du Pape sont aussi contraires à la décence qu'à la justice : ils blessent à la fois l'esprit et le coeur. Dans l'état que le catholicisme occupe dans le monde, il faut que tous les yeux soient frappés de l'éclat de son chef. Les rameaux de cet arbre superbe qui étend sur l'univers une ombre si bienfaisante, ne peuvent être supportés par une tige dépouillée. Le Pape doit être en Europe comme la tribu de Lévi dans Israël, exempt de toute atteinte de la guerre. On a commis une méprise continuelle avec le Pape on n'a jamais vu que son territoire; c'étoit au contraire du bon ordre de l'exercice de sa puissance spirituelle dont il falloit s'occuper.

A la suite de longues hésitations, le Congrès a prononcé le rétablissement de l'ancien roi de Naples. C'est à l'invasion de Napoléon que ce prince

en a l'obligation. Cet événement inattendu a dissipé les doutes et les nuages que des intérêts ou des affections particulières avoient rassemblés autour de certaines questions. Ainsi, le roi de Naples a été rétabli par celui qui l'avoit expulsé, à la différence de son compétiteur Murat, qui a été aussi détrôné par Napoléon, que luimême par sa défection avoit contribué si efficacement à renverser. Pauvre calculateur, qui ne voyoit pas qu'il n'étoit qu'un foible anneau d'une chaîne dont la rupture entraînoit nécessairement sa perte!

Si le retour du roi de Naples a comblé tous les voeux du prince et 'ceux de sa famille, s'il a de même comblé ceux de tous les hommes dont le cœur et l'esprit sont ouverts au sentiment des convenances et de l'intérêt dû à de grands malheurs, ce rétablis

sement est aussi devenu le principe d'un grand bien pour Naples et pour la Sicile. La division de la souveraineté des deux pays les rendoit ennemis. Tant qu'il y auroit eu des Murat à Naples, et des Bourbons à Palerme, les deux pays seroient restés en état d'hostilités permanentes. L'inimitié des souverains atteignoit les peuples en tout et à tout moment. Les deux pays sont trop rapprochés pour qu'avec les prétentions et les ombrages qui existoient entre les souverains respectifs, leur division ne devînt trèsnuisible à tous les deux. D'ailleurs, cette division gênant beaucoup les communications commerciales, elle auroit donné de nouvelles entraves au commerce de la Méditerranée, que les Barbaresques ne rendent déjà que trop difficile. Le rétablissement du roi de Naples n'est donc pas un bien pour

lui seul et pour sa famille, pour Naples et pour la Sicile; il est de plus un bienfait pour toute l'Europe, qui a le plus grand besoin de voir faciliter et élargir les voies du commerce. Désormais le navigateur pourra parcourir les côtes de Naples et de la Sicile, sans avoir à craindre de tomber de Carybde en Scylla.

C'est sous ce rapport général et européen que dès l'abord nous avons considéré cette question: aussi, n'est-ce pas sans quelque surprise que nous en avons inutilement cherché quelque trace dans la longue plaidoirie qui a eu lieu pour et contre Murat: tant il est vrai que nous vivons dans un temps où les idées générales ont peu d'empire, et où les questions d'intérêt public finissent par se résoudre en questions de famille ou de personnes.

CHAPITRE XX.

La Saxe et Naples.

Nous allons avoir à toucher des points

bien délicats. Notre désintéressement dans cette cause, la franchise avec laquelle nous nous sommes expliqués jusqu'ici nous mettra, il faut l'espérer, à l'abri de tout soupçon de partialité. Nous aimons à rappeler que c'est pour l'Europe et en européen que nous écrivons, sans aucune acception de personne ni de pays. Si nous avions pu nous laisser détourner de cette ligne d'inflexible impartialité, rien sans doute ne nous auroit rendu plus excusables que de céder à l'intérêt