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son berceau, progresser et se répandre dans le monde à la suite du seul peuple qui, au nombre de ceux que l'on en a rendus responsables, s'est fait conquérant, voyageur et missionnaire, en vue de la guerre sainte commandée par son Prophète.

Et en effet, d'après les documents qui précèdent, et qui sont authentiques, le peuple Arabe est le premier qui ait eu connaissance de la variole, le premier qui ait fourni des écrivains qui aient pu en donner une description exacte, irrécusable; le seul qui, à cette époque, ait pu la transporter au loin.

Les bords de la mer Rouge, «où règne habituellement et presque toute l'année une chaleur humide et lourde dont sont péniblement affectés les Européens qui les ont visités, où naît, vit et prospère le cheval arabe, ce type de l'élégance dans les formes et de la perfection dans les qualités, errant en liberté dans de vastes pâturages'» : voilà donc le point de départ de la variole.

De là, elle s'est répandue dans toute l'Arabie, pendant les guerres de sectaire entreprises par Mahomet pour y fonder sa religion. Elle y est restée concentrée jusqu'à la mort du Prophète, jusqu'en 632.

Alors commence la guerre sainte, et le fléau suit les Arabes en Syrie (634), en Palestine (637), et, à plusieurs reprises, de 637 à 660, jusqu'aux portes de Constantinople.

Des bords de la mer Noire, cette maladie, éminemment contagieuse, a dû se répandre vers le Nord d'elle-même,

1 Noël des Vergers; Encyclopédie moderne. F. Didot, tom. III, pag. 658.

et de proche en proche jusqu'en Russie, car sa marche de ce côté a été moins rapide: elle a mis plus de mille ans pour arriver aux limites septentrionales extrêmes de cet empire, et passer de là «jusqu'aux régions glacées de l'Amérique du Nord, jusqu'au Groënland (1733) '».

Après l'année 637, elle pénètre facilement, avec les Arabes envahisseurs, en Cilicie, en Mésopotamie et jusqu'en Egypte (637-651), traverse ainsi la mer Rouge et fait sa première irruption en Afrique.

En même temps, elle les accompagne jusqu'à l'extrémité de l'empire des Perses (637-651), jusqu'aux confins de l'Hindoustan, à travers lequel elle a pu pénétrer progressivement jusqu'en Chine, de même qu'elle s'est ré. pandue de Constantinople au Groënland.

En 660, les conquêtes des Arabes recommencent: l'Afrique septentrionale est soumise; Carthage est définitivement détruite. La variole apparaît et sévit sur la terre africaine (660-706).

De là, enfin, et de 711 à 738, elle envahit et l'Espagne et la Gaule.

Elle se trouvait ainsi acclimatée en Europe dès la première moitié du VIIIe siècle. Elle s'y répandit complètement «vers la fin du xo, et pendant les x1o et xII° siècles », d'après MM. Monneret et Fleury.

<«<Les croisades, ajoutent ces deux auteurs, ont sans doute contribué à en étendre les ravages

Elle est restée complètement inconnue en Amérique, jusqu'à sa découverte par Christophe Colomb, en 1492:

1 Monneret et Fleury, tom. VIII, pag. 467.

2 Ibid., pag. 467.

« le nouveau Monde reçut des Européens l'affreuse maladie qu'ils apportaient avec eux, et en 1517 l'île de SaintDomingue était déjà ravagée par le fléau '».

Il semble résulter scientifiquement, de ce qui précède, qu'en réalité les premières apparitions certaines, les premières connaissances sûrement acquises, les premières descriptions positives de la variole, ont été effectuées vers le milieu du vio siècle, en Asie, particulièrement en Arabie et sur les bords orientaux de la mer Rouge.

Ces régions doivent donc, jusqu'à preuves authentiques contraires, être considérées comme les contrées d'origine de la variole humaine, à moins que l'on ne veuille ajouter foi, avec les missionnaires de Pékin, à la tradition des Chinois (Mémoires sur l'histoire, les sciences, les arts, les mœurs et les usages des Chinois), « qui prétendent que la variole règne épidémiquement chez eux depuis plus de trois mille ans, et que cette maladie a paru pour la première fois sous la dynastie de Tcheoco, 1122 ans avant Jésus-Christ 2 ».

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Mais, si isolée que soit la Chine, « séparée qu'elle est du reste de l'univers, et par l'immensité des mers, et pas les déserts de la Tartarie, et par ses lois qui en interdisent l'accès aux étrangers »; si bien claquemuré que soit son peuple derrière les fortifications de ses villes et derrière sa grande muraille, « qui s'étend, le long des frontières de l'ouest et du nord de l'Empire, sur une longueur de cinq cents lieues », comment ad

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mettre que la variole, si éminemment contagieuse qu'elle a pu en moins de deux siècles envahir, à la suite des Sarrasins, et l'Afrique et l'Europe, ait pu y rester confinée pendant dix-sept siècles, sans se communiquer aux habitants des contrées qui l'avoisinent?

Les Chinois ne sont-ils donc jamais sortis de leurs frontières ?

<< On trouve pourtant, dans leurs livres, des notions. fort exactes sur l'Asie centrale et méridionale, et l'on peut se convaincre que leurs conquêtes leur avaient donné une idée précise de la mer Caspienne et des peuples voisins du Caucase'.»

« Et sa grande muraille n'a pas empêché la Chine d'être envahie plusieurs fois par des conquérants2. >>

Or, si les Chinois n'ont répandu la variole autour de leur empire, ni pendant les conquêtes qu'ils ont faites au dehors, ni durant les invasions qu'ils ont eu à subir de la part de leurs voisins, avant le vr° siècle, alors que les Sarrasins l'ont entraînée à leur suite, dans tous les pays traversés par leurs armées, c'est qu'elle n'y existait pas réellement avant cette époque, et qu'elle y a été introduite postérieurement.

Traditionnellement, il est facile de commettre de grossières erreurs.

Là, comme ailleurs, la tradition a bien pu prolonger indéfiniment ce qu'on est convenu d'appeler le temps immémorial.

Au reste, il est possible qu'un jour, lorsque les peu

1 Encyclopédie moderne, tom, IX, pag. 125.

2 Ibid., tom. IX, pag. 134.

ples du Céleste Empire seront devenus plus sociables, on trouve dans les annales de la médecine chinoise quelques documents authentiques qui puissent modifier ces conclusions. Mais il n'y a rien de plus invraisemblable, si l'on en juge d'après une Étude d'hygiène sur Pékin et ses habitants, publiée tout récemment par M. le D' Morache, professeur-agrégé à l'école impériale du Val-de-Grâce, ancien médecin de la légation de l'empereur, à Pékin '. Jusque-là, d'ailleurs, nous devons nous en tenir aux seules données scientifiques connues.

Il est tout aussi impossible d'admettre l'existence de cette épidémie française, acceptée par Sprengel, comme ayant exercé ses ravages au sein des Gaules, de 565 à 568.

C'est encore là un anachronisme.

Certainement, si la variole eût existé en France au vi siècle, au point d'y régner épidémiquement pendant trois ans, elle y eût été connue depuis assez longtemps pour qu'on en eut retrouvé quelques traces dans les ouvrages de médecine, et l'on n'aurait pas admis si facilement que les Sarrasins l'avaient introduite en Europe au VIII siècle. Elle s'y fût répandue, sans aucun doute, bien avant leur invasion en Espagne et dans la Gaule.

En résumé, voici évidemment la marche de la variole et sa progression dans les quatre parties du monde :

Elle n'était connue qu'en Asie avant le vir siècle. L'Asie, berceau du genre humain, d'après les historiens

1 Annales d'hygiène publique et de médecine légale, janvier 1870, pag. 34 à 45 et 55-56.

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