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che, pour tout dire en peu de mots, d'être progressifs à rebours, c'est-à-dire qu'ils seraient d'autant plus élevés que le contribuable est plus pauvre.

Voici maintenant les arguments présentés par des auteurs récents en faveur des impôts de consommation. Ces impôts sont nécessaires pour corriger les inégalités de la répartition des impôts directs: ces inégalités ont deux sources, la première, c'est qu'on est toujours et partout dans l'impossibilité de connaître le montant vrai des revenus d'un contribuable, l'immense majorité des déclarations est inexacte (1); la deuxième, c'est que dans les pays où le revenu des citoyens est évalué par l'autorité, celle-ci ignore dans quelle mesure les apparences d'après lesquelles elle juge sont trompeuses, et il lui est impossible de tenir compte des causes morales qui affaiblissent l'efficacité du revenu. Pour expliquer cette dernière partie de la phrase, supposons que dans une même localité un général et un capitaine eussent chacun, tout compris, un revenu total de 20,000 francs par an. Eh bien, par rapport aux «<exigences morales », comme la nécessité de tenir son rang dans l'armée et dans la société, le général serait ici moins riche que le capitaine, et une répartition idéale en tiendrait compte. La répartition réelle ne peut pas y faire attention, elle pèche d'ailleurs le plus souvent par ignorance, de sorte que s'il n'y avait que les impôts directs, nombre de gens seraient imposés au-dessous de leurs moyens; il n'est pas probable en revanche que beaucoup de contribuables se laisseraient charger hors de proportion avec leur avoir, ils ne manqueraient pas de réclamer et de justifier leur réclamation. Or, pour les impôts de consommation, il ne peut y avoir d'injustice. Chacun

(1) Beaucoup d'industriels et de commerçants ne savent qu'à la fin de l'année combien ils ont gagné, et si on leur demande de s'imposer en proportion de ce qu'ils ont gagné l'année précédente, ils peuvent se charger trop fortement justement dans une année où les bénéfices sont moindres.

(nous pouvons négliger le petit nombre d'exceptions) consomme en proportion de ses revenus; chacun connaît ses revenus et tient compte de toutes les circonstances qui en réduisent l'efficacité. On acquitte donc les taxes de consommation en proportion de sa fortune réelle, car ici la dissimulation ne servirait à rien. De cette façon l'injustice causée par les contributions directes se trouve sensiblement atténuée.

Cet argument s'applique plutôt aux gens aisés, il n'affaiblit pas beaucoup le reproche d'inégalité adressé aux taxes de consommation imposées aux classes inférieures. On réfute ainsi ce dernier reproche: Pour déterminer et comparer les charges des divers contribuables, il faut mettre en regard l'ensemble des impôts, droits, taxes que chacun paye; il est contraire au bon sens de ne comparer que les cotes d'un seul impôt et de juger d'après cela l'ensemble, comme on l'a fait pour le sel. A paye 2 francs de sel, comme son portier, mais en outre 100,000 francs d'autres impôts. C'est l'ensemble qui compte. Ainsi un millionnaire peut ne pas payer d'impôt foncier, mais il acquittera de fortes sommes sur ses valeurs mobilières; un autre ne possède point de valeurs, mais il a des domaines ruraux; la fortune d'un troisième sera composée des unes et des autres. C'est donc, encore une fois, l'ensemble qu'il faut consulter. Or, le pauvre n'a presque aucun autre impôt que les taxes de consommation, et de ces taxes, il n'en paye qu'une partie, précisément parce qu'il est pauvre; les moyennes sont ridicules ici, à coup sûr, elles n'existent pas dans la réalité. Les consommations de luxe sont généralement plus imposées que les autres, ce sont des taxes que les pauvres ne payent pas, tandis que les consommations les plus communes, pain et légumes, sont exemptes de droits. En somme, la progression à rebours est une simple phrase dont nous avons plusieurs fois démontré l'absurdité; celui qui a peu de revenu paye peu

d'impôts, et celui qui en a beaucoup est chargé à peu près en proportion. Quant à établir des proportions rigoureusement exactes, aucun homme de bonne foi ne soutiendra que cela soit humainement possible. Nous ne sommes pas non plus d'avis qu'il y ait lieu d'exempter les pauvres absolument de toute contribution à l'État. Puisqu'ils votent et exercent par leur nombre une grande influence sur les affaires politiques et économiques du pays, il est de la plus stricte justice qu'ils aident un peu, très peu, à porter les charges publiques. C'est d'ailleurs pour eux une affaire de dignité civique.

Nous ne pousserons pas plus loin les recherches des progrès qu'ont pu faire les doctrines économiques depuis Ad. Smith. Nous avons pu constater que les fondateurs de la science économique avaient déjà réuni, par eux-mêmes et par leurs prédécesseurs, une si grande masse d'expériences, qu'on pouvait convenablement remplir le cadre de cette branche des connaissances humaines. Les successeurs n'avaient qu'à compléter et à améliorer, ce qu'ils n'ont pas manqué de faire; seulement, en ces matières, beaucoup d'améliorations n'apparaîtront que comme détails infimes dont on ne se vante pas, mais les détails s'accumulent, et au bout d'un certain temps il en résulte un ensemble remarquable. Il en est du moins ainsi pour ceux qui ont cultivé la science, libres de toute préoccupation politique

ou autre.

Pour que le progrès se consolide et se développe, il faut que certaines vérités se répandent et soient reconnues comme telles par le plus grand nombre possible d'hommes intelligents, honnêtes et actifs.

1. Comme dans la nature, il n'y a dans l'État, dans la société, dans les rapports économiques des hommes, aucun effet sans cause.

2. Dans la nature, dans le monde des matières inanimées, la cause unique est peut être admissible, mais dans la vie morale, politique, sociale, économique, les causes sont toujours multiples.

3. Les causes sont d'ordre moral ou d'ordre matériel, elles sont dans l'homme, ou agissent sur lui (causes intérieures, causes extérieures); les causes morales sont généralement les plus puissantes, car elles agissent à la fois positivement (elles attaquent) et négativement (elles empêchent de se défendre).

4. Il faut donc, pour réussir, s'appliquer à distinguer les différentes causes, et ne jamais dire: c'est la cause a ou bouc qui a produit cet effet, tant qu'on n'aura pas la preuve irréfutable (toutes les preuves sont irrefutables) que ce ne peut être que a; tant qu'on n'est pas certain, il faut avoir conscience de l'incertitude. Malheureusement il y a les partis pris, ils empêchent d'y voir clair.

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5. Chaque force matérielle ou morale a des degrés d'intensité, vérité banale, dont personne cependant ne semble encore avoir tiré de conséquence. Si l'on avait toujours eu cette vérité présente à l'esprit, on aurait vu réussir plus d'un projet utile.

6. On ne fera jamais le dynamomètre des forces morales, mais on aura, quand on voudra, des indices de leur intensité. Qu'on les recueille de bonne foi, qu'on les consulte avec prudence, et l'on aura obtenu un grand résultat. Ils auront fait, pour l'intelligence des causes, ce que le calcul de probabilité fait pour la prévoyance sous la forme de l'assurance.

7. Enfin, qu'on n'oublie pas que les causes se combinent, et que la combinaison les renforce, les affaiblit, ou les modifie.

FIN DU TOME DEUXIÈME.

TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

DES MATIÈRES TRAITÉES DANS CET OUVRAGE.

Absentéisme, II, 534.

Bénéfices, II, 186.

Abstinence, II, 325. Voy. Capital, Besoins de l'homme (Les), 81 et suiv.

Epargne et Intérêts.

Accumulation, 332.

Agent naturel. Voy. Nature.

Airain (Loi d'). Voy. Loi d'airain.
Altruisme, 179, 194.
Amérique, II, 136.

Amortissement de l'impôt, II, 451.
Amour de soi. Voy. Égoïsme.
Anthropométrie, II, 434.
Approvisionnement, 333, 340; II, 15.
Arbitrage, II, 292.
Art, 3, 426.

Assistance publique, II, 185, 463
(chap.), 468 (organis.), 469, 471,
472, 479.

Association, II, 301. Voy. Coopération.

Ateliers nationaux. Voy. Assistance
publique.

Automatisme, 173 et suiv.; II, 106.
Autorité, II, 131.
Avances, 341.

Balance du commerce, II, 10, 12.
Banking principle, II, 94, 103, 118.
Banques, II, 83 (chap.), B. de dépôts
et de virement, 86; B. d'escompte,
87; B. d'emission unique, 101, 113.
Liberté des B. ou B. unique, B.
multiples, II, 110, Venise, 114.
Banque d'Angleterre, II, 93.
Banque de France, II, 98.

Banques d'Italie, 787.

(Échelle des besoins), 142; II, 240. Biens, biens économiques, 88, 110. Biens de divers ordres (Menger), 139, II, 348.

Biens immatériels. Voy. Produits immatériels, 88, 107.

Billet de banque. Voy. Banque, II,
92, 102, 107, 119.

Bimétallisme, II, 53, 55 note (Voy.
Étalonmonétaire et Monnaies).
Budget ouvrier, 303.

Capital, 282, 329 (le chap.), 336 (fixe
et circulant, 341), 344, 351, 363,
366, 368, 369; II, p. 48, 563.
Capitation. Voy. Impôts.
Capitaux mobiliers et immobiliers,
II, 201.

Cathedersocialist. Voy. Socialiste de
la chaire et Ecole de Manchester.
Causes et effets, 225; II, 178, 585.
Chances, II, 210.

Charité légale, II, 466, 472.
Chemins de fer, II, 165 et suiv., 174
(exploitation par des compagnies),

574.

Circulation des produits, II, 1, 567.
Classification, 78.
Collectivisme, 214.

Commerce intérieur et extérieur, II,
p. 1, 452, 561.
Communes, II, 514.

Concurrence, 471 et suiv.; II, 13, 195.

Banques nationales des États-Unis, | Confiance, 381 et suiv.; II, 579.

II, 98.

Conflits avec les patrous, II, 286, 298

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