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lant d'un marchand d'esclaves, s'exprime en ces termes : Hómini ( si leno est homo ) quantum hóminum terra sústinet, sacérrimo.

On peut encore raporter à l'euphémisme ces périphrases ou circonlocutions, dont un orateur délicat envelope habilement une idée, qui, toute simple, exciteroit peut-être dans l'esprit de ceux à qui il parle, une image ou des sentimens peu favorables à son dessein principal. Cicéron n'a garde de dire au sénat, que les domestiques de Milon tuèrent Clodius (1): «Ils firent, dit-il, ce que tout maître eût >> voulu que ses esclaves eussent fait en pareille >> ocasion ». De même, lorsqu'on ne done pas à un mercénaire tout l'argent qu'il demande, au lieu de dire, je ne veux pas vous en doner davantage, souvent on lui dit, par euphémisme, je vous en donerai davantage une autre fois; cela se trouvera : je chercherai les ocasions de vous récompenser, etc.

(1) Fecérunt id servi Milónis.... quod suos quisque servos in tali re fácere voluisset.

Cic. pro Milone, num. 29.

XVI.

X V I.

L'ANTIP H R AS E.

;

L'EUPHE 'EUPHÉMISME et l'ironie ont doné lieu aux grammairiens d'inventer une figure qu'ils apèlent antiphrase, c'est-à-dire, contre-vérité par exemple: la mer noire sujète à de fréquens naufrages, et dont les bords étoient habités par des homes extrêmement féroces, étoit apelée Pont-Euxin, c'est-à-dire, mer favorable à EUBELVOS, ses hôtes, mer hospitalière. C'est pourquoi qui exerce Ovide a dit que le nom de cette mer étoit un l'hospitalité.

menteur.

Quem tenet Euxíni, mendax cognómine, littus.
Et ailleurs: Pontus, Euxíni falso nómine dictus.

hospitális,

Ovi. Trist

1.5. Eleg.

IO', v. 13.

Idem 1. 3.

Sanctius et quelques autres ne veulent point El.13,v.ult. mèt. e l'antiphrase au rang des figures. Il y a en éfet je ne sai quoi d'oposé à l'ordre naturel, de nomer une chose par son contraire, d'apeler lumineux un objet, parce qu'il est obscur; l'antiphrase ne satisfait pas l'esprit.

Malgré les mauvaises qualités des objets, les anciens qui personifioient tout, leur donoient quelquefois des noms flateurs, come pour se rendre favorables, ou pour se faire un bon augure, un bon présage.

Ainsi c'étoit par euphémisme, par superstition, et non par antiphrase, que ceux qui aloient à la mer que nous apelons aujourd'hui la mer noire, la nomoient mer hospitalière, Tome III. Ꮮ

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Ευμενεῖς.

Poësies

c'est-à-dire, mer qui ne nous sera point fu neste, qui nous sera propice, où nous serons bien reçus; mer qui sera pour nous une mer hospitalière, quoiqu'elle soit comunément pour les autres une mer funeste.

Les trois déesses infernales, filles de l'Erèbe et de la Nuit, qui, selon la fable, filent la trame de nos jours, étoient apelées les Parques; de l'adjectif parcus, quia parcè nobis vitam tribuunt. Chacun trouve qu'elles ne lui filent pas assez de jours. D'autres disent qu'elles ont été ainsi apelées, parce que leurs fonctions sont partagées; Parcæ, quasi partitæ.

Clotho colum rétinet, Láchesis net, et Atropos

occat.

Ce n'est donc point par antiphrase, quia némini parcunt, qu'elles ont été apelées Parques.

Les furies, Alecto, Tisiphone et Mégère, ont été apelées Euménides, du grec eumeneis, benévola, douces, bienfesantes. La comune opinion est que ce nom ne leur fut doné qu'après qu'elles eurent cessé de tourmenter Oreste qui avoit tué sa mère. Ce prince fut, dit-on, le premier qui les apela Euménides. Ce sentiment est adopté par le P. Sanadon. D'autres prétendent que les furies étoient apelées Euménides T. 1, page long-tems avant qu'Oreste vint au monde ; mais d'ailleurs cette aventure d'Oreste est remplie de tant de circonstances fabuleuses, que j'aime mieux croire qu'on a apelé les furies Euménides par euphémisme, pour se les rendre favorables. C'est ainsi qu'on traite tous les jours de bones et de bienfesantes les persones les plus

d'Horace,

458.

aigres et les plus dificiles dont on veut apaiser l'emportement, ou obtenir quelque bienfait.

On dit encore qu'un bois sacré est apelé lucus, par antiphrase; car ces bois étoient fort sombres, et lucus vient de lucére, luire ; mais si lucus vient de lucére, c'est par une raison contraire à l'antiphrase; car come il n'étoit pas permis, par respect, de couper de ces bois, ils étoient fort épais, et par conséquent fort sombres; ainsi le besoin, autant que la superstition, avoit introduit l'usage d'y alumer des flambeaux.

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v. Manáre,

Manes, les manes c'est-à-dire, les ames des morts, et dans un sens plus étendu, les habitans des enfers, est encore un mot qui a doné lieu à l'antiphrase. Ce mot vient de l'ancien adjectif manus dont on se 'servoit au Festus lieu de bonus. Ceux qui prioient les manes, mane. les apeloient ainsi pour se les rendre favorables. Nonius c. 1, Vos & mihi manes este boni; c'est ce que n. 337. Virgile fait dire à Turnus. Ainsi, tous les ling. lat. 1. exemples dont on prétend autoriser l'antiphrase, 5, initio.. se raportent, ou à l'euphémisme, ou à l'ironie; Virg. En. come quand on dit à Paris, c'est une muéte des hales, c'est-à-dire, une femme qui chante pouille, une vraie harangère des hales; muète est dit alors par ironie.

Varr. de

12, v. 647.

περίφρασις, Οι

Circumlo

cutio. περὶ,

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UINTILIEN met la périphrase au rang des tropes (1); en éfet, puisque les tropes tiènent la circum. place des expressions propres, la périphrase op, dico. est un trópe, car la périphrase tient la place, ou d'un mot, ou d'une phrase.

Nous avons expliqué dans la première partie de cette grammaire, ce que c'étoit qu'une phrase: c'est une expression, une manière de parler, un arangement de mots, qui fait un sens fini ou non fini.

La périphrase ou circonlocution est un assemblage de mots qui expriment en plusieurs paroles ce qu'on auroit pu dire en moins, et souvent en un seul mot; par exemple : le vainqueur de Darius, au lieu de dire, Alexandre; l'astre du jour, pour dire le soleil.

On se sert de périphrases, ou par bienséance, ou par un plus grand éclaircissement, ou pour l'ornement du discours, ou enfin par nécessité.

1o. Par bienséance, lorsqu'on a recours à la périphrase pour enveloper les idées basses ou peu honêtes. Souvent aussi, au lieu de se servir d'une expression qui exciteroit une image trop

(1) Plúribus autem verbis cumid quod uno aut paucióribus certè, dici potest, explicátur, piopativ, VOcant, circuitum loquéndi.

QUINT. Inst. Or. l. vii, c.6, de Tropis.

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