mon ouvrage : Votre goût a servi de règle J'y tombe 5 au moins mal que je puis. Dont je ne me pique point, Je tâche d'y tourner le vice en ridicule, La sotte vanité jointe avecque l'envie, 1. Ésope, 127, 44: Lignator et Mercurius. Rabelais, second prologue du livre IV. 2. Ces initiales signifient à M. le chevalier de Bouillon. C'était un ami de Chaulieu, et, comme lui, il faisait partie de la société du Temple, trop fréquentée par La Fontaine dans les dernières années de sa vie. 3. L'effort ambitieux. La Fontaine imite toujours en maitre. Ici il s'ap proprie une expression d'Horace : Ambitiosa recidet Ornamenta. (Art poet., v. 447.) 4. Gâte tout. Gresset a dit non moins élégamment: L'esprit qu'on veut avoir gâte celui [qu'on a. (Le Méchant, acte IV, sc. vii.) 5. Tomber, indique que le hasard est aussi pour quelque chose dans cette heureuse rencontre. Qui voulut en grosseur au Bœuf se rendre égal1. La Mouche à la Fourmi; faisant de cet ouvrage Hommes, dieux, animaux, tout y fait quelque rôle, Un Bûcheron perdit son gagne-pain6, 1. Voir livre I, fab. ; liv. I, fab. x, et liv. IV, fab. II. 2. Cette définition de son ouvrage donnée par La Fontaine est demeurée célèbre: on ne saurait mieux caractériser l'originalité des fables. 3. Voir livres VI, IV; VIII, xx; IX, XIII; XII, XXVII, etc. 4. Il s'agit de Mercure Lucien nous le montre se plaignant de toutes les courses que Jupiter lui fait faire, tantôt auprès d'Europe à Sidon, tantot auprès de Danaé à Argos, etc. 5 De cela, de porter la parole aux belles. 6 Son gagne-pain. Rabelais a servi de modèle à La Fontaine : « Qui fut bien fâché et marri? ce fut lui. Car de sa coignée dépendoit son bien et sa vie; par sa coignée vivoyt en hon neur et reputation entre tous riches buscheteurs sans coignée mouroyt de faim. >> 7. Rabelais peint ainsi le désespoir du bûcheron après la perte de sa coignée « En cestuy estrif commença crier, prier, implorer, invoquer Jupiter, par oraisons moult disertes (comme vous savez que nécessité feut inventrice d'éloquence), levant la face vers les cieulx, les genoilz en terre, la teste nue, les bras haultz en l'aer, les doigtz des mains escarquillez, disant à chaque refrain de ses suffrages, à haulte voix infatiguablement «Ma coignée, Jupiter! ma « coignée, Rien plus, ô Jupiter! que «ma coignée où deniers pour en «achapter une aultre. Hélas! ma « pauvre coignée. »> Je suis content si j'ai cette dernière. Tu les auras, dit le Dieu, toutes trois : En ce cas-là je les prendrai, » dit-il. Leur en décharge un grand coup sur la tête3. Ne point mentir, être content du sien, 1. Dispersée. Le mot juste serait répandue; dispersée est un latinisme. 2. On disait autrefois boquet pour bosquet, et boquillon pour bosquillon, apprenti bûcheron qui travaille aux bosquets. 3. Sur la tête. La sévérité de Mercure est expliquée dans Rabelais par l'ordre formel de Jupiter: «S'il prend aultre que la sienne, coupez-fuy la teste avecques la sienne propre, et désormais ainsi faictes à ces perdeurs de coignées. >>> 4. Voir dans l'ouvrage de M. Taine une intéressante comparaison de cette 7 fable avec le récit de Rabelais. Le critique n'a pas de peine à montrer combien la précision de La Fontaine est supérieure au verbiage diffus de Rabelais. 5. Le sujet de cette fable est contenu dans ce passage du livre de l'Ecclésiaste Ditiori te ne socius fueris. Quid communicabit cacabus ad ollam? Quando enim se colliserint, confringetur. (Chap. XIII.) 6. Faire que sage. vieille locution qui équivaut à faire sagement. C'est une ellipse et un latinisme. Que, quod, ce que ferait un sage. De son dépris1 serait cause : Si quelque matière dure Mes gens s'en vont à trois pieds, Au moindre hoquet qu'ils treuvent. Le Pot de terre en souffre; il n'eut pas fait cent pas Ne nous associons qu'avecque nos égaux, Le destin d'un de ces Pots. III. 4 LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR + Petit poisson deviendra grand, Mais le làcher en attendant, Je tiens pour moi que c'est folie: Car de le rattraper il n'est pas trop certain. Un Carpeau, qui n'était encore que fretin, Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière. « Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin; Voilà commencement de chère et de festin : Mettons-le1 en notre gibecière. >> Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière : Je serai par vous repêchée; Quelque gros partisan2 m'achètera bien cher : Peut-être encor cent de ma taille Pour faire un plat quel plat? croyez-moi, rien qui vaille. Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras : Un animal cornu blessa de quelques coups Toute bête portant des cornes son front. Chèvres, Béliers, Taureaux aussitôt délogèrent; 1. Mettons-le. Il faut, pour le vers, que le ne compte pas dans la mesure; cette licence, fréquente au XVII siècle, a été depuis refusée aux poètes, comme désagréable à l'oreille. 2. Partisan: « Un financier, un homme qui fait des traités, des partis avec le roi, qui prend ses revenus à ferme, le recouvrement des impôts. » (FURETIERE, Dict., 1690.) 3. Un tiens est un don, un tu l'auras n'est qu'une promesse; or, comme dit La Fontaine : Promettre est un et tenir est un autre. (Ballade à Fouquet, 1659.) 4. Faerne, III, 2. Vulpes et Simius. Dans Faërne, le lion bannit de ses Etats tous les animaux sans queue. Le renard, effrayé, pliait bagage; un singe le voit et lui dit : « L'édit du roi ne vous regarde pas. - Qu'en sait-on ? reprend le renard: si le lion veut que je n'aie pas de queue, qui osera le contredire?» et il déguerpit prudemment. |