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contre des Esclaves & des Eunuques des Rois du Levant ; mais il trouveront en France des Hommes qui leur feront tête. Ils n'euffent jamais ofé prendre les armes contre nous ; fi Dieu pour défendre nôtre cause, & pour les châtier par leur défaite, des crimes abominables qu'ils ont commis, ne leur eût ôté le fens & la conduite; ce qui eft la plus grande de toutes les punitions. Il y a en core un moyen fecret pour les domter & les ruïner, dont il vaut mieux ne rien dire pour cette heure, que de le publier. Neanmoins vous reconnoîtrez au milieu du combat, que je n'ai rien oublié de tout ce qui peut fervir à la victoire. Seulement vous priai-je, de venir aux mains fur une ferme esperance que Dieu & les Hommes combattront pour vous, & de vous fouvenir de vôtre Païs, qui avant même qu'il eût embraffé la Religion Chrétienne, ne prit jamais les armes contre elle, ni ne perfecuta jamais ceux qui en font profeffion. Ce qui n'eft peut-être jamais arrivé à une autre Nation. La nôtre a ce bonheur particulier, que depuis qu'elle a reçû cette fainte Religion, elle n'a enfanté aucun monftre d'Herefie, & qu'elle a été la premiere qui non feulement par les Armes fpirituelles, mais auffi par les temporelles, a combattu au peril de la vie les ennemis du Fils de Dieu. La mort du tres-Puiffant & tres- Formidable Roi des Ariens en rendra à jamais un illustre & authentique témoignage. Nous fumes les premiers qui par la ruïne de ce grand Heretique donnames à tous les Chrétiens l'exemple de prendre par leur vertu & par leur courage la défense de leur Religion. Ainfi les Nations étrangeres doivent avouer de nous être obligées de tout ce qu'elles ont de pieté, de constance en la vraye Foy, & de zele envers Dieu. Puis donc que les autres Provinces ont reçû de nos Ancêtres des enfeignemens, & comme des aiguillons pour les porter à faire de faintes Guerres; Il faut que cette même vertu qui eft née avec vous, foit par vous maintenant rappellée & déploïée contre ces ennemis, qui viennent du bout du Monde fe jetter & fe déborder dans la France le plus fort Boulevard de la Religion. Ces Barbares penfent que tous leurs efforts feront vains, & qu'ils combattront inutilement, tant que le nom des François fubfiftera, & fleurira dans le Monde. Ils font fi imprudens qu'avant que d'être bien affurez de la poffeffion d'Efpagne, ils entrent dans la France; & y traînant aprés eux leurs Femmes, leurs enfans, & autres femblables empêchemens de Guerre, ils femblent y vouloir bâtir des Villes, & dreffer des Colonies. Au refte, MES COMPAGNONS, quoi que nous foïons affurez de vaincre & de donner la chaffe

à cette grande troupe, à cét égoût prodigieux de Voleurs & de Sacrileges, il ne faut pas neanmoins que le mépris que vous en pouvez faire vous en faffe tant foit peu relâcher de vôtre courage. Il faut fe roidir vigoureusement contre ces infâmes Ennemis, & vous reprefenter de quels parens nous fommes fortis, quelle efperance ont conçuë de nous les autres Peuples de l'Europe, quelle eft la terre qui nous a portez, qui nous a élevez, & nous a appris le métier des Armes. Il n'y a point de porte de derriere pour nous fauver. Il faut de deux chofes l'une, ou rendre à la Terre de nôtre naiffance la vie qu'elle nous a donnée, ou étant fortis, comme nous fommes de Peres qui ont triomphé de l'Impieté, combattre comme eux & demeurer victorieux. Il ne faut ni donner quartier, ni faire de Paix ou de treve avec ces bêtes. Il faut épuiser tout leur fang, & couvrir ces champs du maffacre de leurs corps.

HARANGUE D'ABDER AME A SES Soldats, prêts à combattre les François.

VAL

AILLANS SOLDATS, l'impatient defir que vous témoignez de combattre, fait affez voir que vous n'avez pas be foin d'aiguillon pour faire vôtre devoir. Toutefois le peu de fens des ennemis, fait qu'il faut que je vous dife encore ce peu de paroles. Nous avons foumis à nôtre obéiflance la moitié de la France; & fi tout ce Royaume entier n'a pû resister à nos forces, maintenant qu'il eft mutilé & à demi mort, pourroit-il bien faire ce qu'il croyoit impoffible dans toute l'étendue de fa Puif fance? Ce feroit une grande folie que les François qui ont fi longrems malgré eux fubi le joug de l'Empire Romain, voyant que nous avons éteint fa gloire, & abattu fes efforts, tâchaffent de nous faire tête, & d'échaper à nôtre valeur. C'eft auffi une ridicule prétention à eux de penser se fortifier de la Riviere de Loire, puifque nous avons domté tant de Mers, pris l'Ile de Rhodes, ravagé & pillé la Sicile, & paffé en dépit de tout le Monde les effroyables Détroits de Gibraltar, & de Saint-George. Mais vous direz, peut-être que les François fe fient qu'un peu de fuite les fauvera, & que la Ville de Tours étant proche leur fervira de retraite. Auffi fe voyant à grande peine un contre dix des nôtres, ils n'auront efperance qu'en la fuite. Mais

puifque

puifque la grande Ville de Carthage s'eft humiliée devant nous, &que tant de Villes, tant de Châteaux & de Fortereffes qui fembloient imprenables & invincibles, nous ont reçûs pour Seigneurs ; comment les François pourront-ils se mettre à couvert de nos forces dans les murailles de Tours? Portez, MES COMPAGNONS, portez dans le combat cette même hardieffe & cette même réfolution de cœur, que je vois reluire en vos vifages. Faites bouclier de vôtre valeur, de vôtre bonheur ordinaire, de la fortune croiffante du Nom Sarrazin, & de la gloire de vos Ancêtres, contre l'effort de nos ennemis. Les bons fuccés des journées paffées, vous doivent bien faire efperer de celle-ci. Souvenez-vous, enfin, que vous combattez, non pour la feule réputation & pour l'étendue de nôtre Empire; mais qu'étant éloignez par un fi long trajet de Mer & de Terre de nôtre Païs, la neceffité nous commande d'ajoûter à nôtre valeur une victoire forcée, ou de mourir à la poursuite que nous en devons faire.

HARANGUE POUR DISSUADER un grand Seigneur de s'emparer de la Souveraineté d'un Etat libre.

MONSEIGNEUR,

Il y a deux chofes qui nous ont fait venir devant vous, l'une pour obéir à ce que vous demandez, l'autre pour affter à cette Affemblée qui s'est faite par vôtre commandement. Il nous femble que vous voulez emporter de hauteur & par des voyes extraordinaires ce que de nôtre commun confentement, & felon des Loix de nos Provinces, nous ne vous avons pas encore accordé. Cependant nôtre intention n'eft pas de nous oppofer à vos deffeins par quelque force que ce foit: Nous voulons feulement vous remontrer combien eft pesant le fardeau que vous mettez fur nos épaules, & combien il y a de danger dans le parti que vous voulez fuivre. C'eft afin que vous vous fouveniez toujours de nos confeils, & particulierement à cette heure que nous vous exhortons à rejetter les confeils de ceux qui defirent de vous voir Souverain dans cette Republique, non pour l'interêt de vôtre

GRANDEUR, mais afin de se venger de ceux qu'ils haïssent. Vous prétendez, MONSEIGNEUR, rendre efclave un Etat qui vit fous fes loix. Avez-vous jamais confideré combien est agréable & puiffant le nom de liberté dans ce Païs, & combien ce titre lui eft important? Il n'y a aucune force, ni aucun tems qui en efface la memoire, aucun merite capable d'en réparer la perte. Penfez quelles forces il faut avoir pour tenir en bride des Provinces comme celles-ci, tout ce que vous avez d'Etrangers n'y peut fuffire. Il ne faut pas que vous mettiez vôtre confiance aux Citoyens mêmes, qui vous font maintenant amis, & qui vous confeillent de fuivre ce parti. Dés qu'ils auront opprimé leurs ennemis fous l'ombre de vôtre autorité, ils ne chercheront que les moyens de vous ruïner, & d'occuper pour eux-mêmes la Seigneurie. Le Peuple à qui vous vous fiez, eft comme un fable mouvant en fes opinions, tous les jours quelque legere occafion le fait varier en fes volontez. De forte qu'en un moment vous aurez tous ces Etats ennemis ; & fans que vous puiffiez remedier à ce malheur, tout tournera à vôtre ruïne & à celle du Peuple. Les Seigneurs que vous voyez peuvent rendre leur domination affûrée, ou en faifant mourir, ou en banniffant leurs ennemis particuliers. Mais où la haine eft univerfelle, il n'y a jamais d'affûrance: vous ne fçavez d'où le mal peut naître, on ne fçauroit se fier & s'affûrer de ceux qu'on redoute & qu'on tient pour fufpects. Si on paffe outre, & qu'on s'efforce de fe rendre Seigneur, les perils ne font qu'accroître ; parce que la haine que vous portent ceux qui reftent, s'enflâme par les morts que l'on veut venger. D'ailleurs le tems ne fuffit pas pour éteindre le defir de la liberté en ceux qui l'ont perduë: elle est souvent remise en u Ville par ceux qui n'avoient jamais goûté fa douceur, mais qui l'aiment feulement pour la feule memoire que leurs Ancêtres en ont laiffée. C'eft pourquoi aprés l'avoir recouvrée, ils tâchent de la conferver opiniâtrement, & fans crainte d'aucun peril, comme la chofe du monde la plus chere & la plus agréable. Quand leurs Peres ne leur en euffent jamais fait aucune mention, les Palais publics, les lieux & les rangs des Magiftrats, les Enfeignes des quartiers libres leur en donnent des marques visibles & approuvées de tous les Citoyens. Quelles actions pouvez-vous faire, qui puiffent être égalées à la douceur qu'on goûte en une vie pleine de repos & de liberté, ou qui foient capables de faire perdre aux hommes le defir de recevoir encore la condition presente ? Vous ne fçauriez le faire,

quand vous auriez joint d'autres Etats à ces Provinces, quand vous reviendriez tous les jours chargé des dépouilles de vos ennemis, & que vous entreriez en triomphe en cette Ville. Cette gloire ne feroit plus la fienne, elle retourneroit toute à vôtre honneur & à vôtre loüange; & les Citoyens au lieu d'avoir acquis des Sujets, verroient un fâcheux redoublement de fervitude. Quand vos mœurs feroient faintes, yos commandemens doux & vos jugemens équitables, encore ne fçauriez-vous être aimé. Vous vous tromperiez, fi vous penfiez que tous ces devoirs y pûf. fent fuffire: il n'eft point de haine qui ne femble jufte à celui qui a accoutûmé de vivre en liberté. Il faut donc que vous préfuppofiez, ou que vous ferez contraint de faire demeurer ces Etats dans l'obéïffance avec une violence extrême, quelque fecours que les Villes, les Alliez & les amis étrangers vous y puiffent donner ; ou que vous foyez content de l'autorité que nous vous avons octroyée. Nous vous exhortons, MONSEIGNEUR, autant qu'il nous eft poffible, d'en demeurer fatisfait, & nous vous avertisfons qu'il n'eft point de Principauté de longue durée, que celle qui eft volontaire de la part du Sujet. Prenez garde que la trop grande ambition vous ayant aveuglé, ne vous mene en un lieu où ne pouvant monter plus haut, vous ne tombiez d'une chûte d'où vous ne pourrez jamais vous relever.

HARANGUE POUR PORTER les Principaux d'une Ville à y appaiser les feditions qui s'y élevent.

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Un Citoyen de la Republique de Florence parle aux plus confiderables de la Seigneurie.

MESSEIGNEURS,

Si les Affemblées particulieres fe peuvent faire impunément au préjudice de la Republique, l'on fe peut hardiment assembler pour le bien de fes affaires ; & fi les méchans ne craignent point les jugemens des gens de bien, nous devons auffi méprifer ce qu'ils pourront dire, ou juger de nous. Le zele que nous avons

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