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le produit qui le gêne), et pour partisans les consommateurs, dont le bien-être s'en trouverait réduit. Ces adversaires ont eu, sur la législation fiscale de bien des États, une influence que nous devons indiquer.

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On sait que certains impôts de consommation sont assis sur des denrées importées et perçus à la frontière. Quand ces denrées n'ont pas de similaire dans la contrée (par exemple, le café en France), ces impôts sont qualifiés de «< droits fiscaux ». En imposant des marchandises ayant des similaires, on peut encore ne vouloir établir qu'un droit fiscal, mais cet impôt aura un effet accessoire, il renchérira le produit importé et par conséquent fera hausplus ou moins le produit fabriqué dans le pays. Cet effet, qui n'est jamais imprévu, mais qui peut ne pas être voulu par le gouvernement, est au contraire désiré par les producteurs indigènes des marchandises imposées (impôts qu'ils ne payent pas), car il en résulte pour eux un surcroît de bénéfice, la concurrence étrangère étant en tout cas rendue plus difficile. On dit alors que les fabricants sont protégés », et les droits de douanes sont qualifiés de protecteurs. Quand la protection a été voulue, elle est généralement bien lourde, les droits étant parfois si considéables, que, plutôt de les acquitter, on s'abstient d'acquérir la marchandise. On dit alors que les droits sont prohibitifs >>.

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Relativement aux marchandises similaires ainsi chargées de droits, deux intérêts sont en présence, celui du producteur, qui profite de la taxe, et celui du consommateur (1), qui la paye. Ce dernier oppose la doctrine du libre-échange à la doctrine protectionniste du premier. Il y a longtemps que ces deux doctrines sont en lutte, avec. les chances diverses de succès. Les gouvernements, dont

(1) Le consommateur, et en même temps certains producteurs et commerçants que les droits protecteurs gênent,

l'influence, en ces matières, n'est d'ailleurs pas prépondérante, penchent naturellement du côté de la protection, car des droits modérés apportent des revenus au Trésor toujours besoigneux; d'ailleurs, les hommes au pouvoir aiment << protéger ». En fait, c'est l'intérêt le plus puissant qui l'emporte. S'il n'y avait toujours en présence qu'une industrie et les consommateurs de ses produits, il n'y aurait presque jamais de droits protecteurs, car pour chaque produit les consommateurs sont peut-être mille fois plus nombreux que les producteurs. Mais il y a des «< combinaisons» protégez mon bœuf, mon sucre, mon vin, et je protégerai votre fer, vos tissus, votre bimbeloterie. Et l'on marche ainsi en colonnes serrées à la conquête du tarif protecteur. Le consommateur se défend mal, souvent pas du tout, de sorte qu'il est généralement battu.

La querelle entre le libre-échange et la protection a produit toute une bibliothèque, qu'il nous est impossible de résumer ici. Les notions fondamentales sont d'ailleurs très connues. Le droit protecteur est imposé aux marchandises et payé par le consommateur, dans l'intérêt des producteurs. Ce sont des citoyens taxés au profit d'autres citoyens. C'est sans doute l'État qui perçoit les taxes, mais celles-ci ont pour but de renchérir les produits, et c'est la majoration des prix demandée par le producteur que supporte le consommateur. On prétend, il est vrai, que les droits de douane n'ont pas toujours cet effet. Cela est possible. Les affaires subissent diverses influences à la fois, ces influences peuvent se contrarier, une baisse de prix qui coïncide avec une augmentation de taxe la neutralise; mais ce sont là des exceptions, la taxe est une dépense et les dépenses sont finalement soldées par le consommateur.

Peut-on justifier par l'intérêt général, celui des consommateurs compris, la charge qu'on impose à ces derniers seuls; cela paraît bien difficile, en tout cas, ce sont tou

jours les intéressés, les producteurs, qui entreprennent cette justification. Peut-on se fier à leur impartialité, eux qui n'obtiennent jamais des droits assez élevés (1)? Est-il bien vrai aussi qu'un pays doive soutenir artificiellement des industries qui n'y peuvent vivre par leurs propres forces? Et combien de fois les plaintes élevées contre la concurrence extérieure ne sont-elles qu'un prétexte pour obtenir une sorte de monopole? Enfin, n'est-ce pas appauvrir un pays que de le forcer à acheter cher ce qu'il peut avoir à bon marché? En tout cas, c'est restreindre les jouissances des citoyens.

Mais nous ne pouvons approfondir ici cette question, dont la discussion appartient plutôt à la science appliquée, parce que les arguments s'appuient beaucoup sur les faits et que les faits diffèrent d'un pays à l'autre. Bornons-nous à dire que, pour le moins, il est sage de refuser toute nouvelle taxe douanière. On ne la demandera toujours que pour un temps « afin que la nouvelle industrie puisse faire son éducation »>, mais jamais les fabricants ne reconnaîtront que leur éducation est faite, ils diront plutôt : Vous nous avez mis au monde, faites-nous vivre maintenant. D'un autre côté, on ne doit pas supprimer, du jour au lendemain, des taxes existant depuis longtemps, ce serait causer des bouleversements; mais on fera bien de les diminuer peu à peu..., ce sera faire l'éducation du producteur et lui apprendre à marcher sans les lisières douanières; ce sera souvent le moyen de le forcer à perfectionner son outillage, dans son intérêt et dans l'intérêt du pays.

Nous venons de parler d'importation et d'exportation; on a l'habitude d'en comparer les totaux pour tirer « la balance du commerce ». Lorsque les importations sont

(1) Les agriculteurs demandent des droits sur le blé, le bétail, le sucre, jamais sur le fer ou les tissus. Les industriels réclament des taxes sur le fer, les tissus, jamais sur les produits agricoles; mais ils votent ensemble, rappelant le proverbe du séné et de la rhubarbe.

plus élevées, on dit que la balance est favorable, et quand l'exportation est plus élevée, elle passe pour être défavorable. Cet usage est ancien, il nous vient de l'époque où régnait le « système mercantile », opinion qui considérait comme avantageux un excédent d'exportation soldé en métaux précieux. Il est juste de dire que, dès cette époque, il s'est trouvé des publicistes pour protester contre cette opinion étroite; ils soutenaient avec raison que tout ce qui contribue au bien-être des hommes fait partie des richesses, et que le blé, le drap et les autres produits valent l'or. Cette manière de voir doit dominer depuis Ad. Smith; néanmoins, on dresse encore « la balance du commerce », et l'on n'est pas satisfait quand les importations dépassent les exportations. On a d'autant plus tort comme nous l'avons déjà démontré il y a plus de trente ans que ces chiffres ne répondent pas à la réalité des choses, et cela par les raisons suivantes :

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1. Les importations étant soigneusement vérifiées en douane, on peut encore considérer comme exactes les QUANTITÉS de marchandises portées sur les registres; les exportations étant peu ou point vérifiées, sont presque toujours atténuées;

2. Pour calculer les VALEURS, on se sert de deux prix différents pour la même marchandise le prix de sortie est toujours beaucoup plus bas que le prix d'entrée. Les marchandises qui partent sont évaluées au prix de fabrique, mais, arrivées à leur destination, elles ont causé des frais de transport et autres et seront (en général) vendues avec profit. Pour le produit de la vente, on achètera souvent des marchandises du pays qui, en entrant en France, seront également évaluées à des prix comprenant les frais de transport et les bénéfices. Ce qui sort de France vaut, supposons, 1 million en fabrique; arrivé au Brésil on le vendra 1,200,000 francs et on achètera du café pour cette somme;

en débarquant en France, ce café, impôt non compris, sera peut-être coté 1,400,000 francs;

3. On ne doit pas oublier que la douane ne note pas les exportations opérées par les voyageurs qui, en venant en France, ont y font souvent de fortes emplettes; le total de leurs achats s'élève à des millions;

4. Enfin, les affaires commerciales sont complétées par le mouvement des effets publics ou valeurs fiduciaires, qui ne passent pas par les registres des douanes, et ces valeurs s'élèvent annuellement à des sommes considérables, surtout si l'on se rappelle que de très fortes sommes ont été placées à l'étranger.

La « balance du commerce » n'est donc jamais exacte; pourtant on ne peut s'empêcher d'en être influencé, évidemment à tort, mais il n'est pas difficile d'expliquer, presque de justifier ce sentiment. C'est qu'on ne se borne plus à faire l'opération arithmétique simple; la pensée va toujours au delà du fait en lui-même. Involontairement on fait un retour sur les années antérieures et c'est sur

tout par les résultats de cette vue rétrospective que l'on est influencé. On se félicite d'un accroissement de l'exportation, on est affecté par la diminution. Si l'on a satisfaction relativement aux sorties, le mouvement de l'importation est apprécié avec plus de calme. On s'arrête pour l'analyser. L'accroissement de l'entrée des matières premières est salué comme un « bon signe »; l'augmentation des matières alimentaires, du blé surtout, est moins bien reçue, autrefois c'était l'indice d'une mauvaise récolte, aujourd'hui c'est l'effet d'une « concurrence désastreuse »; enfin, c'est la progression de l'entrée des produits fabriqués qui sera, dans certaines régions, le sujet des plaintes les plus vives. Pour tout dire en un mot, une « balance défavorable» qui se réduit pour nous à une balance des payements, nous donne la sensation peu agréable d'une certaine

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