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DEFENSE

DU

NEWTONIANISME.

17 39.

AUX OBJECTIONS PRINCIPALES QU'ON A FAITES EN FRANCE CONTRE LA PHILOSOPHIE DE NEWTON.

LES Elémens de Newton furent donnés au public,

parce qu'il semblait utile de mettre le public au fait de ces nouvelles vérités dont tout le monde parlait à Paris comme d'un monde inconnu. M. Algarotti travaillait en même temps à faire goûter cette philofophie à fes compatriotes, et ornait par les agrémens de fon efprit des vérités qui ne femblaient foumifes qu'au calcul. Ces vérités pénétraient dans l'académie des fciences, malgré le goût dominant de la philofophie cartéfienne; elles y furent d'abord propofées par un grand mathématicien (1) qui depuis, par fes mefures prifes fous le cercle polaire, a reconnu et déterminé la figure que Newton et Huyghens avaient affignée à la terre. D'autres géomètres phyficiens, et fur-tout celui qui a traduit la ftatique des végétaux, (2) et qui enchérit encore fur ces expériences étonnantes, embraffaient avec courage cette phyfique admirable, qui n'eft fondée que fur les faits et fur le calcul, qui rejette toute hypothèse, et qui par conféquent eft la feule physique véritable.

(1) M. de Maupertuis; il a trouvé le moyen d'occuper le public de lui feul, et de faire oublier fes compagnons de voyage.

(2) M. de Buffon; il a eu depuis avec M. Clairault une dispute fur la nature des forces attractives, dispute où tout l'avantage a été pour le grand géomètre.

Fauffe idée

critiques.

L'auteur des Elémens tâcha de mettre ces vérités nouvelles à la portée des efprits les moins exercés dans ces matières; et quoique fon ouvrage ait été imprimé avec beaucoup de fautes, et que l'impatience des libraires ne lui eût pas donné le temps de l'achever, il n'a pas laiffé pourtant d'être de quelque utilité. On n'a pas reproché le défaut de clarté à ce livre.

Cependant il faut bien qu'il foit plus difficile à entendre qu'on ne croyait, puifque tous ceux qui ont écrit contre les vérités dont il était l'interprète, lui ont reproché des · chofes qui affurément ne fe trouvent ni dans fon livre, ni dans aucun difciple de Newton.

L'un s'imagine, par exemple, que dans un verre ardent, de plufieurs le milieu doit attirer plus que les bords, et que c'est par cette raifon que les rayons de lumière, felon Newton, se fe raffemblent au foyer du verre; et il perd bien du temps. et de la peine pour réfuter ce qui n'a jamais été dit.

Autre mé

Un autre croit que chez Newton la lumière ne vient prife fur fa du foleil fur la terre, que parce que la terre l'attire de trente-trois millions de lieues.

lumière.

le vide.

Autre mal- Il y en a qui ayant lu par hafard ces mots, la lumière entendu fur fe réfléchit du fein du vide, ont cru, fans faire attention à ce qui précède et à ce qui fuit, qu'on attribuait au vide une action fur la matière, et là-deffus ils ont triomphe, et ils ont débité ou des injures, ou des plaifanteries, ou des argumens également inutiles.

Si ces meffieurs, par exemple, au lieu de crier contre ce qu'ils n'avaient pas affez examiné, s'étaient voulu informer de l'état de la queftion, voici ce qu'on leur aurait répondu. Newton a découvert entre la lumière et les corps une d'une belle action dont on n'avait pas d'idée. Il fait voir, par exemple, que la même lumière oblique, qui ne se transmet point

Explication

expérience.

à travers un cristal, s'y transmet dès qu'on met de l'eau
fous ce cristal; il a affuré que, fi on trouvait le fecret de
pomper l'air fous ce criftal dans la machine du vide, ce
même rayon oblique, qui paffait presque tout entier du
verre dans l'eau appliquée à ce criftal, ne pafferait point
du tout dans ce vide. L'auteur des Elémens de Newton
eft peut-être le premier en France qui en ait fait l'expé-
rience, et de-là il a conclu avec grande raifon, qu'il y a une
action inconnue du criftal et de l'eau fur la lumière, action
d'une espèce nouvelle, action dont aucun philofophe n'a
pu rendre raison par les mécaniques ordinaires; action
que l'on nomme attraction, propter egeftatem linguæ etrerum
novitatem; en attendant que DIEU nous en révèle la cause.
L'auteur des Elémens, en parlant de ce phénomène, s'est
servi de cette expreffion très-française, que la lumière rejaillit
du fein du vide, à peu-près comme il a dit en vers:

Valois fe réveilla du fein de fon ivreffe....
Gouverner fon pays du fein des voluptés. . .

Il n'y a perfonne qui ne fache ce que valent ces expreffions; elles font fi claires qu'on peut s'en fervir en profe comme en poësie; pourvu qu'on n'affecte pas de les employer fréquemment, et qu'on évite la profe poëtique avec autant de foin que le ftyle familier et plaifant. On fait bien que ni l'ivreffe, ni les voluptés, ni le vide n'ont un fein qui agiffe réellement ; et tout ce qu'un lecteur qui ne veut point chicaner devait comprendre, c'eft que la lumière qui rejaillit du vide en rejaillit parce que le corps voifin exerce une force quelconque fur elle.

Eclairciffement fur un

fait très-im

Quelques-uns plus injuftes encore, prenant l'acceffoire portant d'oppour le principal, comme il arrive presque toujours, ont tique et fur la fait femblant de croire que l'auteur fe vantait d'avoir l'angle.

trifection de

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