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contemplation à la vision béatifique de l'autre vie (1)! Cette immense lumière dont il demeure en quelque sorte ébloui, n'est pas sans doute dans la volonté divine, laquelle d'ailleurs il enseigne, ou du moins il insinue, ne nous être point connue, si Dieu ne nous la déclare. Spinosa approuve ceux qui ne voient dans l'entendement de Dieu, dans sa volonté et dans sa puissance, qu'une seule et même chose. Dieu, dit-il, n'a point l'entendement ni la volonté, comme nous (2); ils ne sont, chez lui, que comme le repos et le mouvement (3). Aussi avance-t-il que faire tout dépendre d'une certaine volonté indifférente de Dieu, c'est moins errer que de le faire dépendre de la raison du bien (4). Pour être d'accord avec Spinosa sur les conséquences, il ne resterait à Descartes que d'être d'accord avec soi-même.» En Dieu, suivant lui, c'est la même chose de vouloir, d'entendre et de créer, sans que l'un précède l'autre, nequidem ratione (5). » Régis qui, en cela, le suit, disant «qu'afin qu'une chose soit concevable à Dieu, il est absolument

(1) Fin de la troisième Méditation.

(2) « Ad naturam Dei neque intellectum, neque voluntatem pertinere. >> Eth., p. 1, prop. 17, scol.

(3) « Voluntatem et intellectum ad naturam Dei ita se habere ut motus et quies, et absolute ut omnia naturalia quæ a Deo ad existendum et operandum certo modo determinari debent. » Ibid., prop. 32, corol. 2. (4) Ibid., prop. 33, scol. 2.

(5) T. VI, p. 308.

nécessaire qu'elle reçoive de sa volonté ce degré de vérité et de réalité qu'elle possède (1), » Régis confond de même, l'intelligence et la volonté avec la puissance (2). Cependant il veut que Dieu ait produit les premières plantes et le premier couple d'animaux de chaque espèce (3).

Malebranche oppose la doctrine contraire, et lui qui pousse Descartes au panthéisme par un autre côté, l'en détourne par celui-ci. « Il est absolument nécessaire, dit-il, que Dieu ait en lui l'idée de tous les êtres qu'il a créés, puisque autrement il n'aurait pas pu les produire, et qu'ainsi il voit tous les êtres, en considérant les perfections qu'il renferme, auxquelles ils ont rapport (4). Il renferme en soi les idées de toutes choses et leurs rapports infinis, généralement toutes les vérités (5). « Il a vu de toute éternité tous les ouvrages possibles et toutes les voies possibles de produire chacun d'eux et comme il n'agit que pour sa gloire, que selon ce qu'il est, il s'est déterminé à vouloir l'ouvrage qui pouvait être produit et conservé par des voies qui, jointes à cet ouvrage, doivent l'honorer davantage que tout autre ouvrage

(1) Système de phil. métaphys., liv. 1, part. 1, ch. viii.

(2) Ibid., ch. vIII, IX, X.

(3) Ibid., Phys., liv. VI, ch. xII; liv. VII, ch. 1.

(4) Rech. de la Vérité, liv. III, part. 11, ch. vi.

(5) Entr. mét., VIII, 13.

produit par toute autre voie (1). << Il faudrait maintenant examiner quelle a dû être la première impression de mouvement par laquelle Dieu a formé tout d'un coup l'univers pour un certain nombre de siècles, car c'est là, pour ainsi dire, le point de vue d'où je veux vous faire regarder et admirer la sagesse infinie de la Providence sur l'arrangement de la matière... Que le premier pas de la conduite de Dieu, que cette première impression de mouvement que Dieu va faire, renferme de sagesse ! que de rapports, que de combinaisons de rapports! Certainement Dieu, avant cette première impression, en a connu clairement toutes les suites, et toutes les combinaisons de ces suites; non-seulement toutes les combinaisons physiques, mais toutes les combinaisons du physique avec le moral, et toutes les combinaisons du naturel avec le surnaturel. Il a comparé ensemble toutes ces suites avec toutes les suites de toutes les combinaisons possibles dans toutes sortes de suppositions. Il a, dis-je, tout comparé dans le dessein de faire l'ouvrage le plus excellent par les voies les plus sages et les plus divines. Il n'a rien négligé de ce qui pouvait faire porter à son action le caractère de ses attributs; et le voilà qui, sans hésiter, se détermine à faire ce premier pas. Tâ–

(1) Ibid., IX, 10.

chez de voir où ce premier pas conduit. Prenez garde qu'un grain de matière, poussé d'abord à droite au lieu de l'être à gauche, poussé avec un degré de force plus ou moins grand, pouvait tout changer dans le physique, de là dans le moral, que dis-je? dans même le surnaturel. Pensez donc à la sagesse infinie de celui qui a si bien comparé et réglé toutes choses, que dès le premier pas qu'il fait, il ordonne tout à sa fin, et va majestueusement, invariablement, toujours divinement, sans jamais se démentir, jusqu'à ce qu'il prenne possession de ce temple spirituel qu'il a construit par Jésus-Christ, et auquel il rapporte toutes les démarches de sa conduite (1). » Avec un style qui rappelle Platon, Malebranche emploie les 10, 11, 12o Entretiens à dévoiler cette sagesse dans l'infiniment grand et l'infiniment petit qu'enferme l'univers matériel, dans les merveilles des cieux, des animaux, des plantes, dans les merveilles de l'union de l'âme avec le corps, de son union naturelle et surnaturelle avec la raison souveraine, dans les merveilles de l'efficacité de la cause efficiente ou volonté divine, déterminée par les causes occasionnelles, telles que le choc des corps, les désirs des créatures pensantes, ceux de l'âme humaine de Jésus-Christ; et transporté d'admiration, il s'é

(1) Ibid., X, 17.

crie: « Que Dieu est admirable dans ses œuvres! que de profondeurs dans ses desseins! que de rapports, que de combinaisons de rapports il a fallu comparer, pour donner à la matière cette première impression qui a formé l'univers avec toutes ses parties, non pour un moment, mais pour tous les siècles! que de sagesse dans la subordination des causes, dans l'enchaînement des effets, dans l'union de tous les corps dont le monde est composé, dans les combinaisons infinies, non-seulement du physique avec le physique, mais du physique avec le moral, et de l'un et de l'autre avec le surnaturel.

<< Si le seul arrangement de la matière, si les effets nécessaires de certaines lois de mouvement très-simples et très-générales, nous paraissent quelque chose de si merveilleux, que devons-nous penser des diverses sociétés qui s'établissent et se conservent en conséquence des lois de l'union de l'âme et du corps? que jugerons-nous du peuple juif et de sa religion, et enfin de l'Église de JésusChrist? que penserions-nous de la céleste Jérusalem, si nous avions une idée claire de la nature des matériaux dont sera construite cette sainte cité, et que nous puissions juger de l'ordre et du concert de toutes les parties qui la composeront? Car enfin, si avec la plus vile des créatures, avec la matière, Dieu a fait un monde si magnifique, quel

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