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principales Places de l'entrée de l'Italie, afin d'être plus facilement en état, par des paffages qu'il s'ouvre, de garantir le Saint Siége des infultes des Infideles, dont il eft fi fouvent menacé. Nous ne devons pas être furpris de tant de fuccés avantageux dont nous voyons fes projets fuivis, ni de ce qu'il n'eft pas moins au deffus des autres par la grandeur de fes actions, que par la dignité de fon Sceptre. Il regne par la juftice, c'est ce qui lui attire tant de felicitez ; c'est ce qui fait qu'il étonne toute l'Europe autant par les merites de fa vertu, que par les miracles de fon regne. Je n'entreprends pas de faire ici fon Eloge. Cette gloire eft dûë à ces perfonnes illuftres qui préfident dans les premieres Compagnies du Royaume, & qui dans le tems que je vous parle employent la majefté de leur éloquence pour décrire les actions de nôtre grand Prince. Je me contenterai de vous dire qu'il n'eft pas feulement jufte dans fes guerres, genereux dans fes combats, moderé dans fes triomphes, & clement dans fes vitoires; mais qu'il est maître de ses paffions, & que pouvant augmenter l'étendue de fes Etats en augmentant fes conquêtes, toutes les actions ont été réglées par la justice, laquelle est le fondement de la Monarchie, & procure fa durée,

Avocats, dans vos nobles emplois, ne combattez pas tant pour l'honneur de la victoire que pour la défense de la verité, & ne plaidez jamais de caufes que vous ne les croyiez juftes.

Procureurs, ne flatez pas vos Parties dans leurs interêts, puis que le Roi ne veut que ce qui eft jufte, fans se servir de fa puiffance. Apprenez-leur à se foûmettre aux Loix & aux Regles de la Justice.

HARANGUE D'UN AVOCAT GENERAL fur la Déclaration du Roi contre les Duëls.

MESSIEURS,

neral au Par

Il femble que les Déclarations que l'on renouvelle fi fouvent M. Quarré & fi inutilement contre les Duëls irritent les maux inveterez Avocat Gequ'elles veulent guerir. Ce crime imperieux aprés avoir charmé lement de l'opinion du fiecle, & entraîné l'approbation generale, fe ré- Bourgogne. volte contre la Loi, & femble triompher de l'autorité des Or

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donnances. Malum eft quod apud nos vetabitur femper & fervabitur. Cette fureur conçûë d'abord dans le cœur de la Noblesse, se gliffe peu à peu jufques aux extrémitez des derniers membres de l'Etat. Tout le peuple adore ce phantôme d'orguëil qui regne en France & y passe en coûtume. Mais quel remede, MESSIEURS, Ubi quæ fuerant vitia mores funt ?

On s'imagine que ce faux & dangereux prétexte de point d'honneur juftifie le Duël, & annoblit même l'infamie des fupplices, au lieu de confiderer qu'il fait manquer à l'obéïssance. Les défenfes & les peines provoquent à la rebellion. Un Gentilhomme offenfé, croit que la grandeur du danger doit enfler fon courage, que la mort & la honte qui le menacent relevent fon honneur; elles lui perfuadent que par un même combat il doit triompher de la majefté de la Loi, & de la vie d'un ennemi. Il croit que fa valeur doit feule réparer fes injures, qu'il ne peut demander juftice qu'à fon épée, que fa profeffion ne lui permet pas de recourir à un Juge, & qu'il lui feroit auffi peu féant de fe plaindre aux Magiftrats, qu'il feroit poffible aux Magiftrats de garantir fa réputation. Comme le droit des gens permet de repouffer la force par la force, & que la Loi ne pouvant nous conferver la vie que l'on nous veut ôter, nous confie la liberté de nous défendre fans nous obliger d'attendre vainement fa prote ction; de même un Gentilhomme qui croit que la Juftice ne peut dégager fa réputation d'une infamie qui lui paroît inévitable, il s'imagine qu'il ne lui reste que la la voye des armes & qu'il ne peut fe difpenfer de l'employer. Si les Edits, les Loix & la raifon lui défendent de recevoir un cartel, le droit naturel, la coûttume & l'honneur lui commandent ou lui permettent de l'accepter. En un mot, il eft perfuadé que l'on ne peut condamner un crime qui est voisin d'une vertu heroïque.

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Vous fçavez, MESSIEURS, que ce font les faufles apparences qui ont autorifé ces parricides volontaires, que la licence & l'impunité en ont toûjours été les garants. De forte que le Roi ayant vû que cette fureur s'étoit établie infenfiblement fur l'opinion commune, & qu'un faux éclat de témerité l'entretenoit, a eu recours à des remedes extraordinaires pour des maux que la Loi civile ne pouvoit guerir. Pour décider du point d'honneur, il a commis des Juges qui prennent foin de convaincre la Nobleffe de fes erreurs, d'interpreter les injures & les reffentimens, de ménager les réparations, & reprimant les violences, de faire diftinguer la brutalité de la veritable va

leur. Digne & glorieux emploi des Maréchaux de France, pourvû qu'il ait le fuccés qu'on lui doit defirer, & que leur arbitrage ne choque jamais la feverité de la Juftice ordinaire. Les peuples fe laiffent emporter à leurs inclinations, & les vices qui fe gliffent dans leurs moeurs s'apprivoifent peu à peu par le consentement general, & regnent enfuite ouvertement quand ils ont obtenu cette approbation du public.

Mais files Nations entieres fe trompent & fe portent à un crime fi détestable, le Roi ne peut fouffrir une rebellion qui voudroit le dépouiller du droit de rendre la Juftice. Il montre que c'eft à fon difcernement & à fa volonté à former la nature de l'honneur & de la réputation, fur le modele que fournissent la Loi & la raison.

Auffi par quelle temerité un infolent Duellifte attaquera-t'il l'autorité des Ordonnances? quel droit aura-t'il de commettre fa vie & fa fortune au fort d'un combat?

Y a t'il un reffentiment qui puiffe légitimement engager un fecond dans une querelle où il n'eft point offenfé? Quelle vifion le peut contraindre d'entrer dans la focieté d'un crime, d'un defefpoir, d'une promte mort ou d'une entiere ruïne? Nôtre grand Monarque a levé ce dangereux fcrupule à la Nobleffe, il a fait voir que la generofité & la foûmiffion ne font pas incompatibles, & qu'un Roi fage & puiffant peut faire plier fous fes ordres les coûtumes les plus generalement établies.

Comme il feroit difficile à ces illuftres Arbitres du point d'honneur d'appaiser la révolte de l'offenfé, s'ils n'avoient recours qu'aux voyes de la douceur, Sa Majesté veut que l'on ajoûte les peines aux remontrances. De forte que l'on punit feverement un Agreffeur, & l'on ordonne pour la perfonne offensée des réparations que l'on ne tiroit autrefois que de fon épée.

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M. Chaluet

l'Académic

d'Arles.

HARANGUE D'UN MAGISTRAT DE POLICE

pour propofer dans un Hôtel de Ville de fupplier tres-humblement le Roi de permettre que l'on éleve fa Statuë dans une Place de la même Ville.

MESSIEURS,

L'Image de Loüis le Grand, que fes heroïques vertus, fa bonAffeffeur de té paternelle pour fes Sujets, fes Exploits inouis dans la guerre, Marfeille, de fa fagelle incomprehenfible dans la paix, ont gravé dans nos cœurs ; cette augufte Image, dont la diftance des lieux ne peut nous empêcher de recevoir l'aimable impreffion : 11 eft tems de la produire au dehors, de l'expofer aux yeux de toutes les Nations, que le commerce ou la curiofité attire parmi nous, & de laiffer à la posterité un monument éternel de nôtre bonheur & de nôtre zele.

Mirfeille fameufe fœur de Rome! cher objet de l'admiration de tous les Peuples de l'Univers! ancienne Académie des Sciences & des beaux Arts! Ville celebre par ta fituation heureuse, par la feureté, l'affranchissement & là commodité de ton Port; mais plus celebre encore par ton inviolable fidelité, il te man que le principal de tes ornemens. La Statuë de ton Roi, de ce grand Monarque, qui dans les fiecles idolâtres auroit merité des Temples & des Autels, doit embellir, doit confacrer ta vaste enceinte ; & aprés cela tu n'as plus rien à defirer pour ta gloire.

Mais où m'engage infenfiblement l'ardeur de mon zele particulier? Que puis-je me propofer en parlant à cette Affemblée ? Difcours inutile, difcours injurieux, MESSIEURS, fi je vous faifois ce tort, de m'imaginer que vous avez befoin d'être perfuapour confentir à la propofition qu'on vient de vous faire.

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Témoin de la joye qui a éclaté dans vos yeux & fur vos vifages, quand vous l'avez entenduë; je ne fcai fi l'impatience où vous êtes de conclure cette déliberation folemnelle que VOUS avez mille fois prévenue dans vos entretiens, me permettra d'achever un difcours que je confacre pour vous & pour moi à la gloire immortelle de LOUIS LE GRAND dans une oc

cafion où Marseille condamneroit un lâche filence.

Sufpendez, MESSIEURS, pour quelques momens cette juste & loüable impatience; & bien que je n'aye rien à vous dire que vous ne penfiez vous-mêmes, & que tout le monde ne pense & ne publie comme nous, agréez que fans art, & avec cette naïveté que nôtre Ciel & notre génie nous infpirent, j'explique ici nos pensées communes fur la Statue qu'on vous propose d'ériger. Nous fçavons qu'aucun autre Roi n'a fi justement merité ce témoignage de nôtre zele, & que l'Image de nôtre grand Monarque ne fçauroit être placée dans un lieu plus avantageux que le fein de nôtre patrie.

La Providence mit la plus belle couronne fur la tête auguste de ce grand Roi dans fon enfance ; & la Fortune qui fembloit prévoir que la vertu de ce merveilleux Enfant ne lui laifferoit rien à faire pour lui quand il regneroit par lui-même, se hâta de le combler de fes faveurs; elle le rendit victorieux, & redoutable dés les premieres années de fa belle vie.

Durant le tems qui fucceda à fon enfance, la fageffe d'une heroïne, & la prudence d'un grand Miniftre, curent part au Gouvernement, tandis que ce feu dont toute la terre devoit fentir la chaleur, ou recevoir la lumiere, achevoit de s'allumer. Mais à peine LOUIS gouverne feul, qu'il fe montre digne du titre de GRAND, que le confentement general de tous les Peuples lui a donné. Il met en ufage un nouvel Art de regner qu'il n'a appris de perfonne, & où perfonne ne pourra peut-être jamais atteindre, fi fon augufle Fils n'en eft excepté. Il n'a de Miniftres que pour la dignité & pour la bienféance, & non pour la neceffité & pour le befoin. Appliqué à tous les devoirs qu'il fe fait dans la Royauté, comme s'il n'en avoit qu'un feul à remplir; aimé, reveré au dedans, admiré, redouté au dehors; Arbitre de la Guerre, dont il a changé les maximes; Arbitre de la Paix, dont il a toûjours reglé les conditions: il femble qu'il n'est pas forti de cette longue fuite de Rois qui revivent en fa perfonne, mais que Dieu feul a pris plaifir à le former.

Il y a eu tant de mains fçavantes qui fe font occupées à écrire ses loiianges, tant de bouches éloquentes qui fe font ouvertes pour les prononcer, qu'il a toûjours été loué; mais il a toûjours été au deffus de tous les Eloges, & je ne ferois qu'un foible écho si j'ofois entreprendre de dire une partie de ce que l'on doit publier à fa gloire.

Une feule reflexion me fuffit, les Loix renouvellées, les abus Zzzz iij

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