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concurrence, en montrant que la concurrence est précisément la forme sous laquelle l'offre et la demande se présentent.

M. Boccardo (Econ. politica) démontre clairement, t. I, p. 63 et suivantes, que des deux causes qui déterminent les prix : 1° l'offre et la demande et 2° les frais de production, la première est la plus puissante, mais il ne dénie pas à la seconde l'action régulatrice qui lui revient.

En somme, les économistes sont d'accord sur les grandes lignes de la théorie, mais les détails, les nuances, même certaines distinctions d'une application plus rare ont leur intérêt; une chose seulement doit être évitée il ne faut pas vouloir fendre les cheveux.

CHAPITRE XXV

LES TRANSPORTS ET LES MOYENS DE COMMUNICATION

Les frais de production renferment généralement des dépenses causées par le transport, soit des matières premières (1) - pour les faire arriver à l'atelier soit des produits fabriqués pour les mettre à la portée du consommateur. Le producteur aussi bien que le consommateur ont donc un intérêt marqué à voir baisser le prix des transports.

Depuis que le commerce est né, les hommes se sont préoccupés des moyens de réduire ces dépenses. On sait que, par terre, on a transporté longtemps les marchandises à dos d'hommes et à dos d'animaux, puis sur des véhicules traînés surtout par des chevaux ou des bœufs; le transport par eau remonte également à une haute antiquité, et il avait pris peu à peu un très grand développement. Cependant, les moyens de transport qui ont précédé l'avènement de la vapeur nous paraissent bien primitifs aujourd'hui, mais il serait injuste de les mépriser par terre on avait des routes bien entretenues, des diligences, des malles-poste, des entreprises de roulage partant et arrivant à jours et heures fixes; pour la navigation on avait creusé des canaux, rectifié le cours des fleuves, construit des ports, d'où partaient des voiliers pour les mers les plus lointaines.

(1) Ce mot pris dans le sens le plus large possible, comprenant tous les accessoires.

Les bateaux à vapeur, les chemins de fer, le télégraphe électrique ont fait rentrer dans l'ombre ces résultats dont on croyait pouvoir être fier il y a cinquante ou soixante ans; nous sommes maintenant en présence de moyens de communication et de transport d'une perfection telle, qu'il serait bien difficile d'en imaginer qui fussent à la fois plus rapides, plus puissants et moins coûteux. Nous ne succomberons pas à la tentation de raconter, après tant d'autres, l'histoire de la transformation des voies de communication qui s'est opérée sous nos yeux, mais nous allons en indiquer les principaux effets, aussi brièvement que possible:

1° L'effet le plus important du perfectionnement des voies de communication et des moyens de transport, et qu'il faut mentionner avant tout, c'est de généraliser la civilisation en la faisant pénétrer dans les endroits les plus reculés ou les plus arriérés de l'Europe, comme dans les pays les plus éloignés d'au delà des mers. Ces voies et ces moyens rapprochent les hommes, répandent les nouvelles, vulgarisent le savoir. Le diamant se polit par le frottement avec le diamant, et l'homme par le frottement avec l'homme. Malgré les passions internationales qui parfois soulèvent des haines, la poste, le télégraphe, les chemins de fer, le bateau à vapeur travaillent incessamment à adoucir les rapports de nation à nation, et si l'on ne voit pas toujours clairement les effets de ce travail, c'est que les sentiments non manifestés sont presque invisibles de leur nature. Il faut ajouter, et regretter, que les douanes affaiblissent un peu les bons effets des voies de communication; d'ailleurs, la poste, dans son impartialité, accorde les mêmes. facilités aux journaux qui soufflent la haine qu'à ceux que la raison et l'humanité inspirent.

Si nous entrons dans le domaine spécial, nous rencontrons tout un ensemble d'influence qu'on pourrait presque réduire à la proposition qui suit et qui est presque un truisme;

2o La réduction des frais de transport cause la réduction du prix de la marchandise, et la baisse des prix met la denrée à la portée d'un plus grand nombre de consommateurs.

Mais chaque effet devient une cause à son tour et les conséquences s'enchaînent;

3o Si la consommation augmente, la production s'accroìtra, et elle le pourra, car son champ s'étendra. Chaque réduction de frais qui permet de faire venir la matière première de plus loin, ou de transporter plus loin le produit fabriqué, développe la production ou élargit le marché à raison du carré de ces distances;

4° Il en résulte que la production peut se faire sur une plus grande échelle, et en pareil cas, en pareil cas, elle utilisera mieux les machines et les agents naturels, la division du travail se développera, et l'on pourra ajouter ainsi, à la baisse provenant de la réduction des frais de transport, une autre baisse due au perfectionnement des procédés;

5o Avec la baisse des prix, le rayon des transports s'étend encore, car il y a un rapport étroit entre le prix d'une marchandise et la distance qu'elle peut parcourir pour chercher un marché. C'est le prix qu'elle peut atteindre à un marché qui limite la distance qu'elle peut parcourir. Si l'hectolitre de blé ne peut pas se vendre au marché à plus de 20 francs et coûte 10 francs au lieu de production, il ne peut pas supporter plus de 10 francs de frais de transport. S'il coutait 15 francs, il ne pourrait supporter que 5 francs de frais;

6° Il en résulte que les moyens de transport perfectionnés élargissent le champ de la concurrence. Si autrefois, pour 10 francs, Marseille ne pouvait faire venir du blé que d'Odessa, ni New-York, ni Calcutta n'existaient pour le grand port méditerranéen. On invente les clippers et ces puissants et rapides voiliers permettent de faire venir le blé

d'Amérique et Odessa vit surgir une concurrence inattendue. Bientôt le canal de Suez s'ouvre, de grands transports à vapeur le traversent, et l'Inde, l'Australie même, apparaissent à leur tour sur le marché et pèsent sur le prix du blé;

7° Les marchandises chères ou peu encombrantes supportent un fret bien supérieur à celui des marchandises de peu de valeur ou très encombrantes. Comparons sous ce rapport un quintal de soie et un quintal de houille. Les 100 kilogrammes de charbon valent 1 à 2 francs au lieu de production, le quintal de soie brute (grège) au moins (à 20 fr. le kilog.) 2,000 francs les tissus de soie valent jusqu'à 10,000 francs et au delà les 100 kilogrammes. Une dépense de 20 francs n'est rien pour le transport d'une marchandise qui vaut de 2,000 à 10,000 francs, mais pour un objet qui vaut 2 francs, elle décuplerait le prix qui deviendrait pratiquement inaccessible;

8° C'est ce qui explique les tarifs de transport tenant compte du prix de la marchandise. On s'est demandé si ces taxes variées étaient justes, si les transporteurs pouvaient demander plus que leur prix de revient, augmenté du bénéfice industriel? On peut répondre par une contrequestion et vous, dont on transporte les marchandises, ne profitez-vous pas des conjonctures favorables? - Ils répondront: oh, pour nous, c'est différent, nous sommes libres, mais vous ne l'êtes pas; vous avez reçu un privilège, un monopole, et en échange l'État vous a imposé le devoir de traiter tout le monde sur le même pied. Vous répliquerez les clients, oui, mais non les marchandises. Le tarif gouvernemental qui nous impose un maximun prévoit que les matières précieuses supporteront une taxe plus élevée que les matières communes, et en admettant ce principe, il avait des raisons dont l'évidence saute aux yeux. L'une est que les matières précieuses imposent un

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