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concours il y apporte. Newton et d'autres ont calculé que l'élévation moyenne dans le milieu de l'Océan eft de douze pieds; le foleil en élève deux et un quart, et la lune huit et trois quarts.

Au refte, ces marées de la mer océane semblent être, auffi-bien que la proceffion des équinoxes, et que la période de la terre en vingt-cinq mille neuf cents ans, un effet nécessaire des lois de la gravitation, fans que la cause finale en puiffe être affignée; car de dire, avec tant d'auteurs, que DIEU nous donne les marées pour la commodité de notre commerce, c'eft oublier que les hommes ne commercent au loin par l'Océan que depuis deux cents cinquante ans : c'eft hasarder beaucoup encore, que de dire que le flux et le reflux rendent les ports plus avantageux; et quand il ferait vrai que les marées de l'Océan fuffent utiles au commerce doit-on dire que

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DIEU les envoie dans cette vue? Combien la terre et les mers ont-elles fubfifté de fiècles avant que nous fiffions fervir la navigation à nos nouveaux befoins?", Quoi,

difait un philofophe ingénieux, parce qu'au bout ,, d'un nombre prodigieux d'années, les beficles ont été ,, enfin inventées, doit-on dire que DIEU a fait nos nez pour porter des lunettes ? Les mêmes auteurs affurent auffi que le flux et le reflux font ordonnés de DIEU, de peur que la mer ne croupiffe et ne fe corrompe; ils oublient encore que la Méditerranée ne croupit point, quoiqu'elle n'ait point de marée. Quand on ofe affigner ainfi les raifons de tout ce que DIEU a fait, on tombe dans d'étranges erreurs. Ceux qui fe bornent à calculer, à pefer, à mefurer, fe trompent fouvent eux-mêmes : que fera-ce de ceux qui ne veulent que deviner?

On ne poussera pas ici plus loin les recherches fur la

gravitation. (28) Cette doctrine était encore toute nouvelle en France, quand l'auteur l'expofa en 1736. Elle ne l'eft plus; il faut fe conformer au temps. Plus les hommes font devenus éclairés, moins il faut écrire.

CHAPITRE XII

CONCLUSIO N.

CONCLUONS en prenant ici la substance de tout ce

que nous avons dit dans cet ouvrage :

1o. Qu'il y a un pouvoir actif, qui imprime à tous les corps une tendance les uns vers les autres.

2°. Que par rapport aux globes céleftes, ce pouvoir agit en raison renverfée des quarrés des distances au centre du mouvement, et en raifon directe des maffes; et on appelle ce pouvoir attraction par rapport au centre, et gravitation par rapport aux corps qui gravitent vers

ce centre.

(28) Obfervons ici que l'on doit encore à Newton d'avoir prouvé que les comètes font des planètes qui décrivent autour du foleil des ellipfes affez alongées pour être confondues avec des paraboles dans toute l'étendue où les comètes font visibles. Ainfi une feule apparition ne fuffit point pour déterminer l'orbite entière et prédire le retour d'une comète, qui n'a été vue qu'une fois. Halley difciple de Newton a calculé l'orbite de quelques comètes dont la période était à peu-près connue parce qu'elles avaient été vues deux fois, et a effayé d'en déterminer le retour en ayant égard aux perturbations caufées par les planètes près defquelles paffent les comètes. Une de ces planètes devait reparaître en 1759, elle a reparu réellement à très-peu-près à l'époque où elle devait paraître d'après les calculs de fes perturbations faits par M. Clairault, fuivant une méthode beaucoup plus certaine que celle dont Halley avait pu se servir. On en attend une autre vers 1789. La période de la première comète eft d'environ foixante et et celle de la feconde d'environ cent trente.

feize ans

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3°. Que ce même pouvoir fait defcendre les mobiles fur notre terre, en tendant vers le centre.

4°. Que la même cause agit entre la lumière et les corps, comme nous l'avons vu, fans qu'on fache en quelle proportion.

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A l'égard de la cause de ce pouvoir, fi inutilement recherchée et par Newton et par tous ceux qui l'ont suivi, que peut-on faire de mieux que de traduire ici ce que Newton dit à la dernière page de fes Principes? Voici comme il s'explique en phyficien auffi fublime qu'il est géomètre profond. J'ai jufqu'ici montré la force de la "gravitation par les phénomènes célestes et par ceux de ,, la mer; mais je n'en ai nulle part affigné la cause. "Cette force vient d'un pouvoir qui pénètre au centre " du foleil et des planètes, fans rien perdre de fon "activité, et qui agit, non pas felon la quantité des ›› superficies des particules de matière, comme font les " caufes mécaniques, mais felon la quantité de matière " folide; et fon action s'étend à des diftances immenfes, ,, diminuant toujours exactement felon le quarré des "diflances, &c. C'eft dire bien nettement, bien expreffément, que l'attraction eft un principe qui n'eft point mécanique. Et quelques lignes après il dit: " Je " ne fais point d'hypothèses, Hypothefes non fingo. Car ", ce qui ne fe déduit point des phénomènes est une hypothèse; et les hypothèses, foit métaphyfiques, foit ,, phyfiques, foit des fuppofitions de qualités occultes, ,, foit des fuppofitions de mécaniques, n'ont point lieu ,, dans la philofophie expérimentale. ››

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Je ne dis pas que ce principe de la gravitation foit le feul reffort de la phyfique; il y a probablement bien

d'autres fecrets que nous n'avons point arrachés à la nature, et qui confpirent avec la gravitation à entretenir l'ordre de l'univers. La gravitation, par exemple, ne rend raison ni de la rotation des planètes fur leurs propres centres, ni de la détermination de leurs orbes en un fens plutôt qu'en un autre, ni des effets furprenans de l'élafticité, de l'électricité, du magnétifme. Il viendra un temps peut-être où l'on aura un amas affez grand d'expériences pour reconnaître quelques autres principes cachés. Tout nous avertit que la matière a beaucoup plus de propriétés que nous n'en connaissons. Nous ne fommes encore qu'au bord d'un océan immense. Que de chofes reftent à découvrir! mais auffi que de chofes font à jamais hors de la fphère de nos connaiffances!

Fin de la Philofophic de Newton.

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