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FABLE XI.

'Homme et son Image.

POUR M. IE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT.

Un homme quis'aimoit sans avoir de rivaux
Passoit dans so esprit pour le plus beau du monde.
Il accusoit toujurs les miroirs d'être faux,
Vivant plus qu content dans son erreur profonde.
Afin de le guéir, le sort officieux

Présentot partout à ses yeux

Les conseiller muets dont se servent nos dames:
Miroirs danses logis, miroirs chez les marchands,
Miroirsaux poches des galants,

Miroirs aux ceintures des femmes.
Que fait nore Narcisse? Il se va confiner
Aux lieux Is plus cachés qu'il peut s'imaginer,
N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure.
Mais un canal, formé par une source pure,
Se trouve en ces lieux écartés:

Il s'y voit, il se fâche; et ses yeux irrités
Pensent apercevoir une chimère vaine.

Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau :

Mais quoi! le canal est si beau,
Qu'il ne le quitte qu'avec peine.

On voit bien où je veux venir.
Je parle à tous; et cette erreur extrême

Est un mal que chacun se plaît d'entretenir.

Notre âme, c'est cet homme amoureux de lui-même :
Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui,
Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes:
Et quant au canal, c'est celui

Que chacun sait, le livre des Maximes.

Cette fable paroît entièrement de l'invention de La Fontaine : je crois pourtant pouvoir indiquer les deux auteurs suivants, que sans doute il n'avoit pas consultés.

LATIN. Rob. Holchot. Dans ses Leçons sur le livre de la Sagesse, on trouve cette anecdote:

Lectio 102. Sicut narratur de quadam turpi et deformi domicellá : ista autem habuit tortam faciem et oblongam, et quotiens respexit speculum, doluit et offendebatur: deformitatem tamen suam imputabat speculo; undè plura specula fregit quàm omnes mulieres de patria.

ITALIEN. Baldi, 96:

UN' HUOMO, DISTORTO DI FACCIA.

Un' huomo di volto storto specchiandosi, riprese lo specchio di falsità: il che facendo più volte con più specchi, sempre incolpò loro : al fine abbattutosi in uno specchio storto, che li drizzò la stortezza della faccia, tutto lieto disse: pur ne trovai uno al fine, che mi scoperse il vero.

FABLE XII.

Le Dragon à plusieurs tétes, et le Dragon à plusieurs queues.

Un envoyé du grand-seigneur

Préféroit, dit l'histoire, un jour, chez l'empereur, Les forces de son maître à celles de l'Empire.

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Un Allemand se mit à dire :

Notre prince a des dépendants

Qui, de leur chef, sont si puissants,

Que chacun d'eux pourroit soudoyer une armée.
Le chiaoux, homme de sens,

Lui dit: Je sais par renommée

Ce que chaque électeur peut de monde fournir;
Et cela me fait souvenir

D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie.

J'étois en un lieu sûr, lorsque je vis passer

Les cent têtes d'une hydre au travers d'une haie.
Mon
sang commence à se glacer;

Et je crois qu'à moins on s'effraie.

Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal :
Jamais le corps de l'animal

Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture.
Je rêvois à cette aventure,

Quand un autre dragon, qui n'avoit qu'un seul chef,

Et bien plus d'une queue, à passer se

Me voilà saisi de rechef

passer se présente.

D'étonnement et d'épouvante.

Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi :
Rien ne les empêcha; l'un fit chemin à l'autre.
Je soutiens qu'il en est ainsi

De votre empereur et du nôtre.

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FRANÇAIS. Benserade, 64. Dans le labyrinthe de Versailles, les fontaines représentoient divers sujets de fables. On pouvoit remarquer le sujet de celle-ci parmi ceux qui décoroient ce bosquet.

ITALIENS. Tomaso Costo, 1. 8, del Fuggil'osio.
ORIENTAUX. D'Herbelot. Bibl. orient., t. 6, p. 585.

FABLE XIII.

Les Voleurs et l'Ane.

m

Pour un âne enlevé deux voleurs se battoient:
L'un vouloit le garder, l'autre le vouloit vendre.
Tandis que coups de poing trottoient,

Et que nos champions songeoient à se défendre,
Arrive un troisième larron

Qui saisit maître Aliboron.

L'âne, c'est quelquefois une pauvre province :
Les voleurs, sont tel et tel prince,

Comme le Transilvain, le Turc et le Hongrois.
Au lieu de deux j'en ai rencontré trois :
Il est assez de cette marchandise.

De nul d'eux n'est souvent la province conquise:
voleur survient, qui les accorde net

Un

quart

En se saisissant du baudet.

GRECS. ES.-Cor., 30.

LATINS. Érasme, 1. 3, Apophth., 4; Pant. Cand., 60; J. Posth., 39; Dem. Rid., p. 140; Alsop., 118, 147; G. Sabinus, in emblem. Alciati. FRANÇAIS. Guill. Haud., 37, 257; G. Corr., 103; Est. Perr., 3; Baif, fol. 23 P. Despr., 13; Bens., 125, 143, 210.

ITALIENS. Ces. Pav., 121.

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