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LE PÊCHEUR.

Sous ces saules touffus, dont le feuillage sombre A la fraîcheur de l'eau joint la fraîcheur de l'ombre,

Le Pêcheur patient prend son poste sans bruit,
Tient sa ligne tremblante et sur l'onde la suit.
Penché, l'œil immobile, il observe avec joie
Le liége qui s'enfonce et le roseau qui ploie.
Quel imprudent, surpris au piége inattendu,
A l'hameçon fatal demeure suspendu ?
Est-ce la truite agile, ou la carpe dorée,
Ou la perche étalant sa nageoire pourprée ;
Ou l'anguille argentée, errant en longs anneaux
Ou le brochét glouton, qui dépeuple les eaux.

LE CHASSEUR AUX OISEAUX.

Aux habitans de l'air faut-il livrer la guerre,
Le Chasseur prend son tube l'image du tonnerre;
Il l'élève au niveau de l'œil qui le conduit:
Le coup part, l'éclair brille, et la foudre la suit.
Quels oiseaux va percer la grêle meurtrière:
C'est le vaneau plaintif, errant sur la bruyère,
C'est toi, jeune alouette, habitante des airs!
Tu meurs en préludant à tes tendres concerts.
Mais pourquoi célébrer cette lâche victoire,
Ces triomphes sans fruits et ces combats sans
gloire?

O Muse, qui souvent, d'une si douce voix,
Imploras la pitié pour les chantres des bois,

on a level with; apprêts de guerre, warlike preparations; pre

Ah! dévoue à la mort, l'animal dont la tête Présente à notre bras une digne conquête ; L'ennemi des troupeaux, l'ennemi des moissons. Mais quoi? du cor bruyant j'entends déjà les sons.

LA CHASSE AU CERF.

A ces apprêts de guerre, au bruit des combattans,
Le Cerf frémit, s'étonne, et balance long-temps.
Il hésite long-temps: la peur enfin l'emporte;
Il part, il court, il vole: un moment le transporte
Bien loin de la forêt, et des chiens, et du cor.
Le coursier, libre enfin, s'élance et prend l'essor:
Sur lui l'ardent chasseur part comme la tempête,
Se penche sur ses crins, se suspend sur sa tête.
perce les taillis, il rase les sillons,

Il

;

Et la terre sous lui roule en noirs tourbillons.
Cependant le cerf vole, et les chiens sur sa voie.
Suivent ces corps légers que le vent leur envoie
Partout où sont ses pas sur le sable imprimés,
Ils attachent sur eux leurs naseaux enflammés :
Alors le cerf tremblant, de son pied, qui les
guide

Maudit l'odeur traîtresse et l'empreinte perfide.
Poursuivi, fugitif, entouré d'ennemis,

Enfin dans son malheur il songe à ses amis.
Jadis, de la forêt dominateur superbe,

S'il rencontre des cerfs errans en paix sur l'herbe,
Il vient au milieu d'eux, humiliant son front,
Leur confier sa vie et cacher son affront.

Mais, helas! chacun fuit sa présence importune, Et la contagion de sa triste fortune.

sence importune, unwelcome presence; triste fortune, evil

T

Il revoit ces grands bois si chers à sa mémoire,
Où, cent fois, il goûta les plaisirs et la gloire,
Quand les bois, les rochers, les antres d'alentour,
Répondaient à ses cris et de guerre et d'amour.
Du son lointain, des cors bientôt épouvanté,
Il part, rase la terre; ou vieilli dans la feinte,
De ses pas, en sautant, il interrompt l'empreinte;
Ou, tremblant et tapi loin des chemins frayés,
Veille et promène au loin ses regards effrayés.
Alors, las de trainer sa course vagabonde,
De la terre infidèle il s'élance dans l'onde,
Et change l'élément, sans changer de destin.
Avide et réclamant son barbare festin,
Bientôt vole après lui, de sueur dégoûtante,
Brûlante de fureur et de soif haletante,

La meute aux cris aigus, aux yeux étincelans,
L'onde à peine suffit à leurs gosiers brûlans :
Mais à leur fier instinct d'autres besoins com-
mandent,

C'est de sang qu'ils ont soif, c'est du sang qu'ils demandent.

Alors, désésperé, sans amis, sans secours,
A la fureur, enfin, sa faiblesse a recours.
Mais, enfin, las de perdre une inutile addresse,
Terrible, il se ranime, il s'avance, il se dresse,
Soutient seul, mille assauts; son généreux cour-

roux

Réserve aux plus vaillans ses plus terribles coups. Sur lui seul, à-la-fois tous ses ennemis fondent; Leur morsures, leurs cris, leur rage se confondent. Il lutte, il-frappe encore; efforts infructueux! fortune; vieilli dans la feinte, grown old in cunning; l'empreinte, the traces; tapi, hidden; chemins frayés, beaten tracks; dégoutante, dripping; haletante, panting; il se dresse,

Helas! que lui servit son port majestueux,
Et sa taille élégante et ses rameaux superbes,
Et ses pieds qui volaient sur la pointe des herbes?
Il chancelle; il succombe, et deux ruisseaux de
pleurs,

De ses assassins même, attendrissent les cœurs.

LE DÉLUGE.

Autrefois, disent-ils, un terrible déluge,
Laissant l'onde sans frein, et l'homme sans refuge,
Répandit, confondit en une vaste mer,

Et les eaux de la terre, et les torrens de l'air;
Où s'élevaient des monts, étendit des campagnes ;
Où furent des vallons, éleva des montagnes;
Joignit deux continens dans les mêmes tombeaux;
Du globe déchiré, dispersa les lambeaux ;
Lança l'eau sur la terre, et la terre dans l'onde ;
Et roula le chaos sur les débris du monde.
De là ces grands amas dans la terre enfermés,
Ces bois, noirs alimens des volcans enflammés,
Et ces énormes lits, ses couches intestines,
Qui d'un monde sur l'autre entassent les ruines.

L'OURAGAN.

Tantôt de l'ouragan c'est le cours furieux. Terrible il prend son vol, et dans des flots de poudre,

Part, conduisant la nuit, la tempête et la foudre ;

he draws himself up; que lui servit, what availed to him; ses rameaux superbes, his proud antlers; couches, strata; conduisant, introducing; en se jouant, in sport; refoule, turns

Balaye, en se jouant, et forêt et cité;
Refoule dans son lit, le fleuve épouvanté ;
Jusqu'au sommet des monts, lance la mer pro-
fonde,

Et tourmente en courant les airs, la terre et l'onde.
Delà, ces autres champs, ces champs ensevelis,
Ces monts changeant de place et ces fleuves de
lits;

Et la terre, sans fruits, sans fleurs, et sans verdure, Pleure en habit de deuil sa riante parure.

LE VOLCAN.

Non moins impétueux et non moins dévorans,
Les feux ont leur tempête, et l'Etna ses torrens.
La terre, dans son sein, épouvantable gouffre,
Nourrit de noirs amas de bitume et de souffre,
Enflamme l'air et l'onde, et de ses propres flancs
Sur ses fruits et ses fleurs vomit des flots bouillans:
Emblème trop frappant des ardeurs turbulentes,
Dans le volcan de l'âme incessament brûlantes,
Et qui, sortant soudain de l'abyme des cœurs,
Dévorent de la vie, et les fruits et les fleurs !
Ces rocs, tout calcinés, cette terre noirâtre,
Tout d'un grand'incendie annonce le théâtre.
Là grondait un volcan; ses feux sont assoupis;
Flore y donne des fleurs et Céres des épis.
Sur l'un de ses côtés son désastre s'efface,
Mais la pente opposée en garde encor la trace.
C'est ici que la lave en longs torrens coula :
Voici le lit profond, où le fleuve roula;

back; lance, shoots; pleure, laments; sortant, proceeding;

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