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eft d'arriver au but, & j'y fuis dès que je fens.

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On pourroit raifonner de la forte s'il s'agiffoit d'autres plaifirs que de ceux de l'efprit. Mais s'il eft certain que dans ceux-ci, l'étendue des connoiffances ajoute beaucoup au fentiment; l'étude de l'art doit néceffairement précéder la lecture des Ouvrages. Un connoiffeur qui fait l'art, & l'effort qu'il a demandé, eft frappé d'un tableau de Raphaël, d'un beau chant de Lulli, d'une defcription de Virgile, tout autrement que celui qui n'a pour juger, qu'un goût naturel, un fens droit, mais brut, fi j'ose m'exprimer ainsi, deftitué de lumieres & de principes. Que d'endroits délicats font perdus pour celui-ci ! que de traits heureux lui échappent! que de beautés fines ne font point apperçues ! Il y a même dans les Arts des chofes très-belles, & avouées telles de tous ceux qui s'y connoiffent qui ne font nulle impreffion fur des efprits droits mais fans culture, qui font même quelquefois fur eux une impreffion défagréable. Un air fimple plaît à un homme abfolument ignorant en Mufique. Si ce même air eft accompa gné de baffes & de deffus, ce n'eft plus

qu'un bruit confus qui le fatigue. Quelques leçons fur le rapport des fons l'auroient apprivoifé peu à peu, & lui auroient fait fentir les charmes de l'harmonie & des accords. Il eft donc important de connoître les Arts pour en fentir toutes les beautés. Or pour les connoître, il faut en avoir étudié la nature, les regles, en avoir vu & compris les principes; ce qui eft difficile & demande une affez grande application.

Dans les Sciences & dans les Arts méchaniques, il y a un objet nettement marqué, un objet palpable, que nous pouvons manier, retourner, envisager dans toutes fes parties & dans toutes fes faces. Ici tout eft au-dedans de nous. Et de même que les yeux ne peuvent fe voir eux-mêmes; jamais notre esprit n'eft plus embarrassé que quand il veut démêler & fuivre le labyrinthe de fes propres opérations & de fes mouvemens. On convient que ce qui regarde la pen fée eft de la plus métaphyfique difcuf fion. Ce qui a rapport au fentiment, au goût, eft encore infiniment plus fubtil. Que d'attention pour pouvoir reconnoître les différentes routes par où arrivent les différentes impreffions! pour appercevoir ce qui peut produire certains

mouvemens, d'un certain degré, d'une certaine efpece! pour voir quels font les objets qu'il faut préfenter à l'efprit! fous quelle forme, dans quel ordre il faut les préfenter! enfin pour remarquer le jeu des organes, par lefquels arrive l'impreffion: de ces organes fi délicats, fi orgueilleux, pour ufer de l'expreffion de Cicéron! toutes matieres très-déliées, fans la connoiffance defquelles on ne jouit cependant qu'à demi, & qu'en héfitant, des biens que nous of frent les Arts. Il faut donc avoir étudié une bonne fois ces queftions, les avoir approfondies. Il faut avoir reconnu vérifié, fenti les principes : & alors le goût marchera avec plus de fûreté, plus de confiance, il ira plus loin, & fera en état de rendre raifon de fes jugemens.

Nous embraffons les Lettres Françoifes, les Latines, & même les Grecques. Bien entendu que les Françoifes y tiendront le principal rang. Si elles font pour nous moins qu'un befoin, elles font quelque chofe de plus qu'un agrément. Nous parcourrons fucceffivement tous les Genres en commençant par les plus aifés & les plus fimples. Nous donnerons un exposé fommaire de la nature, des parties, des regles de

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chacun d'eux toire en peu de mots, après quoi nous ferons l'application des principes & des regles aux Ouvrages les plus fameux dans chaque genre, qui feront analyfés quant au fond & quant à la forme.

nous en tracerons l'hif

SECOND TRAITÉ.

DE

L'APOLOGUE.

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