silencieuse comme lui. Pendant la première guerre de la révolution, la Saxe avoit fourni les contingens déterminés par les lois de l'Empire. Elle profita, comme toute l'Allemagne septentrionale, des bienfaits de la démarcation prussienne, depuis 1796 jusqu'à 1801. La guerre de Prusse l'a précipitée dans l'abîme. C'est la troisième fois dans l'espace de soixante ans, que la même cause a eu pour elle les mêmes résultats. Le lendemain de la bataille d'Iéna, les Saxons combattoient dans les rangs de leurs ennemis de la veille. L'électeur de Saxe reçut de la main du vainqueur de la Prusse le titre qui, en Pologne, avoit si long-temps appartenu à ses aïeux. Le traité de Tilsitt le plaça à Varsovie comme grand-duc. Par là il se trouva à la fois avoir monté en Saxe et être descendu en Pologue. Là commencent ses malheurs et ceux

de la Saxe. Dans ce pays, qui est rempli d'hommes éclairés, on répugnoit généralement à cette possession du grand-duché de Varsovie. Les Saxons n'avoient pas oublié tout ce que leur avoient coûté deux règnes en Pologne. De son côté, le duché de Varsovie souffroit de l'absence du prince, de la lenteur qu'elle apportoit dans les affaires, de l'influence saxonne qui se faisoit sentir, et du partage d'attention que la division des deux pays devoit nécessairement produire. La Saxe et le Grand-Duché avoient une communauté de gouvernement sans communauté d'intérêts, ce qui est la pire des combinaisons, et ce qui faisoit que, quoiqu'étrangers l'un à l'autre, ils restoient cependant dans un état de subordination réciproque, autre source de dommages.

Par la création du duché de Var

sovie, Napoléon avoit voulu opposer la Saxe à la Prusse. Par la géographie, par toutes les circonstances de cet état, la Saxe est une province prussienne. sous un prince non prussien. Le roi de Saxe est à Dresde à peu près comme les rois d'Orléans étoient sous les rois de France de la première race.

Les possessions des deux états sont non pas seulement mêlées, mais pour ainsi dire brouillées.

Les Lusace coupent la Prusse de sa meilleure province, la Silésie. Les douanes prussiennes enveloppent la Saxe. La Prusse ayant ses principales guerres avec l'Autriche, la Saxe ne peut manquer de fournir les champs de bataille et le chemin des armées. Dans cette position, comment la Saxe auroit-elle une direction qui lui seroit propre? Elle est à la fois trop en dehors et trop en dedans de la Prusse, trop

séparée et trop dépendante des inté rêts de celle-ci. Il a fallu le long calme dont l'Allemagne a joui depuis la paix d'Hubersbourg, en 1763, pour que cet état fût supportable. La Saxe n'a subsisté si long-temps que parce que les rois de Prusse n'étoient encore qu'électeurs de Brandebourg: mais lorsque par une suite d'accroissemens dus au génie de ses princes, au bonheur des événemens, à la force des armes, la maison de Hohenzollern, si long-temps inférieure aux princes de Saxe, fut devenue beaucoup plus puis sante qu'eux, alors leurs rapports mutuels se trouvèrent changés. A propre. ment parler, depuis qu'il y a eu une grande Prusse, il n'y a plus eu de Saxe.

La Prusse est devenue une puissance prépondérante en Europe, nécessaire pour balancer l'Autriche, plus néces

saire encore pour contenir la Russie; elle est coupée dans ses possessions par une possession étrangère : cet état étranger, placé au cœur de la Prusse, est porté naturellement vers les ennemis de la Prusse; il leur appartient bien plus qu'à elle; et cependant, s'il est attaqué, n'est-ce pas à la Prusse à le défendre? Si, dans l'état actuel de l'approche de la Russie vers le corps de l'Europe, qui fait de la Prusse la sentinelle avancée de l'Europe, la Prusse vient à être attaquée par la Russie, l'interposition d'un état qui ne lui appartient pas n'affoiblira-t-elle pas beaucoup les moyens qu'elle doit avoir pour bien garder cette barrière? Si elle vient à être forcée du côté de la Saxe, à quoi aura servi à l'Europe de s'être tant agitée pour conserver ce qui devoit contribuer à la perdre? La Prusse étoit donc fondée dans un bon