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Virg. Ecl. 6, v. 73.

En. 8.v..

202.

priété des termes, leur énergie, et la finesse de la langue, come je l'ai remarqué ailleurs.

Lucus veut dire un bois consacré à quelque divinité; Sylva, un bois en général : Virgile ne manque pas à cette distinction; mais le traducteur latin est obligé de s'écarter de l'exactitude de son original.

Ne quis sit lucus quo se plus jactet Apollo.

Ainsi parle Virgile. Voici coment on le traduit : Ut nulla sit sylva, quá magis Apóllo gloriétur.

Nex, necis, vient de necáre, et se dit d'une mort violente; au lieu que mors signifie simplement la mort, la cessation de la vie. Virgile dit, parlant d'Hercule:

Nece Geryonis spoliísque superbus ;

Mais son traducteur est obligé de dire morte
Geryonis.

Je pourois raporter un grand nombre d'exemples pareils je me contenterai d'observer que plus on fera de progrès, plus on reconoîtra cet usage propre des termes, et par conséquent l'inutilité de ces versions qui ne sont ni latines ni françoises. Ce n'est que pour inspirer le goût de cette propriété des mots, que je fais ici cette remarque.

Voici les principales raisons pour lesquelles il n'y a point de synonymes parfaits.

y

1o. S'il avoit des synonymes parfaits, il y auroit deux langues dans une même langue. Quand on a trouvé le signe exact d'une idée,

on n'en cherche pas un autre. Les mots anciens et les mots nouveaux d'une langue sont synonymes maints est synonyme de plusieurs ; mais le premier n'est plus en usage : c'est la grande ressemblance de signification qui est cause que l'usage n'a conservé que l'un de ces termes, et qu'il a rejeté l'autre come inutile. L'usage, ce tyran des langues, y opère souvent des merveilles que l'autorité de tous les souverains ne pouroit jamais y opérer.

2°. Il est fort inutile d'avoir plusieurs mots pour une seule idée; mais il est très-avantageux d'avoir des mots particuliers pour toutes les idées qui ont quelque raport entre elles.

3o. On doit juger de la richesse d'une langue par le nombre des pensées qu'elle peut exprimer, et non par le nombre des articulations de la voix. Une langue sera véritablement riche, si elle a des termes pour distinguer, non-seulement les idées principales, mais encore leurs diférences, leurs délicatesses, le plus et le moins d'énergie, d'étendue, de précision, de simplicité et de composition.

4°. Il y a des ocasions où il est indiférent de se servir d'un de ces mots qu'on apèle synonymes, plutôt que d'un autre ; mais aussi il y a des ocasions où il est beaucoup mieux de faire un choix il y a donc de la diférence entre ces mots ils ne sont donc pas exactement synonymes.

Lorsqu'il ne s'agit que de faire entendre l'idée comune, sans y joindre ou sans en exclure les idées accessoires, on peut employer indistinctement l'un ou l'autre de ces mots, puisqu'ils

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sont tous deux propres à exprimer ce qu'on veut faire entendre; mais cela n'empêche pas que chacun d'eux n'ait une force particulière qui le distingue de l'autre, et à laquelle il faut avoir égard selon le plus ou le moins de précision que demande ce que l'on veut exprimer.

Ce choix est un éfet de la finesse de l'esprit, et supose une grande conoissance de la langue.

DISSERTATION

SUR

LA PRONONCIATION

E T SUR

L'ORTOGRAPHE DE LA LANGUE FRANÇOISE,

Où l'on examine s'il faut écrire français, au lieu de françois,

A Mr** *.

A VIS.

On a été obligé de se conformer jusqu'ici à l'orthographe particulière de Du Marsais, pour respecter ses vues et son systéme : les Ouvrages précédens sont donc publiés dans cette édition, tels qu'ils furent successivement imprimés sous les yeux de l'auteur. Quant à ceux qui vont suivre et dont une partie n'a point paru du vivant de Du Marsais > on a cru plus convenable d'adopter dans leur publication l'orthographe communément usitée aujourd'hui.

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