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CHAPITRE XXX.

Dernier Traité.

L'ACTE qui règle les rapports de la France avec les puissance de l'Europe, ne faisant pas partie du Congrès de Vienne, nous n'avons pas eu à nous en occuper. D'ailleurs, le moment des grandes douleurs n'est pas celui qui prête le plus à la réflexion. Nous nous bornerons donc aux observations suivantes :

1o. Quelque profond et légitime que soit le deuil dont ce Traité couvre la France, cependant le malheur ne doit pas rendre injuste, en faisant retomber

sur le gouvernement qui l'a subi le blâme d'un acte dont il n'a pas créé la nécessité, et dont il n'a eu qu'à tempérer la rigueur. C'est à ceux qui en ont créé la dure nécessité qu'il faut en demander compte. Quel crime la France avoit-elle commis envers eux pour la réduire à cette extrémité?

2o. Le passage du rang que la France occupoit à l'abaissement dans lequel elle est tombée, est bien fait pour apprendre aux nations le danger de remettre sans réserve leurs destinées entre les mains d'un seul homme. La France étoit grande, victorieuse, maîtresse de la Belgique et de la rive gauche du Rhin antérieurement au 18 brumaire elle n'a jamais ambitionné autre chose; et, si elle a fait des pas au-delà, les vues personnelles de son chef l'y ont seules entraînée; car, s'il

n'a pas fait ses conquêtes sans la France, il les a faites malgré elle: elle a toujours été instrument et sujet, mais jamais objet dans tout ce qui a été entrepris. D'où cela provient-il? De ce que la France n'avoit pas de constitution. S'il avoit existé des institutions assez fortes pour empêcher que la France n'apprît par la gazette, un jour, que l'on étoit en guerre avec un tel prince, un autre jour, que telle maison avoit cessé de régner, la France, il est vrai, ne fût pas devenue conquérante, ce dont elle n'avoit pas besoin; mais aussi elle n'auroit pas été envahie deux fois, ce dont elle avoit encore moins besoin. Ce qu'il y avoit de constitution en France n'étant fait que pour donner du pouvoir au prince, il s'est trouvé libre de disposer à son gré des forces d'une nation vive, spirituelle, coura

geuse avec cela, on peut aller loin. Aussi y a-t-on été ; mais comment en est-on revenu? Une bonne constitution eût également prévenu et les victoires et les défaites : la France auroit des souvenirs moins éclatans, mais elle n'auroit pas un avenir si menaçant. Tous ces lauriers entassés par des princes guerriers cachent toujours aux yeux des nations des piéges ou des calamités. D'ailleurs, il n'est point d'excès qui n'ait un terme et un châtiment.

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3o. On trouve dans ce traité la justification des craintes que nous avons énoncées sur les inconvéniens du rapprochement des frontières prussiennes de celles de la France. Voilà la Prusse occupant Saar-Louis et les frontières de France qui touchent aux possessions qu'elle vient d'acquérir sur la Saar

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Cela provient du système qui l'a privée de la Saxe. Les fruits ne s'en sont pas fait attendre. La Prusse, placée à la porte de la France, a dû chercher à se munir contre les premiers coups que ce grand corps pouvoit lui porter dans une division de la monarchie si éloignée du coeur de l'état. Pour y parvenir, il lui falloit agrandir et for-1 tifier sa frontière; et, comme il n'y avoit que la France qui pût y contribuer, c'est à ses dépens que la Prusse s'est formé cette frontière qu'elle ne pouvoit pas prendre ailleurs. Elle n'a pas laissé échapper la première occasion de tirer à elle ce démembrement de la France, en attendant les bénéfices d'autres circonstances.

4°. Quelle que soit la somme des sacrifices imposés à la France, ils ne dépasseront pas ses forces, parce qu'ils ne

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