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tion personnelle dans ce passage du même disQuand on aime une dame sans éga<«<lité de condition, l'ambition peut accompagner << le commencement de l'amour, mais en peu <<< de temps il devient le maître : c'est un tyran qui ne souffre point de compagnon; il veut être « seul, il faut que toutes les passions ploient et «<lui obéissent. Une haute amitié remplit bien « mieux qu'une commune et égale le cœur de « l'homme; et les petites choses flottent dans sa capacité. Il n'y a que les grandes qui s'y arrê<< tent et qui y demeurent. »

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Pascal n'avait point encore acquis toute sa célébrité; il n'était ni surintendant, ni fermier général; son rang était inférieur à celui de la personne qu'il aimait ; ces causes réunies durent s'opposer à son union avec mademoiselle de Roannez. Il s'enfonça de plus en plus dans les austérités et dans les méditations mystiques. Qui pourrait dire que l'amour déçu n'eût pas une part dans son retour à la vie religieuse? Et après tout, son âme n'était-elle pas de celles qui, ne trouvant pas ici-bas de cœur assez fidèle et assez vaste pour s'y épancher, se détournent vers la source même de toute beauté et de tout amour, et vont se consumer au sein de l'Être souverainement parfait, éternel et infini?

Pascal trouva-t-il de la réciprocité dans les sentiments de mademoiselle de Roannez? Il est

permis de le croire, quand on voit s'établir entre eux un commerce épistolaire, qui suppose le plus haut degré d'estime et de confiance mutuelle. A notre grand regret on ne connaît rien des lettres de mademoiselle de Roannez à Pascal, et l'on ne possède que quelques fragments de celles que Pascal lui adressa; la rigidité des copistes jansénistes n'a conservé de ces lettres que les passages qui pouvaient fournir matière à édification.

Pascal était alors engagé dans sa lutte avec les jésuites, et cependant il trouvait encore le temps de s'occuper de la direction religieuse de mademoiselle de Roannez; de la même plume qui traçait les Provinciales, il lui écrivait pour la soutenir de ses conseils et de ses exhortations contre les séductions mondaines. Et telle était l'influence de ses directions, que mademoiselle de Roannez quittait sa famille et venait entrer au noviciat à Port-Royal pour se faire religieuse '. Quel spectacle sévère et touchant que celui de Pascal revenu de toutes les illusions de la renommée et de la fortune, n'ayant plus qu'une seule ambition, celle d'arriver à la perfection en vue de Dieu et de l'éternité, et s'efforçant, au milieu des plus

'C'était en 1656 ou 1657, c'est-à-dire à l'époque même à laquelle ont été écrites les lettres de Pascal à Mlle de Roannez dont les extraits ont été conservés. Ce ne fut qu'après la mort de Pascal que Mile de Roannez, livrée à elle-même, rentra dans le monde. (Voy. Appendice, no 1.)

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graves travaux, de disputer au monde, pour la donner à la religion, une personne qui ne pouvait pas être à lui!

Mais nous ne faisons pas ici la biographie de Pascal; quittons cet épisode intéressant de sa vie ', sur lequel, cependant, notre devoir d'éditeur fidèle nous obligeait de nous arrêter, et achevons de rendre compte de notre travail.

Une des plus grandes difficultés de cette édition était l'ordre à établir parmi les milliers de fragments recueillis dans les divers мss. que nous venons de décrire. Le classement suivi dans les éditions précédentes était plutôt un embarras qu'un secours; car il était incomplet et arbitraire, et ne répondait plus au but qu'on devait se proposer dans une édition nouvelle, destinée nonseulement à restituer dans le détail les écrits de Pascal déjà publiés, mais aussi à restituer l'ensemble de sa pensée, en ajoutant à l'ancien texte les textes inédits. C'était comme un édifice qu'on ne pouvait compléter et agrandir sans

'Il résulte de tout ce que nous avons dit à ce sujet que le Discours sur les passions de l'amour appartient à la période de la vie de Pascal qu'on peut appeler intermédiaire et qui commence après le retour de son père à Paris, à la fin de 1648. C'est alors que Pascal sortit de sa pieuse et studieuse retraite et fit connaissance avec le duc de Roannez qui n'avait guère que dix-neuf ou vingt ans; mais ce n'est qu'en 1652, après la mort de son père, que Pascal se livra tout à fait au monde, et qu'il songea, comme nous l'apprennent les documents de famille, à acheter une charge et à se marier.

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faire table rase pour le reconstruire de fond en comble.

Notre premier soin a été de faire deux parts des matériaux que nous avions à employer: d'un côté, tous les fragments que Pascal avait écrits pour son grand ouvrage apologétique de la religion chrétienne; de l'autre, les traités, lettres et fragments de toute sorte étrangers à cet

ouvrage.

Ce sont les divers écrits de cette deuxième catégorie qui composent le premier volume de notre édition. Quant au classement secondaire à introduire parmi ces écrits, il nous a semblé que, puisqu'ils étaient sans lien nécessaire entre eux, nous devions les classer suivant l'ordre chronologique : cet ordre a le grand avantage d'initier le lecteur dans la connaissance du génie de l'écrivain, en le faisant assister au développement successif de sa pensée.

C'est par la même considération de l'ordre chronologique, que nous avons reporté dans le deuxième volume tout ce que Pascal avait écrit dans les dernières années de sa vie pour son Apologie du christianisme. Au milieu des matériaux confusément épars et incomplets de cet ouvrage, nous nous sommes d'abord efforcé d'en retrouver le plan primitif : nous sommes bientôt resté convaincu que rigoureusement la chose était impossible Pascal n'avait encore arrêté que l'i

dée fondamentale et la grande division de son ouvrage; les divisions secondaires restaient à trouver, et c'est à peine s'il avait indiqué quelques têtes de chapitres. L'on n'a qu'à lire les notes que nous avons réunies à la fin du deuxième volume, sous le titre ORDRE, pour se convaincre que la dernière forme que Pascal aurait donnée à son ouvrage lui était inconnue à lui-même. Ici, c'est un chapitre dont il donne l'intitulé, là, c'est un discours ou un dialogue dont il trace le canevas; ailleurs, une lettre qu'il adressera à un ami, etc.

Mais sans prétendre avoir retrouvé l'ordonnance rigoureuse du monument que Pascal se proposait d'élever, nous avons cherché à nous en rapprocher le plus possible; pour cela, nous avons fait usage de notes éparses dans le мs. autographe des Pensées, et de la relation qu'Etienne Perier et du Bois de Lacour ont conservée d'un entretien, dans lequel Pascal développa le plan général de son Apologie. Ce plan, profondément philosophique, consistait à arriver à la connaissance de la religion par celle de l'homme. C'est pourquoi, guidé d'ailleurs par une note dans laquelle Pascal a expressément indiqué la division principale qu'il se proposait de suivre, nous avons divisé cet ouvrage en deux parties. L'une, destinée à faire connaitre l'homme dans son état naturel ses misères, ses grandeurs, ses incapacités, ses désirs, ses besoins; puis les systèmes

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