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CHAPITRE XVIII.

L'Empire.

L'EMPIRE n'a jamais répondu aux voeux des négociateurs de Westphalie. Destiné à balancer l'Autriche et la France, presque toujours il n'a été qu'un instrument dans leurs mains.

Une partie des querelles qui ont ensanglanté l'Allemagne étoient étrangères à la plupart des princes qui composoient cette aggrégation, qui avoit d'illustres souvenirs, mais aucune réalité de puissance.

L'abaissement de la Suède, l'élévation de la Prusse, l'apparition de la Russie, avoient changé l'état de l'Empire.

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Dans les grandes guerres de Louisxiv, l'Empire se divisa: ses princes cessèrent de se considérer comme membres du corps germanique pour agir comme souverains particuliers, suivant que leurs intérêts les portoient vers la France ou vers l'Autriche. Les électeurs de Bavière et de Cologne perdirent leurs états à ce métier pendant plusieurs années.

Dans la guerre à laquelle la succession de l'empereur Charles vi donna lieu, l'Empire ne fut ni plus sage ni plus uni. Une partie appela les François. Ceux-ci prodiguèrent les trésors et les hommes pour faire passer dans la maison de Bavière la couronne impériale, dont aujourd'hui personne ne veut : c'étoit la politique du temps.

Depuis le milieu du dernier siècle, la rivalité de l'Autriche et de la Prusse avoit scindé l'Empire. Il y avoit haut

et bas Empire: tout le nord de l'Allemagne, et dans le midi de cette contrée, tout ce qui craignoit l'Autriche, s'étoit attaché à la Prusse, comme à son protecteur naturel, sans observer l'ancienne distinction de ligue catholique ou protestante. C'est ce que l'on a vu dans la guerre de Bavière en 1778. Non-seulement il n'y avoit plus d'Empire, il n'y avoit même plus d'Allemands; car, depuis Frédéric, l'Allemagne ne comptoit plus, à proprement parler, que des Autrichiens ou des Prussiens; encore ces derniers étoient-ils en majorité.

L'Empire étoit un corps auguste, solennel, toujours agité, mais jamais agissant. Il sembloit voir un palais antique, incommode à habiter. Il a croulé en grande partie sous les coups de la révolution. Son chef l'a abandonné: une partie de ses membres ont cherché

leur recours ailleurs. Des cathégories entières d'autorités, telles que les électorats et les autres états ecclésiastiques, ont disparu; d'autres autorités ont passé à l'état ordinaire de sujets : l'Empire a donc cessé d'être, et c'est dans cet état que le Congrès l'a trouvé.

Il sembloit donc qu'il n'y avoit plus à s'occuper de lui, mais seulement du bon ordre des puissances qui entrent dans sa composition, ou plutôt qui occupent le territoire qui fut jadis l'Empire.

Ces puissances éprouvent aujourd'hui le double besoin de se garder également contre la France et contre la Russie, ainsi que de prévenir le retour des invasions de l'une, et le commencement de celles de l'autre; mais avec cette différence que, si l'une attaquoit son indépendance, l'autre pourroit bien menacer son existence.

Il falloit donc organiser l'Allemagne de manière à ce que la France et la Russie en fussent à jamais exclues. L'Allemagne n'a plus rien à redouter de l'ambition autrichienne ni prussienne. Au premier pas que l'une des deux hasarderoit, tous se déclareroient contre l'agresseur, et se verroient soutenus par la France et la Russie.

Une partie des souverains de l'Allemagne ont acquis des titres plus élevés que ceux dont ils jouissoient par le passé. C'est un mal pour la dignité du trône, dignité qui ne veut être ni prodiguée ni atténuée : la rareté fait le prix de beaucoup de choses, et c'est parce que les rois sont rares qu'ils sont honorés.

En même temps, cette multiplication des trônes devient un mal pour les sujets; car l'élévation du rang commande l'augmentation des dépenses:

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