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SISMONDI (1773-1842). Son principal mérite consiste dans un profond savoir. L'Histoire des Français, l'Histoire des républiques italiennes sont éminentes sous ce rapport; mais ses opinions sévères et inflexibles, sa disposition de juge nuisent au style de narrateur, il frappe sans indulgence tout ce qui n'est pas conforme à ses idées.

JULES MICHELET (1798-1874), professeur de Sorbonne en 1830, depuis au Collége de France. Le gouvernement de Louis Napoléon interdit ses leçons en 1851. Il cherche à travers les phénomènes la loi qui les domine; sa fantaisie créatrice, sa science inépuisable forment le charme de ses ouvrages: poète et historien il est un de ces écrivains les plus attachants et les plus originaux; il communique à son lecteur son attendrissement, son imagination, son esprit (Principes de la philosophie de l'histoire, Histoire de France,. Histoire romaine, Précis de l'histoire moderne).

Il vit avec les personnages historiques qu'il met en scène, il partage leurs passions, leurs ambitions et quelquefois même leurs croyances. Il est surtout pénétré de cette ardente pitié, de cet amour de l'humanité qui anime les grandes âmes en face des misères, des tortures, des injustices, des violences que présente l'histoire. En 1852 il quitta sa place aux archives et s'est retiré. Il a écrit depuis: l'Insecte, l'Oiseau, l'Amour, la Femme, la Mer, mélange singulier de physiologie et de poésie, de science et de rêverie, de sensualisme et de mysticisme. D'ailleurs ces ouvrages de ce qu'on peut appeler sa seconde manière sont des oeuvres si chaudes d'inspiration, si jeunes de sentiment qu'on a peine à croire qu'elles sortent de la plume d'un historien vieilli dans l'étude et dans la méditation. Son imagination nerveuse, inquiète, prodigieusement impressionnable et vibrante se révèle surtout dans sa Bible de l'Humanité, 1864.

ADOLPHE THIERS, né à Midy près Marseille en 1797, ministre sous Louis-Philippe, chef du pouvoir exécutif en 1871. -1873, président de la République, a entrepris de raconter l'histoire de la Révolution, du Consulat et de l'Empire et il l'a achevée avec un succès extraordinaire. Le don particulier de cet esprit facile c'est de s'approprier tout par une méditation rapide; la lumière l'accompagne jusque dans les détails les plus difficiles; lois, commerce, finances, tactique, tout devient intéressant pour le lecteur dès qu'il y

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touche. Malheureusement, infatué de la gloire de son pays, il a préconisé les succès brillants des armées de Bonaparte, et en flattant par là les vanités et les passions nationales, il a contribué plus que personne aux malheurs récents de sa patrie.

L'Histoire de la révolution par MIGNET (1796) a d'autant plus d'attraits et d'effet qu'elle fait parler les faits et les évènements et que le spectacle imposant de ces grandes scènes se déroule à nos yeux sans charge, sans que l'auteur y paraisse.

Les études biographiques: Antonio Pérez, Marie Stuart, CharlesQuint sont des livres complets; d'autres travaux d'une moindre étendue ont été réunis sous le titre de Portraits et notices historiques et littéraires.

Nommons encore l'auteur élégant de l'Histoire de la grande Armée, PHILIPPE, comte de SEGUR (1780-1873), et MICHAUD (1767-1839) qui sous la révolution défendit courageusement le trône et l'autel, auteur de l'Histoire des Croisades.

CH. LACRETELLE (1772-1855) dont l'Histoire de France pendant le XVIII° siècle, l'Histoire de l'Assemblée Constituanté, du Directoire, de la Restauration sont remarquables par l'impartialité des jugements et le sentiment élevé.

ARMAND CARREL (1800-1836), écrivain politique, chef de l'opposition sous la dynastie de juillet, rédacteur en chef du,,National" qu'il fonda avec Thiers et Mignet, périt dans un duel politique. Résumé de l'histoire des Grecs modernes; Histoire de la contre-révolution en Angleterre.

CAPEFIGUE (1798) savant imitateur de Barante, auteur de l'Histoire de la Restauration; Histoire de l'invasion des Normands dans la Gaule.

AMÉDÉE THIERRY (1797-1873), bonapartiste zélé, sénateur sous le second empire, frère d'Augustin: Histoire des Gaulois, Histoire de la Gaule sous l'administration romaine. Dans son Tableau de l'empire romain, il nous fait assister à la formation de la société romaine, à la marche du monde romain vers l'unité. Récemment il a abordé l'histoire du Bas-Empire: les Récits de l'histoire romaine du V• siècle

sont des tableaux vivants et pleins d'intérêt. HENRI MARTIN (1810) auteur d'une belle Histoire de France. LOUIS BLANC (1813): Histoire de 10 ans (de 1830-1840) qui porta un coup terrible à la dynastie de juillet. Le COMTE Daru (1767 1829): Histoire de la république de Venise. VICTOR DURUY (1811) auteur d'un grand nombre d'ouvrages destinés à l'instruction publique: Histoire des Romains, Histoire grecque, Histoire de France. ALEXIS DE TOCQUEVILLE *) (1805 1859) esprit profond, indépendant, mûri par des études sérieuses de l'organisation politique des Etats-Unis. Dans son livre si original: De la Démocratie en Amérique il avait, dans des temps pacifiques, menacé les peuples modernes de la tyrannie des Césars. Plus tard, justifié par les événements, il reprenait cette pensée et la développait avec la plus rare sagacité dans son beau livre sur l'ancien Régime et la Révolution. Il dessine le caractère particulier de la révolution: ,,Toutes les révolutions politiques et civiles ont eu une patrie, la révolution française n'a pas eu de territoire propre. Elle a agi comme une révolution religieuse. On l'a vue rapprocher ou diviser les hommes en dépit des lois, des traditions, des caractères, de la langue, rendant parfois ennemis des compatriotes et frères des étrangers. La révolution a bien cherché à accomplir l'oeuvre des siècles qui l'avaient précédée: détruire les dérniers vestiges des institutions féodales, fonder un ordre nouveau sur la raison pure, sur l'idée abstraite du droit et de l'humanité. La révolution comme la religion a considéré,,l'homme en général“, au lieu de tel homme, de telle nationalité particulière. Par-là elle est exposée à une conséquence fatale qui ayant son germe déjà dans toute l'histoire de France a été propagée et aggravée à un degré extrême: l'absolutisme démocratique ou césarique, l'effacement de l'individu, l'indifférence du droit, l'absorption de toute vie locale par le centre, et par suite l'extinction de toute vitalité dans les

*) Né à Verneuil, élevé au collége de Metz où son père résidait comme préfet. Il fut longtemps député et ministre des affaires étrangères en 1849.

parties." EDGAR QUINET (1803) traducteur des oeuvres de Herder, auteur des poèmes épiques: Ahasvérus et Napoléon, a pris place parmi les historiens par son ouvrage sur les Epoques chevaleresques du XIIe siècle, par son Histoire de la campagne de 1815, le Génie des religions et surtout par la Révolution. Sa dernière publication est la Création, ouvrage très intéressant où il associe les grandes découvertes des sciences naturelles avec les matières de l'histoire et des arts.

Roman.

§. 71.

De tous les genres de composition littéraire, le genre qui fut le plus étranger à l'antiquité est celui qui a été le plus cultivé, le plus goûté par les modernes.

„Le roman, disait Goethe, est l'épopée moderne"; il est une des puissances de notre époque. Durant 50 années il a régné et règne en despote dans la littérature. Comme il avait jadis charmé les rudes générations du moyen âge, comme il captivait les esprits raffinés du XVIIe et XVIIIe siècle, de même il est, de nos jours, pour le grand nombre un enseignement par lequel s'insinuent dans les intelligences et dans les coeurs des idées et des impressions dont l'influence se fait plus ou moins sentir sur les actes de la vie. On ne saurait méconnaître la part que certains romans ont eue dans les mouvements qui s'accomplissent au sein des sociétés. La popularité de ce genre littéraire s'explique surtout par ce fait qu'il a été de tout temps pour chaque génération, comme un miroir qui lui offrait une image d'elle-même, miroir doué de la faculté, non-seulement de colorer la réalité, mais de donner un corps à tous les désirs et à tous les rêves. Aussitôt qu'il se produit un courant nouveau dans les goûts d'une société, le roman abonde dès lors dans ce sens, et propage l'impulsion qu'il a reçue jusqu'à ce que ce mouvement s'épuisant par son excès

même soit remplacé par un autre. Aux époques où les tendances d'une société sont plus prononcées que variées, comme au moyen âge et au XVIIe siècle, tous les romans se ressemblent plus ou moins par des sentiments et des caractères identiques. En d'autres temps lorsque la société se décompose, les productions romanesques les plus hétérogènes peuvent se produire avec le même succès. C'est ainsi qu'au XVIIIe siècle le public admire avec un égal enthousiasme Candide, la Nouvelle Héloïse, Faublas, Paul et 'Virginie.

Sous l'influence de l'école romantique et de la nouvelle école historique, le roman se développa et agrandit son domaine. Les premiers romans de V. HUGO (Han d'Island, Bug Jargal) sont des exagérations qui se plaisent à mêler l'horrible et le dégoûtant. Dans Notre Dame de Paris il a cherché à reconstruire l'édifice social de la France au XVe siècle et comme symbole des idées du moyen âge, il a choisi cette imposarte cathédrale qui résume en elle tous les traits de cette période. La vie populaire surtout y est peinte avec des couleurs vraies et heureuses.

Malgré la passion et l'énergie juvénile et quelques pages grandioses de moyen âge, le jugement rendu par Goethe (Entret. avec Eckerm. 27 juin 1831) ne paraît pas trop sévère: Je n'ai pas eu besoin d'une médiocre patience pour supporter le supplice que m'a infligé cette lecture. Et l'on n'est pas dédommagé des tortures que ce livre vous cause par la joie que pourrait faire éprouver la représentation exactc de la nature humaine, non, tout au contraire, la nature et la vérité sont absentes de ces pages. Les prétendus acteurs que l'écrivain met en scène ne sont pas de chair et de sang, ce sont de misérables marionnettes, qui vont et viennent à sa fantaisie et auxquelles il fait exécuter toute sorte de grimaces et de contorsions. Quel temps que celui où un tel livre est possible, bien plus où on le supporte, on y prend plaisir! ALFRED DE VIGNY et ALFRED DE MUSSET ont composé des romans dignes d'éloge. Mais au-dessus de tous se place Mme GEORGE SAND*) (la baronne Dudevant, née en

*) Née Dupin, arrière-petite-fille du maréchal de Saxe. Elle passa sa jeunesse à Nohant en Berry. La reconnaissance pour Jules Sandeau qui l'introduisit dans la carrière littéraire lui fit adopter le pseudonyme de George Sand.

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