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mais on cherche des moyens d'améliorer la condition de la classe ouvrière, pour l'empêcher de devenir une proie à la misère. » L'auteur insiste sur la prédominance que gagnent bientôt l'utopie et la politique sur les bonnes aspirations et les efforts pratiques pour la réalisation du bien, qui devraient seuls entrer en jeu en cette matière.

LIVRE V

CONSOMMATION (1)

CHAPITRE XXXIII

LA CONSOMMATION EN GÉNÉRAL

Un assez grand nombre d'économistes définissent le mot consommer par détruire, mais nous n'avons jamais pu accepter cette définition. Pour nous, la consommation a toujours été l'usage, l'emploi, l'utilisation de la chose consommée, ou sa transformation. Si nous consultons les dictionnaires de l'Académie et de Littré, nous apprenons que la consommation est l'achèvement, l'accomplissement, la perfection d'une affaire ou d'une autre chose. Le vrai sens du mot, et il va parfaitement à l'économie politique, mieux que celui que Littré rappelle sous 5° (uous donnons cette acception en note) (2). La production exis

(1) Quelques économistes, surtout les Anglais, sont d'avis que la consommation ne fait pas partie de l'économie politique; quelques Français et quelques Allemands semblent du même avis, s'étant bornés à de courtes observations. Nous sommes de ceux qui, considérant la consommation comme la fin et l'accomplissement de l'œuvre de la production, croient devoir suivre les produits jusqu'au bout, admettant que ce bout est encore dans les limites du domaine économique.

(2) 5o Terme d'économie politique. Action de détruire l'utilité d'un produit, utilité que la production a créée. Entretenir perpétuellement dans une ville telle que Paris une consommation immense dont une infinité d'accidents peuvent toujours tarir quelques sources (FONTEN. Argenson). Remplacez donc ici consommation par destruction, et voyez quel sens cela ferait. Nous aurons

tant pour la consommation, celle-ci est, pour ainsi dire, l'accomplissement de l'œuvre de la production : le produit consommé a atteint son but.

On parle aussi de consommation involontaire, pensant aux destructions causées par des incendies, des inondations et autres calamités. Mais c'est là une étonnante méprise. Jamais un objet détruit par accident, ou d'une façon autre que pour satisfaire aux besoins des hommes, n'est consommé, il est simplement détruit, ce qui n'est pas la même chose. Le cultivateur qui emporte son déjeuner au champ et le laisse tomber dans un marécage l'a-t-il consommé? Le déjeuner tombé dans le marais est détruit, il n'existerait plus sans doute, si le cultivateur l'avait mangé, et dans les deux cas il n'y a plus de déjeuner; mais dans le premier cas, les aliments n'ont rendu aucun service, ils ont manqué à leur destination; dans le second, ils ont rempli leur destination en nourrisssant le cultivateur, en se transformant à son profit en forces musculaires. Il est évident qu'il n'est pas permis d'expliquer l'un par l'autre deux mots de sens si différent, un acte suprêmement utile (consommer) par un acte généralement nuisible (détruire.)

Nous pouvons envisager la consommation à différents points de vue, nous allons en indiquer les principaux, en commençant par distinguer entre la consommation industrielle et la consommation personnelle.

1. La consommation industrielle est celle qui transforme les matières par les procédés chimiques, mécaniques ou autres, de manière à leur donner une nouvelle utilité, ou une utilité plus grande. La farine cesse d'être de la farine pour devenir du pain; de même que le fil se change en tissus. L'ouvrier dira peut-être bien à son pa

l'occasion de citer plus loin (opinion de Marlo) un passage qui fera ressortir aux yeux de tous, qu'en définissant consommation par destruction on peut produire des phrases ridicules sinon burlesques.

tron J'ai consommé (employé, utilisé) tout mon fil, mais jamais J'ai détruit tout mon fil. Dans l'industrie, sauf maladresse, on ne détruit pas, on transforme; même le charbon brûlé s'est transformé en chaleur, laquelle est devenue de la force pour produire à son tour un effet quelconque. Ce sont, pour nous servir de la terminologie de M. C. Menger, des biens d'ordre ultérieur (matières premières, etc.), qu'on change en biens de premier ordre (d'une consommation immédiate, par exemple, farine en pain).

2. Consommation personnelle. - C'est la consommation directe, immédiate, celle qui opère la satisfaction des besoins de l'homme la nourriture, le vêtement, le logement et le reste, les jouissances morales et intellectuelles comprises. Nous ne croyons pas devoir nous arrêter pour rechercher lesquelles de ces consommations sont les plus ou les moins importantes, nous aimons mieux rappeler et apprécier certaines distinctions faites par des économistes.

Ainsi, on a opposé à la consommation productive la consommation improductive et la consommation reproductive. Constatons d'abord que la satisfaction des besoins de l'homme est la consommation productive par excellence. C'est pour satisfaire ses besoins que l'homme travaille, et en les satisfaisant il accomplit (consomme) l'œuvre, d'après l'explication ci-dessus. Une consommation improductive serait celle qui n'a aucune utilité pour l'homme, qui lui nuit peut-être, le vin et la bière qui enivre, le jeu où l'on perd plus d'argent qu'on ne récolte de plaisir; en un mot les dépenses inutiles, exagérées, nuisibles. La conformation reproductive ne se distingue pas de la consommation industrielle. On pourrait aussi classer les placements de capitaux sous cette rubrique.

On a distingué aussi la consommation lente, de la consommation rapide. Tout le monde sait qu'on use ou con

somme une maison en cent ans (plus ou moins) et qu'un objet alimentaire est souvent consommé en quelques minutes. Est-ce une raison pour recommander d'acheter de préférence des objets de lente consommation, comme on l'a fait? Mais la consommation dépend de la nature des besoins, et chaque besoin suit ses propres règles.

Il y a aussi la consommation nécessaire et la consommation superflue ou de luxe. Sculement, si pour certains produits il est aisé de les classer soit parmi les objets nécessaires, soit parmi les objets de luxe, il est difficile de tracer les limites entre les deux catégories de consommation. Mais nous traitons du luxe dans un chapitre spécial.

Ajoutons que la consommation industrielle emploie surtout des capitaux (matières premières) et la consommation personnelle des revenus. Le capital doit se reproduire en marchandises, qui n'ont pas encore achevé leur circulation, le revenu se transforme en santé, en satisfaction de besoins, en jouissances et en épargnes.

3. De nombreuses circonstances influent sur la consommation personnelle, qui est, nous le répétons, le but de la production; en voici les principales :

a. La nature humaine. - C'est presque un truisme, mais il est souvent utile d'exprimer une vérité que tout le monde est en état de trouver tout seul, et que, pour cette raison, il néglige de rechercher.

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b. La nature extérieure (à l'homme). La situation géographique, le climat, et en général le milieu, la chaleur et le froid, la mer ou les montagnes, les forêts ou les lacs.

c. Le degré de civilisation. Relativement aux consommations, l'Européen et le sauvage de la Terre de Feu ne seront peut-être jamais d'accord. Il faut mentionner ici l'influence des nationalités, des mœurs, des modes, etc.

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