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trois mois on n'a entendu parler que d'évaluations arithmétiques les plus humiliantes pour l'espèce humaine..

Cette inconvenance a été saisie

comme elle ne pouvoit manquer de l'être dans un temps où l'on est si fort exercé à rechercher les faces des questions, et toutes les nuances des paroles et des actions. Cette violation de la dignité de l'homme et des droits des nations en a réveillé le sentiment: on s'y est montré plus attaché à mesure qu'on les a vus plus oubliés ; et le courroux que l'outrage de cet oubli excitoit, s'est propagé plus loin et plus profondément que n'auroit fait la douleur de cessions, même plus étendues, si elles avoient été accompagnées de formes plus décentes.

En comptant par âmes, on a représenté la partie la plus noble de l'homme

comme l'objet matériel de la chose la 'moins noble, qui est d'être destinée à l'usage d'un autre. Ainsi, la révolution qui a débuté par l'opinion par tête, a fini par le partage des âmes.

CHAPITRE XXV.

Politique permanente de l'Europe.

Les principes généraux de la politique permanente de l'Europe se trouvent déjà indiqués dans les divers articles que nous venons de traiter: essayons de les réunir dans un même faisceau. Trois principes doivent diriger l'Eu

rope:

1o. Réunir ses forces, simplifier leur action, les organiser d'après les besoins et les convenances des peuples.

2o. Partager sa défense en deux grandes divisions, opposées aux deux puissances qui menacent l'Europe, l'Angleterre et la Russie.

3o. Étendre la civilisation générale dans ses rapports avec les intérêts de l'Europe.

Il est évident que par les accroissemens de l'Angleterre et de la Russie, l'Europe se trouve pressée entre deux masses dominatrices, dont l'une menace toute la richesse, et l'autre toute la liberté de l'Europe. Par-là même, l'Europe se trouve partagée en deux grandes divisions : l'une, maritime celle de l'Ouest, qui s'étend depuis la Norwège jusqu'au détroit de Gibraltar; l'autre, continentale, celle qui comprend les états placés de la Suède jusqu'à Constantinople, et de la Vistule jusqu'au Rhin. Qu'on prenne la carte.

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Ce n'est pas trop quand on examine l'unité de la partie assaillante, et toutes les désunions des parties défendantes. On doit porter le même jugement à l'égard de l'Angleterre; sa position,

qui coupe le nord de l'Europe du midi de cette contrée, l'unité de conseils, de langage, d'intérêt, de tactique, de finances, lui donne sur la ligue de ses adversaires des avantages qui font plus que balancer l'infériorité du matériel de leur puissance respective. Sûrement la France, l'Espagne, la Hollande et tout le Nord réunissent ét renferment dans leur sein plus de moyens matériels de puissance que l'Angleterre n'en peut contenir; mais ces états ne peuvent pas s'en servir avec la même facilité qu'a l'Angleterre pour disposer des siens; par conséquent ils sont moins forts. Il s'agit donc de balancer ces deux puissances, autant qu'il est possible, avec les élémens dont on a à disposer. Dans cette vue, nous regardons la Suède, la Prusse, l'Empire, l'Autriche et la Turquie comme devant se tenir étroitement liées ensemble, et en état

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