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théorie de la valeur internationale» de l'autre côté de la Manche. Dans un autre chapitre, p. 439 et suiv., M. Sidgwick traite des voies de communication. L'auteur est d'avis que la construction des routes incombe à l'État, la plupart des routes ayant d'ailleurs fait partie du domaine public depuis les temps. immémoriaux. Quant aux canaux et aux chemins de fer, ils ont été construits les uns par des particuliers, les autres par des États, et selon M. S. si les gouvernements sont intervenus, c'est que leur intervention a été indispensable, d'abord, à cause de l'inévitable expropriation, et puis, parce que les entrepreneurs avaient besoin de subventions. L'auteur en conclut avec raison, qu'il ne s'agit pas de choisir entre deux systèmes tranchés, l'intervention gouvernementale ou l'entreprise privée, mais entre des degrés d'intervention gouvernementale. L'auteur est d'avis que si les compagnies peuvent faire une chose, il faut les laisser faire, sauf à régler et à limiter les concessions. Faisons remarquer que M. Sidgwick s'applique ici à faire la part de l'État et celle des particuliers, et à cet effet il passe en revue certains services publics comme la poste, etc. Seulement, l'auteur ne cherche pas à établir ce qui est bon en soi, ou ce qui est bon dans telles ou telles circonstances, mais ce qu'il faut recommander de nos jours, de manière à détrôner le laisser faire » et à instituer une intervention gouvernementale plus ou moins teintée de socialisme. C'est que l'auteur tient à professer une doctrine à la mode.

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Citons encore l'ouvrage de M. Hadley (traduction, chez Guillaumin), qui présente un point de vue américain.

La plupart des économistes allemands n'ont également parlé qu'en passant de l'effet des transports, la question paraissait trop claire pour exiger d'être approfondie. En tout cas personne n'a rien fait de comparable à l'ouvrage spécial de M. Emile Sax (1): Die Verkehrsmittel in der Volks-und Staatswirthschaft (Les moyens de communication dans la nation et dans l'État. Vienne, 2 vol. 1878, 1879). Cet ouvrage, l'auteur l'a résumé (en modifiant quelques opinions) pour le Handbuch de M. Schoenberg, 2° édit, où il occupe près de 70 pages compactes. Nous croyons pouvoir nous borner, pour faire con

(1) Nous ne devons pas oublier l'ouvrage de Thünen, l'État isolé, traduit par M. Laverriere (Paris, Guillaumin). Thünen voulait établir l'influence des distances sur le prix de revient, mais en ne supposant que des routes ordinaires.

naître les vues allemandes (1), d'analyser ce dernier travail. L'auteur, après avoir distingué les différentes sortes de voies et moyens de communication, celles qui portent les hommes, les marchandises, les nouvelles (postes et télégraphe), puis les routes, cours d'eau, chemins de fer, postes, télégraphe, montre que les voies de communication doivent être envisagés à deux points de vue: 1° comme instrument, agent, moyen de transport, de déplacement; 2° comme besoin personnel à satisfaire (locomotion, voyage). On comprend que par cette double utilité les services publics ou les industries qui s'occupent des transports, exercent une influence marquée sur l'ensemble du domaine économique; ou plutôt l'influence est réciproque, les communications développent la vie économique, et celle-ci étend les communications et les rend plus intensives. Les progrès des voies et moyens de communication se manifestent par le perfectionnement des procédés, la multiplication des voies, la célérité, la sécurité, le bon marché du transport.

L'auteur démontre que les frais de transport influent sur le prix de la marchandise, par conséquent le marché s'étend en raison de la réduction des frais, il s'étend, d'après Launhardt comme un cercle s'élargit lorsqu'on en allonge le rayon (carré des distances). Du reste, la diminution des frais de transport n'a pas tout à fait la même influence sur les marchandises chères et les marchandises à bon marché. La facilité des communications augmente aussi la concurrence. L'auteur cherche à spécifier l'influence particulière des voies de communication tant sur l'agriculture que sur l'industrie et le commerce internationaux.

M. E. Sax fait ensuite un résumé historique des progrès des voies de communication, depuis les plus simples jusqu'aux plus compliqués en faisant ressortir les avantages particuliers à chacune d'elles. C'est une matière qui a été trop souvent traitée pour nous y arrêter (voy. d'ailleurs l'ouvrage de M. de Foville précité).

L'auteur aborde ensuite une autre division de son sujet les voies de communication au point de vue de l'État. On est d'avis que l'industrie privée ne peut pas remplacer l'État, ce qui

(1) Tout le monde n'est pas de son avis, par ex. M. le prof. G. Cohn dans son ouvrage sur les chemins de fer anglais, mais M. Sax represente assez la moyenne des opinions.

est vrai dans bien des cas, car elle n'a pas le bras assez long. L'établissement d'une voie de communication n'est le plus souvent avantageuse que si l'entrepreneur jouit d'un monopole. Or, M. Sax craint, p. 524, que l'entrepreneur n'abuse de son monopole (en faisant des avantages à l'un ou en gênant l'autre), cette crainte ne me paraît pas fondée, le gouvernement sera toujours assez fort pour assurer l'égalité de traitement à tous les expéditeurs. Du reste l'auteur oppose d'une manière trop tranchée l'État aux particuliers, et de cette façon. on trouvera bien des choses à dire en faveur de l'État qui ne sont que des arguments de procureurs, par exemple, des particuliers n'entreprendraient que les bonnes lignes, sans plan d'ensemble, tandis que l'État aura un plan d'ensemble; mais qui empêche l'État de ne conférer une autorisation qu'aux conditions inspirées par l'intérêt général? On l'a d'ailleurs fait en France. On a de nos jours une tendance à conférer plus de droits à l'État, par la seule raison que la génération qui nous a précédé avait une tendance à lui en accorder moins. Il est malheureusement difficile de trouver des esprits dégagés de toute influence politique ou sociale.

L'auteur consacre ensuite une division étendue à l'administration des voies de communication, à leur organisation, leur police, aux principes qui doivent inspirer l'État. Ces principes sont au nombre de trois 1o Le principe de la communauté, les voies de communication étant établis aux frais du budget et mis à la disposition de tous (par ex., les routes); 2o Le principe individualiste, selon lequel la voie est établie comme entreprise publique, et tous ceux qui s'en servent doivent payer à leur valeur le service qu'ils en obtiennent (p. ex., les chemins de fer); 3o Le principe mixte, où la voie est un service ou un éta blissement public qui se fait payer un simple droit, mais non une rémunération complète (p. ex., sur un canal). Nous avons cru devoir ajouter les exemples entre parenthèses. L'auteur n'explique pas assez clairement dans quel cas l'un ou l'autre principe doit être appliqué de préférence, c'est qu'il n'y a pas de règle générale à suivre sur ce point; chaque cas doit être examiné à part et parmi les causes décisives il faut compter outre les circonstances géographiques, politiques et économiques... l'état présent de l'opinion. Il va sans dire qu'il y a des règles particulières pour les différentes voies de communica

tion, l'auteur les passe en revue, mais ses observations n'entrent pas dans notre cadre.

La question de l'exploitation des voies de communication par des compagnies est soumise ensuite par l'auteur à une étude spéciale. Il les considère comme des administrations déléguées par l'État et nullement comme des entreprises purement privées, ce en quoi il est difficile de lui donner tort. Mais M. Sax est d'avis qu'il y a cependant des cas où il convient de charger une compagnie de l'entreprise, seulement cette compagnie ne devra l'exploiter que selon les règles quel État lui aura prescrit. Les cas dans lesquel une pareille délégation peut avoir lieu sont des questions de faits et sur ce point, c'est l'histoire qu'il faut consulter, car rien n'est plus instructif que les solutions qu'elle enregistre, les mauvaises solutions étant presque aussi instructives que les bonnes.

On aura deviné que ce sont surtout les chemins de fer qu'on a en vue ici, l'auteur traite des rapports entre l'État et les compagnies, des subventions, des garanties, de la réglementation et divers autres points analogues sans rien ajouter de nouveau. Les arguments présentés en faveur ou contre l'exploitation par l'État ont été réunis, p. 564 et suivantes, où l'on peut les lire mais il ne semble pas utile de nous y arrêter, car, si la question n'est pas encore résolue partout, ce ne sera pas la théorie qui lui donnera sa solution finale, ce sera une lutte d'intérêts, ou la pression de l'opinion.

La dernière partie du travail de M. Sax s'applique à la tarification et se borne à un coup d'œil d'ensemble. Les généralités ne sont pas très instructives en ces matières compliquées; on ne peut pas, surtout dans un chemin de fer, tout fonder sur le prix de revient du transport, et dès qu'on songe à répartir les charges d'après les services rendus, ou d'après les facultés de ceux qui auraient à les supporter, ou d'après des circonstances, des intérêts ou d'autres données spéciales on entre dans les questions pratiques et ce sont des cas particuliers qu'il faut examiner. En tout cas, le tarif exige une étude approfondie, et les solutions ne peuvent pas être improvisées.

LIVRE IV

DISTRIBUTION OU RÉPARTITION DES REVENUS ÉCONOMIQUES

CHAPITRE XXVI

RÈGLES GÉNÉRALES DE LA RÉPARTITION. LES REVENUS

La science a toujours soutenu que les produits (ou la valeur des produits) tendent à se distribuer entre leurs producteurs dans la proportion où chacun d'eux y a contribué. C'est naturellement une pure tendance, car ces collaborateurs sont de natures si variées, que leur action est souvent incommensurable. Est-ce celui qui a élevé les moutons, celui qui a filé la laine, celui qui a cousu le vêtement, ou celui qui est parvenu à le vendre qui a rendu le plus grand service? Et nous sommes loin d'avoir mentionné tous les collaborateurs.

L'absence de moyens certains de fixer la part exacte des collaborateurs fait dire et croire, et non sans raison, que chacun tire à soi, par conséquent, que le fort prend plus que sa part. Toutefois nous aurons à montrer qu'il existe dans la société et dans la nature des choses des freins puissants qui réduisent l'injustice à un minimum. Quant à la faire cesser tout à fait entre les hommes, cela sera impos

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