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petite car un cercle changé en ovale n'augmente ni ne diminue de fuperficie. Quant à la différence d'un axe à l'autre, elle n'eft pas de fept lieues différence immense pour ceux qui prennent parti, mais infenfible pour ceux qui ne confidèrent les mesures du globe terreftre que par les ufages utiles qui en résultent. Il n'y a aucun géographe qui pût dans une carte faire apercevoir cette différence, ni aucun pilote qui pût jamais favoir s'il fait route fur un fphéroïde ou fur une fphère. Mais entre les mesures qui fefaient le fphéroïde oblong, et celles qui le fefaient aplati, la différence était d'environ cent lieues; et alors elle intéreffait la navigation. (25)

(25) Il eft bon de remarquer que fi l'obfervation et la théorie s'accordent à montrer que la terre est aplatie vers les pôles, l'on ne peut rien prononcer encore avec exactitude fur la quantité de son aplatissement, qu'il eft impoffible d'accorder même et les mesures des degrés entre elles, et les résultats des expériences fur les pendules, fans supposer à la terre une forme irrégulière. Ceux qui défireraient d'être éclairés sur cette grande queftion, doivent lire les differens mémoires que M. d'Alembert a donnés fur cet objet. On y verra que la question est beaucoup plus compliquée que la plupart des géomètres ne l'avaient pensé; et on y trouvera en même temps et les principes néceffaires pour la réfoudre, et des remarques utiles pour éviter de fe laiffer entraîner à des conclufions incertaines et trop précipitées.

CHAPITRE X.

DE LA PERIODE DE VINGT-CINQ MILLE NEUF CENTS VINGT ANNÉES, CAUSÉE PAR L'ATTRACTION.

Mal-entendu général dans le langage de l'aftronomie. Hiftoire de la découverte de cette période, peu favorable à la chronologie de Newton. Explication donnée par des Grecs. Recherches fur la caufe de cette période.

S1 Si la figure de la terre eft un effet de la gravitation, de l'attraction, ce principe puiffant de la nature est auffi la caufe de tous les mouvemens de la terre dans fa course annuelle. Elle a dans cette courfe un mouvement dont la période s'accomplit en près de vingt-fix mille ans ; c'eft cette période qu'on appelle la préceffion des équinoxes; mais pour expliquer ce mouvement et sa cause, il faut reprendre les chofes d'un peu plus loin.

Le langage vulgaire, en fait d'aftronomie, n'est qu'une contre-vérité perpétuelle. On dit que les étoiles font leur révolution fur l'équateur, que le foleil chaque jour tourne avec elle autour de la terre d'Orient en Occident, que cependant les étoiles, par un autre mouvement oppofé au foleil, tournent lentement d'Occident en Orient; que les planètes font ftationnaires et rétrogrades. Rien de tout cela n'eft vrai; on fait que toutes ces apparences font caufées par le mouvement de la terre. Mais on s'exprime toujours comme fi la terre

était immobile, et on retient le langage vulgaire, parce que le langage de la vérité démentirait trop nos yeux et les préjugés reçus, plus trompeurs encore que la vue.

Mais jamais les aftronomes ne s'expriment d'une manière moins conforme à la vérité, que quand ils difent dans tous les almanachs: Le foleil entre au printemps dans un tel degré du bélier; l'été commence avec le figne du cancer; l'automne avec la balance. Il y a long-temps que tous ces fignes ont de nouvelles places dans le ciel, par rapport à nos faifons; et il ferait temps de changer la manière de parler, qu'il faudra bien changer un jour; car en effet notre printemps commence quand le foleil fe lève avec le taureau, notre été avec le lion, notre automne avec le scorpion, notre hiver avec le verseau; ou pour parler plus exactement, nos faifons commencent quand la terre dans fa route annuelle eft dans les fignes oppofés à ces fignes qui fe lèvent avec le foleil.

Hipparque fut le premier qui chez les Grecs s'aperçut que le foleil ne fe levait plus au printemps dans les fignes où il s'était levé autrefois. Cet aftronome vivait environ soixante ans avant notre ère vulgaire ; une telle découverte faite fi tard, et qui devait avoir été faite beaucoup plus tôt, prouve que les Grecs n'avaient pas fait de grands progrès en aftronomie. On conte, (mais c'est un feul auteur qui le dit au deuxième fiècle) qu'au temps du voyage des Argonautes l'aftronome Chiron fixa le commencement du printemps, c'eftà-dire, le point où l'écliptique de la terre coupait l'équateur, au premier degré du bélier. Il est constant que plus de cinq cents années après, Méton et Euctémon obfervèrent que le foleil au commencement de l'été

entrait dans le huitième degré du cancer; par conféquent l'équinoxe du printemps n'était plus au premier degré du bélier, et le foleil était avancé de fept degrés vers l'Orient depuis l'expédition des Argonautes. C'est fur ces obfervations faites cinq cents ans après par Méton et Euctémon, un an avant la guerre du Péloponèse, que Newton a fondé en partie son systême de la réformation de toute la chronologie; et c'eft fur quoi je ne puis m'empêcher de foumettre ici mes fcrupules aux lumières des gens éclairés.

Il me paraît que fi Méton et Euctémon euffent trouvé une différence auffi palpable que celle de fept degrés, entre le lieu du foleil au temps de Chiron, et celui du temps où ils vivaient, ils n'auraient pu s'empêcher de découvrir cette préceffion des équinoxes, et la période qui en résulte. Il n'y avait qu'à faire une fimple règle de trois, et dire: Si le foleil avance environ de fept degrés en cinq cents et quelques années, en combien d'années achèvera-t-il le cercle entier ? La période était toute trouvée. Cependant on n'en connut rien jufqu'au temps d'Hipparque. Ce filence me fait croire que Chiron n'en avait point tant fu que l'on dit ; et que ce n'est qu'après coup que l'on crut qu'il avait fixé l'équinoxe du printemps au premier degré du bélier. On s'imagina qu'il l'avait fait parce qu'il l'avait dû faire. Ptolomée n'en dit rien dans fon Almagefte; et cette confidération pourrait, à mon avis, ébranler un peu la chronologie de Newton.

Ce ne fut point par les obfervations de Chiron, mais par celles d'Aristille et de Méton comparées avec les fiennes propres, qu'Hipparque commença à foupçonner une viciffitude nouvelle dans le cours du foleil. Ptolomée,

plus de deux cents cinquante ans après Hipparque, s'affura du fait, mais confufément. On croyait que cette révolution était d'un degré en cent années; et c'eft d'après ce faux calcul que l'on compofait la grande année du monde de trente-fix mille années. Mais ce mouvement n'eft réellement que d'un degré ou environ en foixante et douze ans, et la période n'eft que de vingt-cinq mille neuf cents vingt années, felon les fupputations les plus reçues. Les Grecs, qui n'avaient point de notion de l'ancien fyftême connu autrefois dans l'Afie et renouvelé par Copernic, étaient bien loin de foupçonner que cette période appartenait à la terre. Ils imaginaient je ne fais quel premier mobile qui entraînait toutes les étoiles, les planètes, le foleil, en vingt-quatre heures, autour de la terre: ensuite un ciel de cristal qui tournait lentement en trente-fix mille ans d'Occident en Orient, et qui fefait, je ne fais comment, rétrograder les étoiles malgré ce premier mobile; toutes les autres planètes, et le foleil lui-même, fefaient leur révolution annuelle, chacun dans fon ciel de criftal; et cela s'appelait de la philosophie. (26) Enfin on reconnut dans le fiècle paffé que cette préceffion des équinoxes, cette longue période, ne vient que d'un mouvement de la terre, dont l'équateur d'année en année coupe l'écliptique en des points différens comme on va l'expliquer.

Avant que d'expofer ce mouvement, et d'en faire

(26) Peut-être ferait-il plus jufte de regarder tout cet édifice des fphères celeftes, comme des hypothèses imaginées par les astronomes, non pour expliquer le mouvement réel des aftres, mais pour calculer leur mouvement apparent, et il eft certain que daus un temps où l'analyse algébrique était inconnue, ils ne pouvaient choisir un moyen plus fimple et plus ingénieux.

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