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Ciel! cria-t-il encor, retranchez les années
Qui me séparent de mon bien.

Hâtez mes grandes destinées :
Hors de là je ne goute rien.

çà, dit le Sort, malgré ton imprudence
Je ferai mieux que tu ne veux.

C'en est fait ! tu vas être heureux;
Je te rends à ton ignorance.

Bon lot! bien à propos tout homme en fut pourvu,

Sans cela, notre impatience

Ferait un mal d'un bien prévu;
Et le mal nous tuerait d'avance.

La Motte.

LES DEUX POTIERS.

Certain potier blamait l'ouvrage

D'un potier son voisin, et disait que ses pots
Mal tournés ne seraient achetés que des sots;
Qu'il n'en était encor qu'à son apprentîssage;
Les uns étaient trop grands, les autres trop
petits.

Celui-ci repartit; halte-là, mon confrère;
Mes pots n'ont qu'un défaut, mais qui doit vous
déplaire;

C'est que

de votre moule, ils ne sont pas sortis. Richer.

mon bien, my happiness; hors de là, till then; goute, enjoy; bien propos, happily; tout, every; en fut pourvu, has been provided with it; ils ne sont pas sortis, they were not cast; de, in.

CHAP. III.

LE PONT DE LA VEUVE.

De la mère la plus tendre,
Je vais chanter les malheurs;
Bons fils, venez sur sa cendre
Répandre, avec moi, des pleurs.
Vous qui toujours en alarmes,
Vivez pour vos seuls enfans,
Bonnes mères que vos l'armes
Se mêlent à mes accens.
Au royaume de Valence,
Une veuve avait un fils;
Amour, bonheur, espérance,
Sur lui s'étaient réunies.
Jeune, riche, aimable, et belle,
A l'hymen se refusant;
Peut-on aimer, disait-elle,

Un autre que son enfant?
Un beau tournoi dans Valence,
Attirait maint chevalier;
L'enfant meurt d'impatience,
D'y montrer son beau coursier.
Sa mère y consent et pleure,
Et lui dit, en l'embrassant ;
Si tu ne veux que je meure,
Ne sois pas trois jours absent.

A l'hymen se refusant, refusing to marry; maint, many;

L'enfant part avec sa suite;
Bientôt il trouve un torrent;
Son coursier l'y précipite;
Les flots emportent l'enfant.
Pour le ramener à terre,

Efforts et secours sont vains.
Ah! trop malheureuse mère !
C'est toi surtout que je plains.
Un saint pasteur va chez elle,
Pour l'instruire de son sort ;
A cette âme maternelle,

Il donne le coup de mort.

Elle demeure accablée,

Par l'excès de ses douleurs ;
Sa vue est fixe et troublée,

Et ses yeux n'ont point de pleurs.

Sans proférer une plainte,

Renfermant tout dans son cœur,

Enfin d'une voix éteinte,

Elle dit au saint pasteur;

J'irai bientôt, je l'espère,

Près de ces funestes eaux;
Vous m'y conduirez, mon père,
J'y trouverai le repos.
Là, que ma fortune entière

D'un pont devienne le prix ;

A l'endroit de la rivière,

Où j'ai perdu mon cher fils.

l'enfant, the boy; saint pasteur, pious clergyman; `élevé,

Et qu'au moins dans ma misère,
Ce pont trop tard élevé,
Préserve toute autre mère
Du malheur que j'éprouvai,

Je veux qu'on porte ma bière
Parmi ces tristes roseaux ;
Qu'on la couvre d'une pierre
Où l'on gravera ces mots;
"Dans cette demeure affreuse,
"De mon corps sont les débris;
"Mais mon âme plus heureuse,
"Mon âme est avec mon fils."

Elle dit, et tombe morte.
On suivit sa volonté ;
Près du torrent on la porte;
Un pont s'élève à coté.

Ce pont, non loin de Valence,
Se fait encor admirer,

On le traverse en silence;
Et jamais sans y pleurer.

Florian.

L'ENFANT ENDORMI.

Heureux enfant ! que je t'envie,
Ton innocence et ton bonheur !

Ah! garde bien toute ta vie

La paix qui régne dans ton cœur !

built; suivit sa volonté, followed her directions; garde bien,

Tu dors: mille songes volages,
Amis paisibles du sommeil,
Te peignent de douces images
Jusqu'au moment de ton reveil.
Ton œil s'ouvre : tu vois ton père
Joyeux accourir à grands pas;
Il t'emporte au sein de ta mère ;
Tous deux te bercent dans leurs bras.

Espoir naissant de ta famille,

Tu fais son destin d'un souris ;
Que sur ton front la gaîté brille,
Tous les fronts sont épanouis.

Heureux enfant ! que je t'envie

Ton innocence et ton bonheur !
Ah! garde bien toute ta vie
La paix qui régne dans ton cœur.
Tout plait à ton âme ingénue;
Sans regrets, comme sans désirs ;
Chaque objet qui s'offre à ta vue
T'apporte de nouveaux plaisirs.
Si quelquefois ton cœur soupire,
Tu n'as point de longues douleurs ;
Et l'on voit ta bouche sourire

A l'instant où coulent tes pleurs.

Par le charme de la faiblesse,
Tu nous attaches à ta loi;
Et jusqu'à la froide vieillesse,

Tout s'attendrit autour de toi.

mayest thou preserve; songes volages, light dreams; à grands pas, with hasty steps; espoir naissant, rising hope; tu fais son destin, thou rulest its destiny; tu nous attaches, thou

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