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celles que j'ai dénombrées, on peut aisément remarquer qu'il n'y en a que six qui soient telles, à savoir l'admiration, l'amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse, et que toutes les autres sont composées de quelques-unes de ces six, ou bien en sont des espèces. C'est pourquoi, afin que leur multitude n'embarrasse point les lecteurs, je traiterai ici séparément des six primitives; et par après je ferai voir en quelle façon toutes les autres en tirent leur origine.

ARTICLE LXX.

De l'admiration; sa définition et sa cause.

L'admiration est une subite surprise de l'âme, qui fait qu'elle se porte à considérer avec attention les objets qui lui semblent rares et extraordinaires. Ainsi elle est causée premièrement par l'impression qu'on a dans le cerveau, qui représente l'objet comme rare et par conséquent digne d'être fort considéré; puis ensuite par le mouvement des esprits, qui sont disposés par cette impression à tendre avec grande force vers l'endroit du cerveau où elle est, pour l'y fortifier et conserver; comme aussi ils sont disposés par elle à passer de là dans les muscles qui servent à retenir les organes des sens en la même situation qu'ils sont, afin qu'elle soit encore entretenue par eux, si c'est par eux qu'elle a été formée.

ARTICLE LXXI.

Qu'il n'arrive aucun changement dans le cœur ni dans le sang en cette passion.

Et cette passion a cela de particulier qu'on ne remarque point qu'elle soit accompagnée d'aucun changement qui arrive dans le cœur et dans le sang, ainsi que les autres passions. Dont la raison est que, n'ayant pas le bien ni le mal pour objet, mais seulement la connaissance de la chose qu'on admire, elle n'a point de rapport avec le cœur et le sang, desquels dépend tout le bien du corps, mais seulement avec le cerveau, où sont les organes des sens qui servent à cette connaissance.

DESCARTES.

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porté à l'opinion que nous de la gloire, et

Le dégo

Et quelquefois la du goût, au lieu que cell du bien passé vient le ,et du mal passé vient joie.

Pourquoi ce dénombreme

Voilà l'ordre qui m brer les passions. E l'opinion de tous ce n'est pas sans grand ment de ce qu'ils di deux appétits, qu'ils cible. Et pource qu tion de parties, air ne signifier autre c de désirer, l'autre c façon les facultés d' et ainsi de recevoir faire les actions a vois pas pourquoi cupiscence ou à l comprend point crois que j'ai fait

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察記

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ARTICLE LXXIV.

A quoi servent toutes les passions, et à quoi elles nuisent.

il est aisé à connaître, de ce qui a été dit ci-dessus, l'utilité de toutes les passions ne consiste qu'en ce elles fortifient et font durer en l'âme des persées, leslles il est bon qu'elle conserve, et qui pourraient facileat sans cela en être effacées. Comme aussi tout le mal elles peuvent causer consiste en ce qu'elles fortifient et servent ces pensées plus qu'il n'est besoin, ou bien elles en fortifient et conservent d'autres auxquelles il st pas bon de s'arrêter.

ARTICLE LXXV.

En quoi consiste particulièrement l'admiration.

Et on peut dire en particulier de l'admiration qu'elle est tile, en ce qu'elle fait que nous apprenons et retenons en notre mémoire les choses que nous avons auparavant ignorées; car nous n'admirons que ce qui nous paraît rare et extraordinaire, et rien ne nous peut paraître tel que pource que nous l'avons ignoré, ou même aussi pource qu'il est différent des choses que nous avons sues: car c'est cette différence qui fait qu'on le nomme extraordinaire. Or, encore qu'une chose qui nous était inconnue se présente de nouveau à notre entendement ou à nos sens, nous ne la retenons point pour cela en notre mémoire, si ce n'est que l'idée que nous en avons soit fortifiée en notre cerveau par quelque passion, ou bien aussi par l'application de notre entendement, que notre volonté détermine à une attention et ré

ARTICLE LXX!!.

En quoi consiste la force de l'admiration.

Ce qui n'empêche pas qu'elle n'ait beaucoup de force, à cause de la surprise, c'est-à-dire de l'arrivement subit et inopiné de l'impression qui change le mouvement des esprits, laquelle surprise est propre et particulière à cette passion; en sorte que lorsqu'elle se rencontre en d'autres, comme elle a coutume de se rencontrer presque en toutes et de les augmenter, c'est que l'admiration est jointe avec elles. Et la force dépend de deux choses, à savoir de la nouveauté, et de ce que le mouvement qu'elle cause a dès son commencement toute sa force. Car il est certain qu'un tel mouvement a plus d'effet que ceux qui, étant faibles d'abord et ne croissant que peu à peu, peuvent aisément être détournés. Il est certain aussi que les objets des sens qui sont nouveaux touchent le cerveau en certaines parties auxquelles il n'a point coutume d'être touché, et que ces parties étant plus tendres ou moins fermes que celles qu'une agitation fréquente a endurcies, cela augmente l'effet des mouvements qu'ils y excitent. Ce qu'on ne trouvera pas incroyable, si on considère que c'est une pareille raison qui fait que les plantes de nos pieds étant accoutumées à un attouchement assez rude par la pesanteur du corps qu'elles portent, nous ne sentons que fort peu cet attouchement quand nous marchons, aut lieu qu'un autre beaucoup moindre et plus doux dont on les chatouille nous est presque insupportable, à cause qu'il ne nous est pas ordinaire.

ARTICLE LXXIII.

Ce que c'est que l'étonnement.

Et cette surprise a tant de pouvoir pour faire que les esprits qui sont dans les cavités du cerveau y prennent leur cours vers le lieu où est l'impression de l'objet qu'on admire, qu'elle les y pousse quelquefois tous, et fait qu'ils sont tellement occupés à conserver cette impression qu'il n'y en a aucuns qui passent de là dans les muscles, ni même qui se

détournent en aucune façon des premières traces qu'ils ont suivies dans le cerveau ce qui fait que tout le corps demeure immobile comme une statue, et qu'on ne peut apercevoir de l'objet que la première face qui s'est présentée, ni par conséquent en acquérir une plus particulière connaissance. C'est cela qu'on appelle communément être étonné; et l'étonnement est un excès d'admiration qui ne peut jamais être que mauvais.

ARTICLE LXXIV.

A quoi servent toutes les passions, et à quoi elles nuisent.

Or il est aisé à connaître, de ce qui a été dit ci-dessus, que l'utilité de toutes les passions ne consiste qu'en ce qu'elles fortifient et font durer en l'âme des persées, lesquelles il est bon qu'elle conserve, et qui pourraient facilement sans cela en être effacées. Comme aussi tout le mal qu'elles peuvent causer consiste en ce qu'elles fortifient et conservent ces pensées plus qu'il n'est besoin, ou bien qu'elles en fortifient et conservent d'autres auxquelles il n'est pas bon de s'arrêter.

ARTICLE LXXV.

En quoi consiste particulièrement l'admiration.

Et on peut dire en particulier de l'admiration qu'elle est utile, en ce qu'elle fait que nous apprenons et retenons en notre mémoire les choses que nous avons auparavant ignorées; car nous n'admirons que ce qui nous paraît rare et extraordinaire, et rien ne nous peut paraître tel que pource que nous l'avons ignoré, ou même aussi pource qu'il est différent des choses que nous avons sues car c'est cette différence qui fait qu'on le nomme extraordinaire. Or, encore qu'une chose qui nous était inconnue se présente de nouveau à notre entendement ou à nos sens, nous ne la retenons point pour cela en notre mémoire, si ce n'est que l'idée que nous en avons soit fortifiée en notre cerveau par quelque passion, ou bien aussi par l'application de notre entendement, que notre volonté détermine à une attention et ré

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