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n'aurait réclamé? Est-il croyable que Voet et d'autres envieux qui ne cessèrent de le harceler, s'armant des plus grossières impostures, auraient négligé un pareil trait? Voit-on néanmoins dans ses ouvrages qu'il ait eu à repousser une imputation de ce genre? On ne la lui lance que treize ans après sa mort, lorsqu'il ne peut plus se défendre. La mauvaise foi ou l'étourderie de Vossius est trop manifeste. Quant à Huyghens, dont le penchant à déprécier Descartes est connu, il ne lui suffit pas de dire que, selon toutes les apparences, il a pillé Snell, il faut des preuves; et il n'en donne d'autres que la vue du manuscrit, qui n'en est pas une.

Si là-dessus Descartes doit à quelqu'un, c'est à Képler, à qui Snell n'est pas moins redevable. « Après plusieurs essais inutiles, la véritable théorie lui échappa; mais ses conjectures et ses diverses tentatives n'ont pas été d'un faible secours à ses successeurs (1), » dit Huyghens, immédiatement avant de parler de la découverte de Snell. Entre autres choses Képler calcule l'angle B DC, au moyen des angles A D C, A D B, dont il est la différence (2). Ici s'offre assez naturellement à l'esprit l'idée de

(1) « Plurimis frustra tentatis, ipsam quidem rei veritatem non est assecutus; conjecturis tamen suis, variisque molitionibus, non parum sequentium studia adjuvit. Diopt. p. 2.

(2) Diopt. problema 4.

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chercher si les angles du triangle D B C, formé du rayon rompu DB du prolongement D C du rayon incident DH, et de BC parallèle à PM, qui sépare

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les deux milieux, ont quelque rapport avec les angles d'incidence et de réfraction. D B C est supplément de DBA =FDP, lequel est le complément de FDE, angle de réfraction. D C B=H DP, complément de HDE, angle d'incidence. Or, sinus DBC: sin DCB::DC: DB; d'où DC: DB:: cos. FDE: cos. HDE. Le rapport des cosinus est faux. Mais au lieu de couper DB et DC par A C parallèle à P M, couponsles par K Z qui lui soit perpendiculaire : alors DCB supplément de DCM=HDE, angle d'incidence, et DBC=F DE, angle de réfraction, ce qui donne

le

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rapport des sinus. Snell s'était arrêté à celui de

DC et de DB (1) ou des sécantes, DC étant la sécante de l'angle MD C, complément de CDI = HDE, et DB sécante de MDB, complément de BDI = FDE. Voilà une marche qu'ils ont pu suivre chacun de leur côté. Dans une de ses lettres, Descartes ne craint pas d'avancer que « Képler a été son premier maître en optique, et qu'il est celui de tous les hommes qui en a le plus su par ci-devant (2). Outre l'ouverture probable dont nous venons de parler, certainement il a reçu de lui la connaissance de la fonction du cristallin, du renversement de l'image sur la rétine et des causes de la presbytie et de la myopie.

Quelques phrases de deux autres lettres permettraient de croire qu'il ne s'attribuait que la démonstration de la loi de là réfraction. Dans la première (3), adressée à un anonyme, il décrit l'appareil qu'il avait inventé et dont on se sert encore pour vérifier cette loi.

<<< Cette lettre, dit Delambre, donne lieu à plusieurs réflexions. 1o Le plan d'expérience tracé par Descartes, suppose que l'on connaisse le théorème du rapport constant des deux sinus, et que l'on s'en serve pour diviser les deux règles, après quoi l'on observera si la lumière pénétrant dans l'eau sous

(1) Huyghens diopt., p. 2. (2) OEuv., t. VII, p. 161. (3) Ibid., t. VI, p. 220.

un degré donné d'incidence, va tomber précisément sur la division donnée par le théorème; c'est donc un moyen de vérifier la règle, et non pas un moyen de la découvrir, quand on n'en a aucune idée.

« 2o Descartes n'avait fait alors aucune expérience, si ce n'est cinq ans auparavant, avec une lentille qui rassembla tous les rayons du soleil, tout justement à la distance prédite. L'expérience réussit, mais Descartes ne sait si c'est par hasard, ou parce que sa ratiocination avait été juste.

«3° Cette ratiocination était connue de l'anonyme, puisqu'il lui dit: Suivant la ratiocination que vous savez. Il lui avait donc confié une découverte qu'il ne donnait à Mersenne que sous le sceau du secret; mais ne serait-ce pas sa démonstration qu'il donne avec cette précaution? Il ne paraît pas attacher la moindre importance à ce théorème; aucun de ses adversaires ni de ses amis n'en parle, ni pour le vanter, ni pour le contester à Descartes. Il paraît seulement que Fermat avait commencé par le révoquer en doute. N'en pourrait-on pas induire qu'il n'y avait aucune prétention, et que c'était une chose bien connue? Ce pouvait être une vérité trouvée par expérience, et admise sans réclamation; il ne restait plus qu'à la démontrer; chacun proposait son explication, et c'est sur ce point seulement qu'on était divisé.

<«< Un anonyme qui a chargé de notes l'édition des lettres que je cite, et qui est de la bibliothèque de l'Institut, conjecture que la lettre a été écrite à Golius en 1632. Ce Golius était professeur à Leyde; il n'est pas étonnant qu'il connût le théorème de Snellius; Descartes a pu lui dire qu'il savait la manière de diviser les règles de l'instrument; ne serait-ce pas même ce Golius qui l'aurait apprise à Descartes, qui, en reconnaissance, lui indique un moyen pour le vérifier.

<<Dans la soixante-treizième lettre à Mersenne (1), il dit : « Pour la façon de mesurer la réfraction de << la lumière instituo comparationem inter sinus « angulorum incidentiæ et angulorum refractorum. <<< Mais je serais bien aise que cela ne fût pas en«< core divulgué, parce que la première partie de << ma dioptrique ne contient que cela seul...>>

<< Si Descartes a véritablement trouvé ce théorème, ce qui est très-possible, quoiqu'il n'en dise rien, comment ne nous a-t-il donné aucun développement d'une découverte que plusieurs auteurs avaient inutilement cherchée? Képler n'avait pu la trouver; il s'était contenté d'une approximation qui lui parut suffisante tant que l'angle ne passait pas 30 degrés. Il croyait que l'angle de réfraction était le tiers de l'angle d'inclinaison, ce qui n'est

(1) OEuv., t. VI, p. 232, juin, 1633.

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