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Et d'un style plus haut? En voici. Les Troyens, Après dix ans de guerre autour de leurs murailles, Avoient lassé les Grecs, qui, par mille moyens,

Par mille assauts, par cent batailles, N'avoient pu mettre à bout cette fière cité; Quand un cheval de bois, par Minerve inventé, D'un rare et nouvel artifice,

Dans ses énormes flancs reçut le sage Ulysse,
Le vaillant Diomède, Ajax l'impétueux,
Que ce colosse monstrueux

Avec leurs escadrons devoit porter dans Troie,
Livrant à leur fureur ses dieux mêmes en proie:
Stratagème inouï, qui des fabricateurs

Paya la constance et la peine...

C'est assez, me dira quelqu'un de nos auteurs:
La période est longue, il faut reprendre haleine.
Et puis, votre cheval de bois,
Vos héros avec leurs phalanges,
Ce sont des contes plus étranges

Qu'un renard qui cajole un corbeau sur sa voix.
De plus, il vous sied mal d'écrire en si haut style.
Et bien! baissons d'un ton. La jalouse Amarylle
Songeoit à son Alcippe, et croyoit de ses soins.
N'avoir que ses moutons et son chien pour témoins.
Tircis, qui l'aperçut, se glisse entre des saules:
Il entend la bergère adressant ces paroles
Au doux zéphyr, et le priant
De les porter à son amant...
Je vous arrête à cette rime,
Dira mon censeur à l'instant;

Je ne la tiens pas légitime,

Ni d'une assez grande vertu.

Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte.
Maudit censeur! te tairas-tu?

Ne saurois-je achever mon conte?
C'est un dessein très-dangereux
Que d'entreprendre de te plaire.

Les délicats sont malheureux;
Rien ne sauroit les satisfaire.

LATINS. Phædr., 65.

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FABLE II.

(24.)

Conseil tenu par les Rats.

Un chat, nommé Rodilardus, Faisoit de rats telle déconfiture,

Que l'on n'en voyoit presque plus, Tant il en avoit mis dedans la sépulture.

Le peu qu'il en restoit, n'osant quitter son trou,
Ne trouvoit à manger que le quart de son soû;
Et Rodilard passoit, chez la gent misérable,

Non pour un chat, mais pour un diable.
Or, un jour qu'au haut et au loin

Le galant alla chercher femme,

Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame,
Le demeurant des rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente.

Dès l'abord, leur doyen, personne fort prudente,
Opina qu'il falloit, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard;
Qu'ainsi, quand il iroit en guerre,

De sa marche avertis, ils s'enfuiroient sous terre;
Qu'il n'y savoit que ce moyen.

Chacun fut de l'avis de monsieur le doyen:
Chose ne leur parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d'attacher le grelot.

L'un dit: Je n'y vas point, je ne suis pas si sot.

L'autre : Je ne saurois. Si bien que sans rien faire

On se quitta. J'ai maints chapitres vus,
Qui pour néant se sont ainsi tenus;

Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines;
Voire chapitres de chanoines.

Ne faut-il que délibérer ?

La cour en conseillers foisonne.

Est-il besoin d'exécuter?

L'on ne rencontre plus personne.

LATINS. Anon. vet. ined. (Manuscr. de la Bibl. du Roi, 7616) 62 ;

Dial. Creat., 80; Abst., 195; Faern., 63; J. Reg., part. 1, fab. 1.

FRANÇAIS. Ysop. 1, 62; Bens., 103.

ITALIENS. Ces. Pav., 1; Arl., p. 106; Verdizz., 33.
ALLEMANDS. Minn.-Zing., 70.

ANON. VET. INED.

De Muribus concilium contra Catum.

1

Concilium fecere diù mures animati :
Pervenit rapido magna querela Cato.
Murilegus nos sæpè legit, comeditque legendo
Cum nostris natis: sic sumus esca sibi.
Omnes conveniunt: detur campanula furi.
Sic improvisus non erit interitus.
Concio tota probat sanctum laudabile dictum.
Nil fit, et abscedit garrula tota cohors.
Ecce vetusta sagax claudicans obvia venit,
Quæ citò non potuit accelerare pedem.
Dicite, felices, quæ sit concordia nostra ?

Inserit ex gestis filiis actus omnes.

Arguit hos veterana loquax; quis forte liget hæc.

Sedulitate sua, tympana dicta Cato?
Quærunt quà faciant concepta medullitùs;

Non est qui faciat præmeditata sagax.
Nil prodesset enim sensata condere jura,
Constanti vultu ni tueretur ea.

Parturient montes, nascetur ridiculus mus:
Nil prodest abs re magna futura loqui.

N. B. L'impéritie des copistes a sans doute accru les fautes de rhythme, de sens et de langage que l'on trouve dans cette fable; nous n'avons pas cherché à rétablir les vers défectueux. Nous n'avons pas cru, malgré cela, sa publication inutile; elle peut servir à comparer les poëtes latins du xive siècle à ceux du xii et ceux du XIIIe siècle.

YSOPET I.

FABLE LXII.

Des Souris qui firent concille contre le Chaf.

Les souris firent parlement
Où il ot grant grumellement,
Là où dut avoir souris mainte.
Du chat fust faite la complainte:
Le chat ne nous cesse rungier,
Dieu le puist en enfer plungier;
Il manjue tous nos enfanssons:
A lui nuire, nous avanssons.
Bon conseil vous donrai, dit l'une.
A son dit s'accordoit chascune:
On liera une campanelle '
A son col, qui si nous revelle:
Si pourrons nous contraitier, 2
Quant il nous voudra agaitier :
Car nous orrons tantost le son.

3

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