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cette conquête-là n'a rien d'effrayant.

Le Portugal pouvoit donner des lois au Brésil dépourvu de population, et qui avoit l'habitude de lui obéir con tractée dès l'enfance. De son côté, le Brésil n'a pas encore un grand centre de population et d'affaires tel que Lisbonne. Le Portugal pouvoit avoir besoin du Brésil; mais sûrement le Brésil n'a pas besoin du Portugal. Il est donc impossible que l'union des deux pays subsiste dans la position inverse où ils se trouvent placés à l'égard l'un de l'autre. Désormais, le même souverain ne peut pas commander à tous les deux. Il faut opter.

S'il reste au Brésil, le Portugal ne se bornera pas à devenir une province du Brésil. S'il revient en Portugal, le Brésil, qui a goûté des douceurs d'un gouvernement local, voudra toujours y retourner. Le Portugal n'y aura plus

de sujets, que comme l'Espagne en compte en Amérique; et comme le Brésil est placé au centre du grand mouvement qui agite le continent américain, il est bien évident qu'il ne peut pas manquer d'y participer. Dans tous les cas, il y a divorce entre le Brésil

et le Portugal (1).

L'attaque formée contre le Portugal a régénéré son armée. Les Portugais ont montré du caractère, et ne se sont soustraits à aucun sacrifice; et comme justice doit être rendue à tout le monde, sans acception de pays, il faut reconnoître que c'est à l'Angleterre qu'est due la régénération de ce peuple qu'elle a trouvé abattu; heureux d'avoir rencontré dans ses alliés

(1) Depuis que cet article est écrit, les pa

piers publics ont annoncé que le prince du Brésil y fixoit son séjour, par les motifs indiqués ci-dessus.

des modèles d'ordre au milieu des désordres de la guerre, des modèles d'humanité au milieu des sévices de la guerre; plus heureux encore d'avoir cédé à ses instigations en éloignant ces odieuses réactions qui ont tourmenté un peuple voisin; comme si ce n'étoit pas assez des maux de la guerre pendant les discordes civiles, et qu'il fallût encore en souiller le retour de la paix.

Nous dirons ce qu'il faut faire de ce pays. Le parti que l'on annonce avoir été pris par le prince du Brésil, de se fixer dans cette contrée, nécessite un arrangement tel que celui que nous avions destiné pour le Portugal, avant que la résolution de ce prince nous fût

connue.

CHAPITRE XXIII.

L'Espagne.

L'ESPAGNE, séparée du reste de l'Europe, n'ayant eu la guerre qu'avec la France, chez laquelle elle a fini par la porter, n'y ayant rien gagné ni rien perdu, n'avoit aussi rien à demander pour elle-même au Congrès; ce qui est toujours la meilleure position pour délibérer. L'Espagne ne tenant par le territoire qu'à la France, est par sa position un appendice de l'Europe; c'est une île véritable par rapport à elle. Son influence directe en Europe doit donc être nulle, et pour en obtenir quelqu'une, cette puissance doit

se lier avec la France. C'est ce qu'elle a fait au Congrès. Les maisons régnantes dans les deux pays, unies par le sang, par les mêmes alliances, par les mêmes malheurs, et conséquemment par les mêmes besoins, ont dû se montrer réunies par les mêmes sentimens et les mêmes opinions. La voix de l'Espagne au Congrès n'a donc pu être que la voix de la France. Quand celle-ci réclamoit pour Naples, pour la reine d'Etrurie, pour la Saxe, l'Espagne devoit joindre ses réclamations à celles de la France. Il a dû en être de même pour les principes de légitimité qui entroient aussi avant dans les intérêts des Bourbons d'Espagne que dans ceux des Bourbons de France.

Cela suffit pour montrer la ligne que l'Espagne a suivie dans le Congrès.

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