teurs de la simple vérité aiment bien mieux avouer qu'ils ignorent, que de fixer ainsi leur esprit à des illusions. Les chercheurs de la pierre philosophale s'expriment aussi par allégorie dans leurs livres ; ce qui done à ces livres un air de mystère et de profondeur que la simplicité de la vérité ne pouroit jamais leur concilier. Ainsi ils couvrent sous les voiles mystérieux de l'allégorie, les uns leur fourberie, et les autres leur fanatisme, je veux dire leur fole persuasion. En éfet, la nature n'a qu'une voie dans ses opérations, voie unique que l'art peut contrefaire à la vérité, mais qu'il ne peut jamais imiter parfaitement. Il est aussi impossible de faire de l'or par un moyen diférent de celui dont la nature se sert pour former l'or, qu'il est impossible de faire un grain de blé d'une manière diférente de celle qu'elle emploie pour produire le blé. Le terme de matière générale n'est qu'une idée abstraite qui n'exprime rien de réel, c'està-dire, rien qui existe hors de notre imagination. Il n'y a point dans la nature une matière générale dont l'art puisse faire tout ce qu'il veut: c'est ainsi qu'il n'y a point une blancheur générale d'où l'on puisse former des objets blancs. C'est des divers objets blancs qu'est venue l'idée de blancheur, come nous l'expliquerons dans la suite, et c'est des divers corps particuliers, dont nous somes afectés en tant de manières diférentes, que s'est formée en nous l'idée abstraite de matière générale. C'est passer de l'ordre idéal à l'ordre physique, que d'imaginer un autre systême. Les énigmes sont aussi une espèce d'allégorie: nous en avons de fort belles en vers françois. L'énigme est un discours qui ne fait point connoître l'objet à quoi il convient, et c'est cet objet qu'on propose à deviner. Ce discours ne doit point renfermer de circonstance qui ne conviène pas au mot de l'énigme. Observez que l'énigme cache avec soin ce qui peut la dévoiler; mais les autres espèces d'allégories ne doivent point être des énigmes, elles doivent être exprimées de manière qu'on puisse aisément en faire l'aplication. ES X II I. L'ALLUSION. Allådere. Les allusions et les jeux de mots ont encore R.za, et lu- du raport avec l'allégorie. L'allégorie présente dere. Henriade, chant 7. un sens et en fait entendre un autre; c'est ce Ton roi, jeune Biron, te sauve enfin la vie ; Ce dernier vers fait allusion à la malheureuse Voiture étoit fils d'un marchand de vin. Un jour qu'il jouoit aux proverbes avec des dames, Hist. de madame des Loges lui dit: Celui-là ne vaut l'Acad. t. 1, rien, percez-nous en d'un autre. On voit que P. 277. cette dame fesoit une maligne allusion aux toneaux de vin; car percer se dit d'un toneau, et non pas d'un proverbe ; ainsi, elle réveilloit malicieusement dans l'esprit de l'assemblée le souvenir humiliant de la naissance de Voiture. C'est en cela que consiste l'allusion; elle réveille les idées accessoires. A l'égard des allusions qui ne consistent que dans un jeu de mots, il vaut mieux parler et écrire simplement que de s'amuser à des jeux Grammáticam scivit, multos docúitque per annos; Vous voyez que l'auteur joue sur la double si- Il sut la grammaire, il l'enseigna pendant plusieurs années, et cependant, il ne put décliner le mot túmulus. Selon cette traduction, la pensée est fausse; car Despautère savoit fort bien décliner túmulus. Que si l'on ne prend point túmulus matérièlement, et qu'on le prène pour ce qu'il signifie, c'est-à-dire, pour le tombeau, et par métonymie pour la mort, alors il faudra traduire que, malgré toute la conoissance que Despautère avoit de la grammaire, il ne put éviter la mort ce qui n'a ni sel, ni raison; car on sait bien que la grammaire n'exente pas de la nécessité de mourir. La traduction est l'écueil de ces sortes de pensées. Quand une pensée est solide, tout ce qu'elle a de réalité se conserve dans la traduction; mais quand toute sa valeur ne consiste que dans un jeu de mots, ce faux brillant se dissipe par la traduction. Ce n'est pas toutefois qu'une muse un peu fine Boileau, Art. Poët. chant 2. Giles Ro bin, natifdu l'acad mie. Dans le placet que M. Robin présenta au roi S. Esprit, de pour être maintenu dans la possession d'une d'Arles. Poësies de Malherbe, 1. vi. L. 2, pag. 25. île qu'il avoit dans le Rhône, il s'exprime en ces termes : Qu'est-ce en éfet pour toi, grand monarque des Qu'un peu de sable et de gravier ? Que faire de mon île? Il n'y croît que des saules; Saules est pris dans le sens propre, et laurier Les allusions doivent être facilement aperçues. Celles que nos poëtes font à la fable sont défectueuses, quand le sujet auquel elles ont raport n'est pas conu. Malherbes, dans ses stances à M. du Périer pour le consoler de la mort de sa fille, lui dit : Tithon n'a plus les ans qui le firent cigale, Sans égard du passé les mérites égale Il L'auteur du poëme de la Madeleine, dans une apostrophe à l'amour profane, dit, parlant de Jésus-Christ: Puisque cet Antéros t'a si bien désarmé : Le |