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» de la justesse, ne peuvent s'assouvir d'hyper» boles», dit M. de la Bruyère.

Excepté quelques façons de parler comunes et proverbiales, nous usons très rarement d'hyperboles en françois. On en trouve quelques exemples dans le style satyrique et badin, et quelquefois même dans le style sublime et poëtique : Des ruisseaux de larmes coulèrent Fléchier. des yeux de tous les habitans.

Oraison fu

nebre de M.

« Les Grecs (1) avoient une grande passion de Turene. » pour l'hyperbole, come on le peut voir dans Exorde. » leur anthologie, qui en est toute remplie.

» Cette figure est la ressource des petits esprits
» qui écrivent pour le bas peuple. »'

Juvénal élevé dans les cris de l'école,
Poussa jusqu'à l'excès sa mordante hyperbole.

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<< Mais quand on a du génie et de l'usage du » monde, on ne se sent guère de goût pour ces >> sortes de pensées fausses et outrées »>.

(1) Traité de la vraie et de la fausse beauté dans les ouvrages d'esprit. C'est une traduction que Richelet nous a dónée de la dissertation que messieurs de P. R. ont mise à la tête de leur Deléctus Epigrammatum.

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Boil. Art.

poëtique, chant. x.

Αποτύ

πωσις :

ὑποτυπόω,

delineo :

I X.

L'HY POTY POS E.

L'HYPOTYPOSE est un mot grec qui signifie image, tableau. C'est lorsque, dans les descripExemplar. tions, on peint les faits dont on parle, come si ce qu'on dit étoit actuèlement devant les yeux ; on To sub, TU- montre, pour ainsi dire, ce qu'on ne fait que To figúro. raconter; on done, en quelque sorte, l'original pour la copie, les objets pour les tableaux : vous en trouverez un bel exemple dans le récit de la mort d'Hippolyte.

Rac. Phè

arc. act. v, ,sc. 6.

Cependant, sur le dos de la plaine liquide,
S'élève à gros bouillons une montagne humide;
L'onde aproche, se brise, et vomit à nos yeux
Parmi les flots d'écume, un monstre furieux;
Son front large est armé de cornes menaçantes,
Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes;
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux :
Ses longs mugissemens font trembler le rivage;
Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage;
La terre s'en émeut, l'air en est infecté,
Le flot qui l'aporta recule épouvanté.

Ce dernier vers a paru afecté; on a dit que les flots de la mer aloient et venoient sans le motif de l'épouvante, et que, dans une ocasion aussi triste que celle de la mort d'un fils, il ne convenoit point de badiner avec une fiction aussi peu naturèle. Il est vrai que nous avons plusieurs exemples d'une semblable prosopopée; mais il

est mieux de n'en faire usage que dans les ocasions où il ne s'agit que d'amuser l'imagination, et non quand il faut toucher le cœur. Les figures qui plaisent dans un épithalame, déplaisent dans une oraison funèbre ; la tristessé doit parler simplement, si elle veut nous in- Poet. v. 97. téresser mais revenons à l'hypotypose.

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Remarquez que tous les verbes de cette narration sont au présent, l'onde aproche, se brise,etc.,c'est ce qui fait l'hypotypose, l'image, la peinture; il semble que l'action se passe sous

vos yeux.

M. l'abé Ségui, dans son panégyrique de S. Louis, prononcé en présence de l'académie françoise, nous fournit encore un bel exemple d'hypotypose, dans la description qu'il fait du départ de S. Louis, du voyage de ce prince, et de son arivée en Afrique.

Hor. Art,

Panég. de

« Il part baigné de pleurs, et comblé des » bénédictions de son peuple : déjà gémissent s. Louis, en » les ondes sous le poids de sa puissante flote; 1729, p. 22. déjà s'ofrent à ses yeux les côtes d'Afrique; » déjà sont rangées en bataille les innombrables » troupes des Sarasins. Ciel et terre, soyez » témoins des prodiges de sa valeur. Il se jette » avec précipitation dans les flots, suivi de son » armée que son exemple encourage, malgré >> les cris éfroyables de l'énemi furieux, au >> milieu des vagues et d'une grêle de dards » qui le couvrent il s'avance come un géant >> vers les champs où la victoire l'apèle: il prend >> terre, il aborde, il pénètre les bataillons épais » des barbares; et couvert du bouclier invi»sible du dieu qui fait vivre et qui fait mourir, >> frapant d'un bras puissant à droite et à gau

» che, écartant la mort, et la renvoyant à » l'énemi, il semble encore se multiplier dans » chacun de ses soldats. La terreur que les infi» dèles croyoient porter dans les cœurs des » siens, s'empare d'eux-mêmes. Le Sarasin »éperdu, le blasphème à la bouche, le déses» poir dans le cœur, fuit, et lui abandone le >> rivage ».

Je ne mets ici cette figure au rang des tropes, que parce qu'il y a quelque sorte de trope à parler du passé come s'il étoit présent; car d'ailleurs les mots qui sont employés dans cette figure, conservent leur signification propre. De plus, elle est si ordinaire, que j'ai cru qu'il n'étoit pas inutile de la remarquer ici.

7

LA

:

X.

METAPHOR E.

Μεταφέρω.

Transfero.

La métaphore est une figure par laquelle on Moragope, transporte, pour ainsi dire, la signification translatio propre d'un nom à une autre signification, qui Merapi poo. ne lui convient qu'en vertu d'une comparaison qui est dans l'esprit. Un mot pris dans un sens métaphorique, perd sa signification propre, et en prend une nouvèle qui ne se présente à l'esprit que par la comparaison que l'on fait entre le sens propre de ce mot, et ce qu'on lui compare par exemple, quand on dit que le mensonge se pare souvent des couleurs de la vérité, en cette phrase, couleurs n'a plus sa signification propre et primitive; ce mot ne marque plus cette lumière modifiée qui hous fait voir les objets ou blancs, ou rouges, où jaunes, etc. il signifie les dehors, les dparences; et cela par comparaison entre le sens propre de couleurs,' et les dehors que prend un home qui nous en impose sous le masque de la sincérité. Les couleurs font conoître les objets sensibles, elles en font voir les dehors et les aparences: un home qui ment, imite quelquefois si bien la contenance et les discours de celui qui ne ment pas, que lai trouvant' les mêmes dehors, et, pour ainsi dire, les mêmes couleurs, nous croyons qu'il nous dit la vérité! ainsi come nous jugeons qu'un objet qui nous paroît blanc est blanc, de même nous somes

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