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préférence que donnent à l'une ou à l'autre ceux qui les connaissent toutes les deux.

Des choses qui ont été objectées contre la sixième Méditation.

I. L'intelligence du chiliogone n'est pas confuse, quoique nous ne puissions l'imaginer; et on en peut démontrer plusieurs propriétés, ce qui ne se pourrait faire si on n'en connaissait que le nom. Donc les facultés d'entendre et d'imaginer diffèrent de nature, et non de degré.

II. Ne pas vouloir que nous soupçonnions de la fausseté dans les choses où nous n'en avons jamais rencontré, c'est s'appuyer sur ses préjugés.

III. Lorsque j'ai exclu le corps de mon essence, je n'ai pas voulu parler seulement de mon corps extérieur, mais de toute espèce de corps, si subtile qu'on la suppose.

IV. Les espèces corporelles ne sont pas reçues dans l'esprit; l'intellection n'en a pas besoin, et l'imagination s'y applique, mais ne les reçoit pas. En disant que l'esprit n'est pas étendu, je n'ai pas voulu expliquer ce qu'il est, mais seulement ce qu'il n'est pas. De ce que l'esprit est uni au corps, il ne s'ensuit pas qu'il soit étendu par tout le corps; et il n'a pas besoin, pour mouvoir le corps, d'être de la nature de ce dernier.

V. On ne doit pas comparer l'union du corps et de l'esprit avec le mélange de deux corps, ni s'imaginer que le premier ait des parties parce qu'il en conçoit dans le second; car s'il en était ainsi, pour concevoir l'univers, l'esprit devrait l'égaler en grandeur.

VI. Vous terminez par un assez long discours qui ne me contredit en rien; d'où l'on peut inférer qu'il ne faut pas mesurer le nombre de vos raisons au nombre de vos paroles.

LETTRE DE M. DESCARTES A M. CLERSELIER, ETC.

I. Mépris que l'on doit faire de l'approbation de la plupart des hommes. Le plus grand nombre des objections de Gassendi ne sont que des malentendus.

II. Il n'est pas impossible de renoncer à tous ses préjugés.

tive, mais une négation; tandis que la malice des citoyens dans votre comparaison est quelque chose de positif. Dieu ne nous destine point à des œuvres mauvaises, et il nous a donné une faculté de juger qui suffit à ce peu de chose qu'il veut bien soumettre à notre jugement.

III. La volonté peut dépasser l'entendement, et c'est en cela que consiste l'erreur. Si vous jugez que l'esprit est un corps, ce n'est pas que vous le conceviez, mais c'est que votre volonté, entraînée par l'habitude, vous le fait juger ainsi. Dans votre prédilection pour la chair, je ne m'étonne pas que vous ne teniez pas compte de la liberté.

IV. Je crois avoir assez exactement enseigné la méthode qui nous apprend à discerner les choses que nous concevons clairement, de celles que nous croyons seulement concevoir avec clarté.

Des choses qui ont été objectées contre la cinquième Méditation.

I. Les essences des choses ont été établies par Dieu luimême comme immuables et éternelles. L'essence du triangle n'a pas été tirée des choses singulières. Elle est pourtant conforme à la réalité ; non pas qu'il existe des substances qui aient de la longueur sans largeur, mais parce que les figures géométriques sont les limites des substances: cela ne veut pas dire que les idées de ces figures nous viennent par les sens, car il n'y a point dans la nature de figures régulières perceptibles.

II. Pourquoi ne voulez-vous pas que l'existence soit une propriété aussi bien que la toute-puissance? L'essence et l'existence n'ont pas la même relation entre elles dans le triangle que dans Dieu; je ne mérite pas le reproche de n'avoir pas démontré l'existence de Dieu.

III. Il est inexact de dire que le doute qui s'attaque à Dieu s'arrête devant les démonstrations géométriques : les sceptiques ont douté de ces dernières, ce qu'ils n'auraient pas fait s'ils avaient eu une connaissance suffisante de Dieu. La différence de certitude entre des vérités ne dépend pas du nombre de ceux qui connaissent l'une ou l'autre, mais de la

préférence que donnent à l'une ou à l'autre ceux qui les connaissent toutes les deux.

Des choses qui ont été objectées contre la sixième Méditation.

I. L'intelligence du chiliogone n'est pas confuse, quoique nous ne puissions l'imaginer; et on en peut démontrer plusieurs propriétés, ce qui ne se pourrait faire si on n'en connaissait que le nom. Donc les facultés d'entendre et d'imaginer diffèrent de nature, et non de degré.

II. Ne pas vouloir que nous soupçonnions de la fausseté dans les choses où nous n'en avons jamais rencontré, c'est s'appuyer sur ses préjugés.

III. Lorsque j'ai exclu le corps de mon essence, je n'ai pas voulu parler seulement de mon corps extérieur, mais de toute espèce de corps, si subtile qu'on la suppose.

IV. Les espèces corporelles ne sont pas reçues dans l'esprit; l'intellection n'en a pas besoin, et l'imagination s'y applique, mais ne les reçoit pas. En disant que l'esprit n'est pas étendu, je n'ai pas voulu expliquer ce qu'il est, mais seulement ce qu'il n'est pas. De ce que l'esprit est uni au corps, il ne s'ensuit pas qu'il soit étendu par tout le corps; et il n'a pas besoin, pour mouvoir le corps, d'être de la nature de ce dernier.

V. On ne doit pas comparer l'union du corps et de l'esprit avec le mélange de deux corps, ni s'imaginer que le premier ait des parties parce qu'il en conçoit dans le second; car s'il en était ainsi, pour concevoir l'univers, l'esprit devrait l'égaler en grandeur.

VI. Vous terminez par un assez long discours qui ne me contredit en rien; d'où l'on peut inférer qu'il ne faut pas mesurer le nombre de vos raisons au nombre de vos paroles.

LETTRE DE M. DESCARTES A M. CLERSELIER, ETC.

I. Mépris que l'on doit faire de l'approbation de la plupart des hommes. Le plus grand nombre des objections de Gassendi ne sont que des malentendus.

II. Il n'est pas impossible de renoncer à tous ses préjugés.

On doit distinguer les notions d'avec les jugements: nous ne pouvons en effet nous défaire des premières; les seconds dépendent de notre volonté. En suspendant son jugement, on ne se revêt pas d'un nouveau préjugé; le doute n'établit pas la vérité, mais y prépare l'esprit.

III. Le jugement, Je pense, donc je suis, prononcé après examen, n'est pas un préjugé ; il ne suppose pas la majeure : Tout ce qui pense existe; ce sont au contraire les propositions universelles qui dérivent des propositions particulières.

IV. La notion de la pensée n'est pas rejetée avec les préjugés ; ceux-ci ne comprennent que des jugements.

V. La pensée, prise comme la chose qui pense, n'a pas besoin du corps pour exercer son action.

VI. Demander à la substance qui se connaît comme intellectuelle, et non comme étendue, par quel moyen elle sait n'être pas un corps, c'est demander à l'homme comment il sait qu'il n'est pas éléphant.

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VII. Ma pensée n'est pas la règle de la vérité des choses pour autrui, ni même pour moi à l'égard des pensées confuses mais il n'en est pas ainsi des pensées ou perceptions claires. Pour admettre les vérités de la foi elle-même, nous devons percevoir quelque raison qui nous persuade qu'elles ont été révélées; et pour nous en rapporter au jugement des autres, encore faut-il que nous percevions notre propre ignorance, et la possibilité de leur supériorité sur nous.

VIII. Tout le monde a en soi quelque idée ou intellection de Dieu, ou de la chose la plus parfaite que nous puissions imaginer; car autrement on aurait beau dire qu'on croit à l'existence de Dieu, ce serait dire qu'on croit à l'existence de rien. Un esprit fini ne saurait comprendre Dieu, qui est infini; mais il peut l'apercevoir, ainsi qu'on touche une montagne sans l'embrasser.

IX. Un seul qui comprend mes raisons mérite plus de foi que mille qui disent ne les pas comprendre, parce qu'un seul qui a vu prouve plus que mille qui n'ont pas vu.

X. L'étendue mathématique existe hors de notre esprit, ou bien tout ce que nous pouvons concevoir est également

fictif et imaginaire; et nous n'avons plus qu'à renoncer à notre raison et à suivre les opinions des autres, comme des singes ou des perroquets.

XI. Si les accidents réels peuvent agir sur les substances, à plus forte raison des substances peuvent-elles agir l'une sur l'autre.

XII. Éclaircissement des mots : præcise tantum, distinguere et abstrahere.

SIXIÈMES OBJECTIONS,

PAR DIVERS THÉOLOGIENS ET PHILOSOPHES.

I. Pour savoir que l'on pense et que l'on existe, il faudrait savoir qu'on le sait, et savoir qu'on sait qu'on le sait, et ainsi à l'infini, ce qui est absurde; donc on ne le sait pas.

II. Lorsque vous dites, Je pense, donc je suis, ne pourrait-on pas objecter que vous vous trompez, et que c'est, Je suis en mouvement, qu'il aurait fallu dire?

III. Quelques Pères de l'Église ont cru, avec tous les platoniciens, que les anges, qui pensent, étaient corporels, ainsi que l'âme raisonnable, et que cette dernière se transmettait de père en fils. Les animaux pensent aussi, quoiqu'il n'y ait rien en eux qui soit distinct du corps.

IV. L'athée n'est pas moins certain que les autres des vérités mathématiques.

V. Dieu peut tromper les hommes. Passages des Écritures qui tendent à le prouver.

VI. Vous regardez l'indifférence comme un état d'imperfection dans la liberté humaine, et vous dites que nous sommes d'autant plus libres que nous sommes moins indifférents. Il en résulte que Dieu n'a jamais dû connaître l'indifférence; car l'essence de la liberté doit être la même en lui que dans l'homme.

VII. Vous dites que c'est la superficie seule du corps qui est sentie; mais comment cette superficie ne fait-elle point

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