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de bataille. La constance est la qualité distinctive de cette puissance. Elle s'engage difficilement, mais elle tient aux engagemens contractés : elle tient de même à ses projets; et c'est cette suite dans ses idées à travers les vicissitudes des temps, qui lui a donné les moyens d'étendre et d'affermir son Empire. L'Autriche a participé au changement général qu'a produit la révolution. On l'a vue déplacer sa puissance de la Belgique en Italie, se débarrasser de la couronne impériale comme d'un fardeau, et déposer ses ombrages contre la Prusse ce n'est plus de son côté que viennent les alarmes, mais de celui du Nord. L'Autriche comme la Prusse n'a plus d'autre ennemi.

pos

Depuis long-temps l'Autriche sentoit le fardeau des Pays-Bas. Cette session éloignée la compromettoit avec tout le monde, et lui coûtoit dans une

année de guerre plus qu'elle ne lui rendoit dans dix années de paix. Cet ordre de choses étoit intolérable; l'Autriche le sentoit bien; mais comme il n'est pas d'usage de céder son bien en pure perte, l'Autriche cherchoit où elle pouvoit trouver un dédommagement. En 1778, la France et la Prusse l'avoient empêchée de le prendre sur la Bavière. Elle ne pouvoit se dissimuler qu'elle rencontreroit toujours ces deux puissances sur son chemin, contre l'exécution de tout projet d'envahissement qu'elle pourroit former en Allemagne. L'Italie seule restoit. Elle s'y est précipitée suivant les occasions. Le traité de Campo-Formio lui donna. tout l'état vénitien; elle le perdit à Presbourg et à Vienne en 1809. Elle vient de le recouvrer, et avec lui la Lombardie, à laquelle elle a encore joint la Valteline et les vallées de Bor

mio et de Chiavenne. Elle a aussi acquis les îles de l'Adriatique.

Voilà donc l'Italie septentrionale devenue à-peu-près une propriété autrichienne, et l'Autriche écrasant ou protégeant le midi de l'Italie.

Ainsi l'Autriche règne directement ou par les siens depuis les frontières de la Russie et de la Turquie, jusqu'aux rivages de la Méditerranée. Jamais, depuis la séparation de la maison d'Autriche en deux branches celles d'Allemagne et d'Espagne, cette maison ne s'étoit élevée à un pareil degré de puissance. Elle a gagné à se désister de la couronne impériale, fleuron antique, mais inutile; honneur vide de réalité, et mêlé de beaucoup d'épines. L'Autriche ne doit guère regretter ses petites propriétés éparses dans le sein de l'Empire. Elle a acquis par l'ordre nouveau de ses posses

sions une contiguité et une consistance qu'elle n'avoit jamais eues. Maîtresse du littoral de l'Adriatique, depuis les bouches du Pô jusqu'à celles de Cattaro, elle trouvera dans cette prolongation de côtes, et dans la possession des îles de l'Adriatique, de grands moyens pour le commerce de ses états de Hongrie et d'Allemagne. D'un autre côté, son système s'est beaucoup simplifié en s'éloignant des Pays-Bas, elle n'a plus rien de commun avec le Nord, l'Angleterre, la Hollande, ni la France. Ses inimitiés avec la Prusse sont épuisées, et changées en surveillance commune de la Russie.

Elle n'a rien à craindre du côté des Turcs, gens pacifiques de leur nature, et qu'il faut aiguillonner long-temps avant de parvenir à les soulever. Ainsi, au lieu du grand nombre d'ennemis qu'elle avoit jadis, et du grand nombre

de points de contact qu'elle avoit avec d'autres états, l'Autriche n'en a plus qu'un véritable, qui est avec la Russie.

En considérant les dangers de ce voisinage, on se demande toujours comment l'Autriche a pu consentir à permettre à la Russie de passer la Vistule; car, en la franchissant, celle-ci touche à la Moravie, c'est-à-dire, aux portes de Vienne. Au lieu donc de s'élever, comme elle l'a fait, contre la réunion de la Saxe, l'Autriche devoit employer toutes ses forces de représentations, d'opposition et d'alliance, pour empêcher l'établissement à sa porte d'un pareil dommage. C'est que ses moyens étoient bien employés.

L'Italie autrichienne, après avoir été libre et indépendante, après avoir conçu de tout autres idées que celles qui lui avoient été permises jusque là,

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