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moyens de se pourvoir de plumes et de papier. Aujourd'hui il n'y a pas de rue dans laquelle cette marchandise ne se trouve.

Les villes libres n'étoient donc que le produit de l'enfance du commerce et de la civilisation. Elles étoient en Allemagne ce qu'étoient pour Paris les foires Saint-Ovide et Saint-Laurent. L'Allemagne a fait comme Paris, Paris comme l'Allemagne, et tout le monde a fait comme elles, en se civilisant comme elles. Toutes les villes sont devenues des foires en permanence, et le monde entier un magasin qui se remplit toujours pour pouvoir se vider toujours.

Les grandes foires ne conviennent plus qu'à cette espèce d'hommes qui, commerçant au loin, dans des pays dépourvus, sont obligés de se pourvoir pour long-temps des objets qu'ils

viennent chercher de loin. C'est ce qui a donné lieu aux grandes foires de Russie, à celles de Leipsick et de Beaucaire, qui attirent les négocians des parties les plus reculées de l'Europe et de l'Asie.

C'étoit sur ces principes que le Congrès devoit régler le sort des villes libres et anséatiques. Nous en indique. rons l'emploi.

CHAPITRE XXII.

Le Portugal. Malte.

VOILA deux états dont le sort ne se ressemble guère.

Malte a perdu sa souveraineté, et le Portugal son souverain.

L'Angleterre retient Malte, et se propose d'en faire l'entrepôt principal deson commerce dans la Méditerranée. Ses vaisseaux sauroient, en cas de besoin, la défendre contre toute l'Europe, aussi-bien que firent contre les Turcs les vaillans chevaliers qui humilièrent les armes de Soliman.

Cette occupation de Malte, si offensante pour les nations commerçantes

de l'Europe, ne sera bien appréciée qu'avec le temps.

Pendant la lutte contre la France, tout a paru bon, pourvu qu'on humiliât ou qu'on abattît ses chefs. Maintenant c'est le tour de la réflexion. On verra bientôt ce que c'est que Anglois à Malte.

les

L'occupation de Malte fait perdre à l'Ordre son chef-lieu, et ce qui lui donnoit son nom. En même temps cet Ordre a perdu ses biens dans quelques contrées; sa constitution ne peut plus cadrer avec celle de certains pays, et ne cadrera pas davantage avec celles que l'on tend à établir dans beaucoup d'autres. Comment, en effet, un état admettroit-il chez lui un Ordre souverain; permettroit-il à ses sujets de faire partie d'un Ordre étranger soúverain? Comment en tiendroit-il les portes fermées à quiconque ne pour

roit remplir certaines conditions d'admissibilité? Il est bien évident que le même état qui accordoit sa protection légale à cet ordre de choses quand il n'avoit pas de constitution, le refusera quand il en a une. D'un autre côté, l'Ordre ayant perdu tous ses biens dans de grands états, avec quoi pourvoir à son entretien, et faire trouver à ses membres les avantages qu'il leur procuroit? Ainsi, en France, l'Ordre de Malte ne retrouveroit pas plus d'un million de biens-fonds non vendus.

Ajoutons que, hors de Malte, l'Ordre perd la plus grande partie de son importance. Il y a des situations qui font le mérite d'un établissement; c'est le cas pour Malte. Sa position, au centre de la Méditerranée, faisoit de cette ile ce que le Mont-Cénis fait pour l'hospice qui reçoit les voyageurs,

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