussi de cette loi pour expliquer l'arc-en-ciel. Cette explication lui est pareillement contestée : « A l'égard de l'arc-en-ciel, dit Leibnitz, il doit beaucoup à M. Antoine de Dominis (3). » Jusqu'à un certain point, on peut l'admettre. Mais Newton va plus loin : «Quelques anciens avaient compris que l'arc-en-ciel est formé par la réfraction de la lumière du soleil dans des

(1) OEuv., t. VII, p. 161.

(2) Traité de la lumière, chap. VI.

(3) « Circa iridem, a M. Antonio de Dominis non parum lucis accepit. »> Op., t. V. p. 394.

gouttes de pluie. C'est ce qui a été pleinement découvert et expliqué dans les derniers temps, par le fameux Antoine de Dominis, archevêque de Spalato, dans son livre De radiis visus et lucis, publié à Venise en 1611, par son ami Bartolus, mais composé plus de vingt ans auparavant. Car il montre dans ce livre comment l'arc-en-ciel intérieur est produit dans des gouttes rondes de pluie par deux réfractions de la lumière solaire et une réflection entre deux, et l'extérieur par deux réfractions et deux sortes de réflections entre deux, qui sont faites dans chaque goutte de pluie; vérifiant ses explications par des expériences qu'il fait avec une fiole pleine d'eau, et avec des boules de verre remplies d'eau et exposées au soleil pour y faire voir les deux couleurs des arcs, l'extérieur et l'intérieur. Descartes, qui a suivi cette explication, a corrigé celle de l'arc extérieur (1). »

Voici l'analyse de l'écrit de de Dominis, faite par Montucla. J'en ai vérifié l'exactitude. « Soit hasard, soit expérience méditée, il remarqua qu'en tenant à une certaine hauteur au-dessus de l'œil et à l'opposite du soleil, une boule de verre pleine d'eau, on en voit jaillir de la partie inférieure un trait de lumière diversement coloré, suivant que l'on hausse ou baisse la boule un peu plus ou un peu

(1) Opt., liv. I, part. 11, prop. 9, probl. 4.

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