Page images
PDF
EPUB

tion.

Réponse

Bourgeois

Avéna dans le sens propre, veut dire de l'aveine: mais parce que les bergers se servirent de petits tuyaux de blé ou d'aveine pour en faire une sorte de flute, come font encore les enfans à la campagne; de là par extension on a apelé avéna un chalumeau, une flute de berger.

On trouve un grand nombre de ces sortes de figures dans le Nouveau Testament, dans l'Imitation de J. C. dans les fables de Phèdre, en un mot, dans les livres même qui sont écrits le plus simplement, et par lesquels on comence : ainsi je demeure toujours convaincu que cette partie n'est point étrangère à la grammaire, et qu'un grammairien doit avoir une conoissance détaillée des tropes.

Je conviens, si l'on veut, qu'on peut bien à une objec- parler sans jamais avoir apris les noms particuliers de ces figures. Combien de persones se servent d'expressions métaphoriques, sans savoir précisément ce que c'est que métaphore? C'est ainsi qu'il y avoit plus de 40 ans que Molière le Bourgeois-Gentilhome disoit de la prose, Gentil. act. sans qu'il en sût rien. Ces conoissances ne sont 11. sc. 4. d'aucun usage pour faire un compte, ni pour Ibid. act. bien conduire une maison, come dit Mo. Jour411. sc. 3. dain, mais elles sont utiles et nécessaires à ceux qui ont besoin de l'art de parler et d'écrire; elles mettent de l'ordre dans les idées qu'on se forme des mots; elles servent à démêler le vrai sens des paroles, à rendre raison du discours, et donent de la précision et de la justesse.

'Les sciences et les arts ne sont que des observations sur la pratique : l'usage et la pratique ont précédé toutes les sciences et tous

les arts; mais les sciences et les arts ont ensuite perfectioné la pratique. Si Molière n'avoit pas étudié lui-même les observations détaillées de l'art de parler et d'écrire, ses pièces n'auroient été que des pièces informes, où le génie, à la vérité, auroit paru quelquefois; mais qu'on auroit renvoyées à l'enfance de la comédie ses talens ont été perfectionés par les observations, et c'est l'art même qui lui a apris à saisir le ridicule d'un art déplacé.

On voit tous les jours des persones qui chantent agréablement, sans conoître les notes, les clés, ni les règles de la musique, elles ont chanté pendant bien des années des sol et des fa, sans le savoir; faut-il pour cela qu'elles rejètent les secours qu'elles peuvent tirer de la musique, pour perfectioner leur talent?

Nos pères ont vêcu sans conoître la circulation du sang; faut-il négliger la conoissance de l'anatomie? et ne faut-il plus étudier la physique, parce qu'on a respiré pendant plusieurs siècles sans savoir que l'air eût de la pesanteur et de l'élasticité? Tout a son tems et ses usages, et Molière nous déclare dans ses préfaces, qu'il ne se moque que des abus et du ridicule.

ARTICLE VI.

Sens propre, sens figuré.

AVANT que d'entrer dans le détail de chaque

trope, il est nécessaire de bien comprendre la diférence qu'il y a entre le sens propre et le sens figuré.

Un mot est employé dans le discours, ou dans le sens propre, ou en général dans un sens figuré, quel que puisse être le nom que les rhéteurs donent ensuite à ce sens figuré.

Le sens propre d'un mot, c'est la première signification du mot. Un mot est pris dans le sens propre, lorsqu'il signifie ce pourquoi il a été premièrement établi; par exemple: le feu brûle, la lumière nous éclaire, tous ces mots là sont dans le sens propre.

Mais, quand un mot est pris dans un autre sens, il paroît alors, pour ainsi dire, sous une forme empruntée, sous une figure qui n'est pas sa figure naturèle, c'est-à-dire, celle qu'il a eue d'abord; alors on dit que ce mot est au figuré; par exemple: Le feu de vos yeux, le feu de l'imagination, la lumière de l'esprit, la clarté d'un discours.

Masque dans le sens propre, signifie une sorte de couverture de toile cirée ou de quelque autre matière, qu'on se met sur le visage pour se déguiser ou pour se garantir des injures de l'air. Ce n'est point dans ce sens propre que Malherbe prenoit le mot de masque, lorsqu'il

disoit

disoit qu'à la cour il y avoit plus de masques que de visages: masques est là dans un sens figuré, et se prend pour persones dissimulées pour ceux qui cachent leurs véritables sentimens, qui se démontent, pour ainsi dire, le visage, et prènent des mines propres à marquer une situation d'esprit et de cœur toute autre que celle où ils sont éfectivement.

Ce mot voix (vox), a été d'abord établi pour signifier le son qui sort de la bouche des animaux, et sur-tout de la bouche des homes. On dit d'un home, qu'il a la voix mâle ou féminine, douce ou rude, clairé ou enrouée foible ou forte, enfin aiguë, flexible, grêle, cassée, etc. En toutes ces ocasions, voix est pris dans le sens propre, c'est-à-dire, dans le sens pour lequel ce mot a été d'abord établi; mais quand on dit que le mensonge ne sauroit étoujer la voix de la vérité dans le fond de de nos coeurs, alors voix est au figuré; il se prend pour inspiration intérieure, remords, etc. On dit aussi que tant que le peuple juif écouta la voix de Dieu, c'est-à-dire, tant qu'il obéit à ses commandemens, il en fut assisté. Les brebis entendent la voix du pasteur, on ne veut pas dire seulement qu'elles reconoissent sa voix et la distinguent de la voix d'un autre home, ce qui seroit le sens propre ; on veut marquer principalement qu'elles lui obéissent, ce qui est le sens figuré. La voix du sang, la voix de la nature, c'est-à-dire, les mouvemens intérieurs que nous ressentons à l'ocasion de quelque accident arrivé à un parent, etc. La voix du peuple est la voix de Dieu, c'est-à-dire, que le sentiment du peuple, C

Tome III.

dans les matières qui sont de son ressort, est le véritable sentiment.

C'est par la voix qu'on dit son avis dans les délibérations, dans les élections, dans les assemblées où il s'agit de juger; ensuite, par extension on a apelé voix, le sentiment d'un particulier, d'un juge; ainsi en ce sens, voix signifie avis, opinion, sufrage, il a eu toutes les voix, c'est-à-dire, tous les sufrages; briguer les voix, la pluralité des voix; il vaudroit mieux, s'il étoit possible, peser les voix que de les compter, c'est-à-dire, qu'il vaudroit mieux suivre l'avis de ceux qui sont les plus savans et les plus sensés, que de se laisser entraîner au sentiment aveugle du plus grand nombre.

Voix, signifie aussi dans un sens étendu,gémissement, prière. Dieu a écouté la voix de son peuple, etc.

Tous ces diférens sens du mot voix, qui ne sont pas précisément le premier sens, qui seul est le sens propre, sont autant de sens figurés.

« PreviousContinue »