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milieu d'eux. Puisse-t-il l'atteindre et enrayer ainsi les progrès de l'épidémie!

Par une circonstance malheureuse et fortuite, la petitevérole, vous le savez tous, s'est implantée dans les communes de Florac, de Saint-Julien-d'Arpaon et de Vialas.

Cette circonstance est déplorable sans doute, puisqu'elle a amené au milieu de nous une épidémie que nous aurions peut-être évitée sans elle. Mais gardons-nous d'en murmurer, parce que nous ignorons si elle ne puise pas sa cause à la source de toutes choses, et si elle n'est pas un moyen de préservation que Dieu nous envoie pour chasser loin de nous quelque autre épidémie menaçante, plus sérieuse et plus mortelle encore.

Ne sommes-nous pas, en quelque sorte, entourés de cholériques?

Acceptons donc celle qui nous est envoyée. Nous pourrions avoir pire.

Le xvir siècle est déjà loin de nous, et nous ne sommes plus au temps où la variole était réellement une maladie. meurtrière, où elle enlevait des populations presque entières, et faisait, en somme, autant de ravages que le choléra luimême.

La découverte de Jenner l'immortel en a fait bonne justice. Aujourd'hui, les épidémies de varioles sont généralement peu graves. On les voit rarement décimer les populations, et alors, qu'on le sache bien, elles n'agissent que sur des habitants chez lesquels les vaccinations ont été négligées depuis longtemps. Il est donc presque certain que nous n'aurions plus d'épidémies de cette nature, si le public voulait écouter les hommes de l'art, ceux du moins qui sont imbus des saines doctrines médicales, s'il consentait à se soumettre en temps utile à plusieurs vaccinations successives, et accepter ainsi tous les bienfaits de la vaccine humaine.

Celle-ci ne peut être la cause d'aucun fâcheux événement. Et si quelquefois elle a paru inefficace, si quelque cas malheureux se sont produits, si quelques faits se sont manifestés et

ont paru de nature à ébranler la foi déjà chancelante du public à son égard, ne l'en accusez point. Faites-en plutôt chercher la cause par ceux qui ont l'habitude d'observer ces sortes de faits, et vous reconnaîtrez avec eux que la source du mal est autre part.

Ces faits d'ailleurs sont si peu nombreux, qu'ils devraient passer inaperçus, sans examen, au milieu des innombrables résultats opposés.

La vaccine: tel est donc le seul et unique remède spécifique et préservatif de la variole.

Ai-je besoin d'aller chercher ailleurs qu'ici la preuve de cette assertion?

Regardez autour de vous: pénétrez au sein des familles qui déjà ont payé leur tribut de douleur à l'épidémie; consultez l'âge des personnes qui, soumises à la contagion, ont été atteintes par la maladie; prenez surtout connaissance des époques diverses auxquelles elles ont été vaccinées, et vous vous convaincrez facilement que le plus ou moins d'intensité de la maladie est en rapport direct avec le plus ou moins de distance qui les sépare de l'époque de leur dernière vaccination : les enfants tout nouvellement vaccinės ne sont jamais devenus varioleux (je ne parle pas de ceux auxquels on a en même temps inoculé la variole); les jeunes gens de six à quinze ans n'ont presque point été frappés par la maladie, et lorsqu'elle s'est déclarée dans leurs rangs, elle s'est toujours montrée discrète et bénigne; enfin, cet état morbide n'a été grave, et quelquefois mortel, que chez les enfants non vaccines, ou chez les personnes d'un certain age et qui étaient éloignées de plus de vingt ans du moment où elles avaient subi leur première et dernière vaccination.

Tranquillisez-vous également sur la nature du virus. Celui auquel on peut vous soumettre actuellement a subi plusieurs épreuves successives, et a donné lieu à une vaccine de bon aloi.

Et maintenant, il ne me reste plus qu'une chose à vous apprendre, c'est qu'on peut impunément se faire vacciner, même pendant l'existence d'une épidémie de petite-vérole.

Voici le résultat des expériences qui ont été faites à cet égard. Tous les auteurs s'accordent à dire que, quand la vaccination est pratiquée avant ou même pendant la première période de cette maladie, c'est-à-dire avant l'apparition des pustules varioleuses, elle empêche complètement la manifestation de cet état morbide, ou tout au moins le modifie au point de le faire passer inaperçu. D'où je conclus, avec M. le D' Clérault, que « dans une épidémie de variole le devoir du médecin est de vacciner indistinctement tous ceux qui n'ont pas subi cette opération et qui sont soumis à la contagion», pourvu qu'on n'observe sur leur corps aucune espèce de tache ou de bouton, de quelque nature que ce soit. Et je citerai, à l'appui de cette opinion, ce fait rapporté par M. Socquet, médecin à Chambéry « J'ai vacciné, dit-il, au sein d'une épidémie de variole, quarante enfants. Ils furent tous préservés de la petitevérole, à l'exception d'un seul, chez lequel la vaccine et la variole marchèrent parallèlement, et qui n'éprouva que des symptômes et des suites peu graves.1 »

Quant aux résultats obtenus des vaccinations après l'apparition des boutons varioleux, ils sont complètement nuls : la vaccination ne réussit point; ou bien les deux maladies (vaccine et variole) accomplissent leurs périodes à côté l'une de l'autre, sans exercer aucune influence modificatrice l'une sur l'autre.

Faites-vous donc vacciner et revacciner sans crainte. C'est la première règle à mettre en pratique dans le traitement préventif de la variole épidémique.

Et cela bien expliqué, je me bornerai à vous donner quelques préceptes à suivre pour corroborer ce traitement préventif, et à vous indiquer le traitement hygiénique des malades. Quant au traitement pharmaceutique qui concerne la maladie elle-même, ses diverses formes et ses complications, il ne peut être formulé que par le médecin ordinaire des malades, parce qu'il doit être en rapport avec ces formes et ces complications:

'Monneret et Fleury, tom. VIII, pag. 450.

Les personnes saines, vaccinées ou non vaccinées, ne doivent pas aller visiter les varioleux sans nécessité et par pure curiosité. Celles qui sont obligées, par la nature de leurs relations, à les voir ou à les soigner, ne doivent jamais se rendre auprès d'eux sans avoir pris des aliments, et doivent faire de fréquentes sorties au dehors pour y respirer un air plus pur et plus sain que celui qu'elles aspirent dans l'intérieur de leurs habitations. Toutes doivent éviter les écarts de régime, changer de vêtement suivant les variations atmosphériques, se couvrir modérément la nuit et pousser la propreté jusqu'à l'excès.

Et comme la maladie a de la tendance à se compliquer de pourpre hémorrhagique, elles feront bien, pendant la durée de l'épidémie, d'user en plus ou moins grande quantité, et chaque jour, d'une boisson acidulée.

Quant aux malades, « contrairement à des préjugés trop répandus, et qui certainement ont fait un grand nombre de victimes, il faut bien se garder de les surcharger de couvertures, de les abreuver de boissons chaudes et excitantes. On doit les couvrir modérément; les changer fréquemment de linge; renouveler souvent l'air de leurs chambres et les soumettre à tous les soins qu'exige une scrupuleuse propreté. »

<«< Les boissons fraîches, acidules, loin d'être dangereuses, sont aussi utiles qu'agréables aux malades» (Monneret et Fleury).

Suivez-donc ces conseils, et vous verrez bientôt l'épidémie s'éteindre et disparaître.

Florac, le 7 juillet 1854.

Cette Circulaire produisit un bon effet. L'esprit public se calma, et l'on vit renaître en lui la foi, l'espérance et la charité, ces trois vertus en tout sacrées et par délaissées un instant.

lui

Le peuple, en effet, cessa ses murmures, oublia la

manière dont le fléau avait été introduit au milieu de lui, et ne garda plus rancune aux auteurs innocents de ce désastre.

Il crut de nouveau aux bienfaits de la vaccine.

Et en les recherchant, il fit revivre en lui, comme en moi, l'espoir de voir bientôt l'épidémie rétrograder et

cesser ses ravages.

Et bon nombre de pères de famille, se décidant enfin à suivre mon exemple, les réclamèrent avec instance, nonseulement pour leurs enfants, mais encore et quelquefois pour eux-mêmes, de compagnie avec quelques jeunes gens de l'un et l'autre sexe.

103 personnes subirent ainsi la vaccination du 1er au 30 juillet, au moment où la maladie épidémique sévissait avec le plus de violence, et puisèrent dans cette opération conservatrice la puissance nécessaire pour résister aux efforts de la contagion, savoir:

A Vialas, 21, dont 11 enfants au-dessous de 5 ans et vaccinés pour la première fois, 4 pères et mères de famille de 20 à 40 ans, et 6 jeunes gens des deux sexes de 6 à 18 ans, tous ces derniers revaccinés.

A Florac et dans les mêmes conditions, 82, dont 45 enfants, 17 pères de famille et 20 jeunes gens.

Chez les premiers, la vaccination a constamment réussi. Chez les seconds, elle a produit des boutons-vaccin de bonne nature une fois sur trois.

Chez les derniers, les résultats ont été complètement nuls. Et pas un seul n'a été atteint par la petite-vérole. Dès-lors, au contraire, on vit l'épidémie décroître sensiblement, et disparaître totalement de tous les endroits contaminés, du 25 au 30 juillet.

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