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tion qui devrait avoir seulement deux racines positives et deux négatives; cependant, en considérant les variations des signes, on voit qu'elle a quatre racines positives, Ceci vient donc de deux racines imaginaires, qui, par leur ambiguïté, se montrent sous la forme de racines négatives dans la première équation, et sous celle de positives dans la dernière (1). » Que l'équation manque d'un terme et qu'on le remplace par±0; si l'on considère la succession des signes avec +0 et avec-0, et que le nombre des variations et celui des permanences aient changé, c'est une marque qu'il y a des racines imaginaires. Mais il peut arriver qu'il reste le même, et que les racines ne soient pas toutes réelles. Pareillement, lorsqu'on multiplie l'équation par un binome x gà racine positive, comme dans l'exemple précédent de Newton, il peut se faire que les variations répondent au nombre supposé de racines positives, et qu'il s'y trouve des racines imaginaires. Dans les Éléments d'algèbre, on cite des cas inutiles à rappeler ici.

Telle qu'elle est néanmoins, cette règle a été, pendant deux siècles, ce qu'on a eu de mieux. Les plus grands analystes, à commencer par Newton et finir par Lagrange, n'ont pu, malgré tous leurs efforts, faire un pas décisif après Descartes. L'équation aux carrés des différences, simple en théorie,

(1) Arithm, univ. de Newton, t. II, p. 9 trad. de Beaudeux.

engage, quand on veut l'employer, dans des calculs fatigants et quelquefois presque interminables. Fourier atteint presque le but. En 1820, il publie (1) une règle, dont il était en possession depuis plusieurs années. S'il échoue, ses efforts aident M. Sturm à réussir dans un théorème qu'il donne en 1829. Ce théorème exige seulement une dérivée, qui s'obtient immédiatement, et une opération analogue à la recherche du plus grand commun diviseur, entre la dérivée et l'équation. Toutefois, l'esprit a je ne sais quel pressentiment qu'il existe quelque voie encore plus simple. Cette découverte, en montrant qu'il n'y a d'introuvable que ce qui est impossible, loin d'endormir, doit redoubler l'ardeur. L'emploi des dérivées remonte à Rolle, qui les appelle cascades (2).

Ce que Newton ajoute à Descartes pour résoudre les équations, consiste principalement dans un moyen abrégé de déterminer les limites des racines, de discerner les diviseurs commensurables, et dans une méthode d'approximation qui porte son nom (3). Beaune, peut-être avant Descartes, aperçoit quelque trace des coefficients indéterminés; mais c'est Descartes qui, par l'u

(1) Bulletin des Sciences pour la societé philomatique de Paris, p. 156 et 181, an. 1820.

(2) Traité d'algèbre, liv. II, p. 124.

(3) Arithm. univ., t. II. Opuscul., t. I.

sage particulier qu'il en fait (1), y révèle un procédé merveilleux pour transformer les quantités.

Jusqu'ici nous avons supposé, comme on fait ordinairement, que Descartes emprunte à Viète et à Harriot leurs inventions, mais le contraire paraît certain. « J'ai commencé, écrit-il à Mersenne, où Viète avait achevé, ce que j'ai fait toutefois sans y penser; car je l'ai plus feuilleté depuis votre dernière que je n'avais jamais fait auparavant, l'ayant trouvé ici par hasard entre les mains d'un de mes amis; et, entre nous, je ne trouve pas qu'il en ait tant su que je pensais, nonobstant qu'il fût fort habile (2)... Pour l'accusation du géostaticien, que je ne donne rien des équations que Viète n'ait donné plus doctement, nego majorem; car, comme je crois vous avoir déjà remarqué quelque autre fois, je commence en cela où Viète avait fini. Et, pour ce qu'il dit que je ne suis pas excusable de n'avoir pas vu Viète, il aurait raison si j'avais ignoré pour cela quelque chose qui fût dans Viète, ce que je ne crois pas qu'il m'enseigne par ce beau livret qu'il a autrefois fait imprimer (3)... Je n'ai aucune connaissance de ce géomètre dont vous m'écrivez, et je m'étonne de ce qu'il dit que nous avons étudié ensemble Viète à Paris; car c'est un livre

(1) OEuv., t. V, p. 364 et suiv.

(2) T. VI, p. 300.

(3) T. VII, p. 157.

dont je ne me souviens pas avoir seulement vu la couverture pendant que j'ai été en France (1). » Sur ce que disait Newton, qu'il connaissait la théorie des forces centrales avant que les théorèmes de Huyghens vissent le jour, quoiqu'il ne l'eût publiée que quinze ans plus tard, nous avons cru devoir admettre qu'il ne lui a rien pris. Descartes assure à plusieurs reprises que pendant son séjour en France, c'est-à-dire avant 1629, par conséquent avant l'âge de trente-trois ans, il n'a point vu Viète. Il est manifeste par l'histoire de sa vie qu'alors il avait fait toutes ses découvertes dans les mathématiques; il déclare même à Mersenne qu'il ne veut plus s'occuper de cette science. << Pour les problèmes, lui dit-il, je vous en enverrai un million pour proposer aux autres, si vous le désirez; mais je suis si las des mathématiques, et j'en fais maintenant si peu d'état, que je ne saurais plus prendre la peine de les résoudre moimême (2). » Pourrions-nous ne pas lui reconnaître d'avoir trouvé de son côté les mêmes choses que Viète, et aussi que Harriot, dont l'écrit, Artis analytica Praxis, n'est publié qu'en 1631? Donc, sans diminuer le mérite de ces deux auteurs, il faut avouer que la théorie générale des équations, renfermée dans le troisième livre de sa géométrie,

(1) T. VIII, p. 99. (2) T. VI, p. 103.

lui appartient tout entière. D'ailleurs ce sont vingt-cinq ou trente pages si nettes, si simples, qu'elles semblent exclure plusieurs sources. D'un seul coup cette théorie est poussée si loin, qu'elle demeure longtemps sans recevoir d'autres perfectionnements que ceux de Newton. Et cependant elle n'est point la principale œuvre mathématique de Descartes.

Découvrir, au moins s'il s'agit de principes, ce qui constitue les grandes découvertes, c'est s'élever à des rapports plus généraux. La quantité peut être considérée comme discontinue, ou comme continue. Les portions de ligne droite ou de ligne courbe offrent des rapports de la quantité discontinue; la ligne droite, les lignes courbes entières, des rapports de la quantité continue. Il est évident que les premiers sont moins généraux que les derniers, puisque la ligne droite renferme toutes les portions possibles de lignes droites, les courbes toutes les portions possibles de courbes, et que, par là, elles sont d'une nature supérieure à la nature de ces portions. Or, Descartes conçoit de représenter les rapports de la quantité continue par des symboles. Soit la circonférence ABCD. Abaissons sur le diamètre AC les perpendiculaires mp, m'p', m"p", m" p", mp,

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m'

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p etc., les points m, m', m", m", m"

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etc., de la circonférence sont déterminés

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