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Mais, helas! que d'un vol rapide,
Ils viennent, ces jours orageux,
Où le sort, et l'amour perfide

Vont porter de trouble en nos jeux.
Moi, qui des goûts de la nature,
Garde encor la simplicité ;
Avec une âme douce et pure
Quels soins ne m'ont agité.

Amours trompeuses ou legères;
Parens ravis à mon amour;
Mille espérances mensongères
Détruites, helas! sans retour.

Heureux enfant ! que je t'envie
Ton innocence et ton bonheur !
Ah! garde bien toute ta vie,

La paix qui régne dans ton cœur.

Si du sort l'aveugle caprice,
Me garde quelque trait nouveau ;
Je viendrai de son injustice
Me consoler à ton berceau.

Et tes caresses, et tes charmes,
Et ta douce sécurité ;

A mon cœur en proie aux alarmes,
Rendront quelque sérénité.

Que ne peut l'image touchante,

Du seul âge heureux parmi nous ;
Ce jour peut-être, où je le chante,
De mes jours est-il le plus doux.

bindest us; et jusqu'à la, and even to; que d'un, with what; re

Heureux enfant ! que je t'envie
Ton innocence, et ton bonheur $
Ah! garde bien toute ta vie

La paix qui régne dans ton cœur.

Berquin.

AUGUSTE, QUI VIENT DE DÉCOUVRIR LA
CONJURATION DE CINNA.

Ciel à qui voulez vous désormais que je fie
Les secrets de mon âme et les soins de ma vie?
Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis,
Si donnant des sujets, il ôte des amis.

Si tel est le destin des grandeurs souveraines, Que leurs plus grands bienfaits n'attirent que des haines.

Et si vôtre rigueur les condamne à chérir
Ceux que vous animez à les faire périr,

Pour elles rien n'est sûr: qui peut tout, doit tout craindre;

Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre.

Quoi tu veux qu'on t'épargne et n'as rien épargné?

Songe au fleuves de sang où ton bras s'est baigné. De combien ont rougi les champs de Macédoine, Combien en a versé la défaite d'Antoine?

Combien celle de Sexte; et revois tout d'un temps

Pérouse au sien noyée, et tous ses habitans. Remets dans ton esprit, après tant de carnages, De tes proscriptions les sanglantes images;

prenez, take back; il ôte des amis, it deprives me of friends; remets donc, recall to ; des tiens, of thy own friends; n'as pas

Où toi-même, des tiens devenu le bourreau,
Au sein de ton tuteur enfonças le couteau ;
Et puis ose accuser le destin d'injustice,
Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton
supplice.

Et que, par ton exemple, à ta perte guidés,
Ils violent les droits que tu n'as pas gardés!
Leur trahison est juste, et le ciel l'autorise.
Quitte ta dignité comme tu l'as acquise;
Rends un sang infidéle à l'infidélité,

Et souffre des ingrats, après l'avoir été.
Mais que mon jugement, au besoin, m'abandonne!
Quelle fureur, Cinna, m'accuse et te pardonne;
Toi, dont la trahison me force à retenir

Ce pouvoir souverain, dont tu veux me punir;
Me traite en criminel, et fait seul mon crime,
Reléve, pour l'abattre, un trône légitime,
Et d'un zéle effronté couvrant son attentat,
S'oppose, pour me perdre, au bonheur de l'état !
Donc jusqu'à l'oublier, je pourrais me contraindre!
Tu vivrais en repos après m'avoir fait craindre!
Non, non, je me trahis moi-même d'y penser !
Qui pardonne aisément, invite à l'offenser.
Punissons l'assassin, proscrivons les complices !
Mais quoi! toujours du sang et toujours des
supplices;

Ma cruauté se lasse, et ne peut s'arrêter!
Je veux me faire craindre, et ne fais qu'irriter.
Rome a pour ma ruine une hydre trop fertile;
Une tête coupée en fait renaître mille;
Et le sang repandu de mille conjurés,

Rend mes jours plus maudits, et non pas plus assurés.

gardés, hast not respected: effronté, shameless; dérobe-lui,

Octave! n'attends plus le coup d'un nouveau

Brute,

Meurs, et dérobe-lui la gloire de ta chute; Meurs; tu ferais pour vivre un lâche et vain effort,

Si tant de gens de cœur font des vœux pour ta mort,

Et si tout ce que Rome a d'illustre jeunesse, Pour te faire périr, tour à tour, s'intéresse. Meurs, puisque c'est un mal que tu ne peux

guérir;

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Meurs enfin, puisqu'il faut ou tout perdre ou mourir.

La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste
Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste.
Meurs; mais quitte la vie du moins avec éclat;
Eteins-en le flambeau dans le sang de l'ingrat:
A toi-même, en mourant, immole ce perfide;
Contentant ses desirs, punis ce parricide;
Fais un tourment pour lui de ton propre trépas,
En faisant qu'il le voie et n'en jouisse pas,
Mais jouissons plutôt nous-mêmes de sa peine;
Et si Rome nous hait, triomphons de sa haine !
O Romains! ô vengeance! ô pouvoir absolu!
O rigoureux combat d'un cœur irrésolu !
Qui fuit en même temps tout ce qu'il se propose!
D'un prince malheureux, ordonnez quelque chose.
Qui des deux dois-je suivre, ou duquel m'éloigner?
Ou laissez-moi périr, ou laissez-moi régner!
P. Corneille.

wrest from him; gens de cœur, true hearted persons; et si tout ce, &c., and if all the illustrious youths of Rome; duquel m'éloigner, from which withdraw.

CHAP. IV,

ECLOGUE.

TABLEAU DE LA VIE CHAMPÊTRE.

Tircis, il faut penser à faire la retraite ;
La course de nos jours est plus qu'à demi faite ;
L'âge insensiblement nous conduit à la mort.
Nous avons assez vu sur la mer de ce monde
Errer au gré des vents notre nef vagabonde;
Il est temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune, est un bien pèrissable ;
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable;
Plus on est élevé, plus on court de dangers;
Les grands pins sont en butte aux coups de la
tempête,

Et la rage des vents brise plutôt le faîte

Des maisons de nos rois, que les toits des bergers.

Oh! bien heureux celui qui peut de sa mémoire,
Effacer, pour jamais, ce vain espoir de gloire,
Dont Pinutile soin traverse nos plaisirs;
Et qui, loin retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison, content de sa fortune,
A, selon son pouvoir, mesuré ses desirs.

Il laboure le champ que labourait son père ;
Il ne s'informe point de ce qu'on délibère

Au gré, at the pleasure; du port, of the haven; ses grands pins, the lofty pines; traverse, thwarts; laboure, cultivates;

S

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