Page images
PDF
EPUB

et qui semble passée, de nos jours, à l'état d'habitude vicieuse, même chez les plus éminents interprètes de la science à ce sujet.

Dans cet état de véritable perplexité, le désir me vint, ne fût-ce qu'en vue de ma satisfaction personnelle, d'en avoir le cœur net, et de savoir au juste à quoi m'en tenir, et sur les desiderata du gouvernement de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, et sur la manière de voir des médecins russes à cet égard.

Je dus alors demander, par l'intermédiaire de Son Excellence, Monsieur l'Ambassadeur de Russie à la cour de France, le programme du concours.

Ce programme reçu, je fus presque convaincu que l'intention formelle du conseil de médecine russe, qui, « en commémoration de la résolution courageuse prise le 12 octobre 1768, par l'impératrice Catherine II, de soumettre sa propre personne, ainsi que l'héritier de son trône, à l'inoculation du venin variolique, a sollicité et obtenu l'autorisation de Sa Majesté l'Empereur de Russie de fonder le prix du concours », était bien d'attirer spécialement l'attention des concurrents sur la vaccination.

Le mot vaccine n'y est pas une seule fois prononcé. Et je me crus fondé à penser que les médecins russes ne confondent point l'effet avec la cause, la vaccine avec la vaccination; qu'ils comprennent peut-être mieux qu'ailleurs la véritable acception de ce dernier mot, et qu'en tout cas ils l'appliquent à toute méthode d'inoculation préventive de la petite-vérole.

Quoi qu'il en soit, l'Union médicale, l'organe presque officiel de la médecine française, le primus inter pares

à l'époque actuelle, termine sa note par la réflexion que

Voici :

<<< Mais la question n'est plus aussi simple qu'il y a dix ans; la vaccine syphilitique et la vaccine animale sont venues la compliquer et l'embrouiller tellement depuis, que l'on ne s'y reconnaît plus. »

Et je m'adressai encore cette question:

Pourquoi ne peut-on plus s'y reconnaître ? Est-ce bien réellement la vaccine syphilitique ou la vaccine animale que l'on doit accuser d'être la base et le fondement de cet inextricable labyrinthe dans les replis duquel on cherche vainement la vérité sur cette question?

Je ne puis le penser.

Il est bien plus probable que cela tient uniquement à ce que, jusqu'à présent et depuis l'origine ou la découverte du cowpox, ou petite-vérole des vaches, depuis son inoculation à l'espèce humaine par la vaccination, qui a donné naissance à la vaccine humaine, la médecine a mis une persistance vraiment regrettable à confondre l'effet avec la cause; à lui donner la primauté; à mettre, comme on dit vulgairement et proverbialement, je ne crains pas de le dire, la charrue avant les boeufs, ce qui a dû fatalement, et a en effet amené des discussions sans fin et sans cesse renaissantes.

J'adopte donc, comme titre général de ce travail, puisque je me décide à le poursuivre, celui qui a été proposé par la note officielle russe.

Sachons ne pas intervertir les rôles et conserver la filiation. Nous arriverons très-certainement ainsi à de bien meilleurs résultats.

INTRODUCTION

Principes généraux concernant la Variole, le Cowpox et

la Vaccine humaine.

«La vaccine ne se montre jamais spontanément.

»Elle est toujours le fruit d'une opération expresse, particulière.....

»La vaccine n'est pas, à proprement parler, une maladie. C'est un moyen prophylactique des plus précieux, qui figurerait bien mieux dans un ouvrage de thérapeutique que dans un traité de pathologie..

BOUSQUET; Traité de la vaccine, pag. 171, 187.

La vaccine (je n'entends parler ici que de la vaccine humaine), pour si inséparable qu'elle soit de la vaccination, ne doit pas être confondue avec elle.

Je vais plus loin, et je dis que la vaccine est complètement subordonnée à la vaccination, qui est le point culminant de la question; que, pour écrire l'histoire de l'une, il faut nécessairement commencer par raconter l'histoire de l'autre, et que, pour rendre complète la narration historique des faits qui les concernent toutes les deux, il convient évidemment de remonter jusques à l'origine de la vaccine, jusqu'à la petite-vérole des vaches, et peutêtre plus loin encore, c'est-à-dire jusqu'au principe spécifique qui engendre cette dernière.

Il est de fait que la vaccine, effet et produit de la vaccination, n'est point une maladie essentielle.

Ce n'est pas non plus une maladie spéciale, inhérente à la nature et à l'espèce humaine: elle n'a jamais été observée chez l'homme à l'état de maladie spontanée.

C'est une affection morbide empruntée à l'espèce animale, transplantée et cultivée dans l'organisme humain.

Elle n'existe et ne peut exister qu'à l'état de maladie fortuite ou provoquée: on ne l'a encore vue paraître qu'après une provocation directe, qu'après une inoculation préalable. Peu importe que cette provocation ait été accidentellement produite par un frottement fréquemment répété et suffisamment prolongé pour amener, par excoriation, par imbibition ou par absorption, une véritable inoculation, comme dans la transmission du cowpox aux vachères, ou bien que son apparition ait été volontairement déterminée par la vaccination.

Elle apparaît donc, en définitive, de la même manière que le mal de vers, ou mal de bassine, ou de même que toutes les maladies de la peau directement produites par un agent extérieur et par la méthode endermique.

Qui plus est, et généralement parlant, les pustules de la vaccine humaine n'ont pas plus de gravité et n'entraînent pas après elles de plus sérieux accidents que les exanthèmes, que les phlyctènes, que les pustules provoquées par la série des substances rubéfiantes, vésicantes ou autres, constituant la méthode que je viens de nommer.

Les phénomènes internes qui se développent dans l'organisme humain en même temps que les pustules vaccinales, n'ont pas plus d'intensité que ceux qui sont la conséquence de la vésication et de l'urtication; ils en ont

« PreviousContinue »