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4° L'édition publiée en 1783, avec quelques notes utiles, par le P. André, ex-oratorien, ancien bibliothécaire de d'Aguesseau'. Toutefois le P. André s'écarta de l'ordre qu'avait adopté l'abbé Bossut. Son édition se compose de la réimpression de l'ancien texte, auquel il a ajouté, sous la forme d'un supplément, tous les fragments nouveaux, publiés par Bossut.

2o L'édition publiée par M. Renouard, en 1803, puis réimprimée en 1812. C'est la simple réimpression du texte de Bossut, avec addition de cinq à six pensées nouvelles, prises dans le ma-nuscrit autographe ou dans la copie. L'éditeur avait consulté le manuscrit autographe: il paraît même qu'il avait eu occasion de constater quelques-unes des altérations commises par ses devanciers; mais il ne poussa pas son examen assez loin pour entreprendre la restitution du véritable texte des Pensées 2.

3o L'édition donnée par M. Lefèvre, en 1819 3. Cette édition n'est autre que la précédente, avec addition seulement de deux ou trois paragraphes

In-12. Paris, chez Nyon. L'édition a été réimprimée en 1787. 2 Dans l'Avertissement de son édition de 1803, M. Renouard conseille de faire un vocabulaire des locutions (indices locutionum ) usitées par Corneille, Racine, Bossuet, Fénelon, etc. Cette idée de M. Renouard a été exécutée en partie, en ce qui concerne Pascal, dans le vocabulaire qui se trouve à la fin du Rapport de M. Cousin sur la nécessité d'une nouvelle édition des Pensées.

Elle forme le 2e volume des œuvres complètes de Pascal; 5 vol. in-8°. Paris, 1819.

nouveaux. Les éditions publiées depuis n'ont fait que reproduire celle-là.

que

40 L'édition publiée à Dijon, en 1835, par M. Frantin, sous ce titre : Pensées de Blaise Pascal rétablies suivant le plan de l'auteur. L'ouvrage ne tient pas ce que le titre promet. L'éditeur n'a fait substituer un plan arbitraire à un autre, et il a introduit perpétuellement, parmi les fragments que Pascal avait écrits pour son Apologie de la religion, des fragments qui y sont tout à fait étrangers: il y a fait entrer jusqu'aux deux conversations qu'eut Pascal, l'une avec le duc de Roannez sur la condition des grands, l'autre avec M. de Saci sur Épictète et Montaigne. Évidemment il n'est pas possible de donner comme partie intégrante du grand ouvrage de Pascal, ces deux écrits dont le fond lui appartient sans doute, mais qu'il n'a pas rédigés et que même il n'a jamais connus. Du reste, il serait injuste de méconnaître les efforts louables qu'a faits l'éditeur pour donner un meilleur ordre aux Pensées de Pascal.

D'un autre côté, on doit lui reprocher d'avoir supprimé tous les fragments qui se rapportaient, même indirectement, à la société des jésuites. Bossut, quoiqu'il fût abbé, n'avait pas eu le même scrupule; et il nous semble qu'un éditeur impartial n'a pas plus le droit de faire disparaître des Pensées les pages contraires aux

jésuites, qu'il n'aurait celui d'exclure les Provinciales des œuvres complètes de Pascal.

Enfin, l'éditeur de Dijon a fait son travail sans recourir aux manuscrits, et même sans consulter toutes les éditions qui ont précédé la sienne. Il s'est renfermé dans les textes publiés par les éditeurs de Port-Royal, par le P. Desmolets, par Condorcet et par Bossut; et il n'a tenu aucun compte des additions qui se rencontrent dans l'édition de M. Renouard et dans celle de M. Lefèvre '.

Ici se termine l'exposé fidèle des travaux de tous ceux qui se sont occupés avant nous de l'édition des Pensées.

Nous allons faire connaître maintenant comment nous avons rempli notre tâche de nouvel éditeur.

Cette tâche consistait, d'une part, à rechercher les мss. de Pascal, originaux ou copies, inédits ou non; et, d'une autre part : 1o à rectifier les parties du texte déjà publiées; 2o à publier les parties qui n'avaient pas encore été imprimées ; 3o à mettre à part, en les disposant sous divers chefs,

1

Voyez, par exemple, p. 60 et 64, le fragment dans lequel Pascal a appliqué le calcul des probabilités à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme. Ce fragment est beaucoup moins complet dans l'édition de M. Frantin que dans les éditions précédentes.

indiqués par la nature et l'analogie des sujets, les fragments étrangers à l'ouvrage apologétique de la Religion, conçu et commencé par Pascal; 4° à classer et disposer les fragments, ou plutôt les matériaux de cet ouvrage, sinon suivant le plan primitif de l'auteur, du moins suivant l'ordre qui paraît résulter, soit de quelques indications écrites par Pascal lui-même, soit d'une conversation dont la relation a été conservée.

Décrivons avant tout les manuscrits dont nous avons fait usage:

1o Ms. AutographE, conservé à la Bibliothèque du roi.

C'est un registre grand in folio, composé de 491 pages numérotées. Sur la plupart de ces pages se trouvent collés, ou encadrés avec soin quand ils sont écrits des deux côtés, les papiers sur lesquels Pascal avait écrit, ou fait écrire sous sa dictée, une foule de réflexions et de notes sur les sujets les plus divers, et particulièrement sur la religion. La préface de la première édition des Pensées nous apprend qu'après la mort de Pascal << on trouva ces papiers tous ensemble, << enfilés en diverses liasses, mais sans aucun << ordre et sans aucune suite;... et tout cela était <«< si imparfait et si mal écrit, ajoute la préface, <«< qu'on a eu toutes les peines du monde à les « déchiffrer. >>

Il ne faut chercher, dans le Ms. autographe,

rien qui ressemble à un arrangement quelconque ; les papiers de toute dimension qui le composent viennent à la suite les uns des autres, confusément et pêle-mêle, sans autre règle que le hasard. La confusion est telle, qu'il arrive quelquefois que des pages faisant partie du même morceau sont interverties, ou disséminées à de grands intervalles dans le мs. ; il y a même des pages dont les deux moitiés se trouvent séparées l'une de l'autre.

Dans ces chiffons fragiles, où Pascal a épanché les confidences d'un génie immortel, la pensée humaine se trouve en quelque sorte prise sur le fait, dans la naïveté et dans la puissance du premier enfantement. Comme Montaigne l'a dit de lui-même avec plus de coquetterie que de vérité, Pascal parlait au papier, sans autre désir que celui de soulager une tête pleine d'idées, et un cœur d'où le sentiment débordait.

La plupart de ces fragments sont peu travaillés; et quelques-uns des plus célèbres, comme, par exemple, celui qui renferme l'image du Roseau pensant et la réflexion sur la mort de Cromwel, portent à peine la trace d'une rature. Les négligences abondent dans ce style de premier jet ; mais la vigueur et le naturel n'y manquent jamais.

L'écriture de Pascal est excessivement rapide; il semble qu'elle rivalise de rapidité avec l'esprit;

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