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tion de parties: comment pourriez-vous souffrir si vous étiez simple et indivisible?

VI. J'approuve vos conclusions sur la croyance qu'il faut accorder à ce que nos sens nous montrent le plus souvent, sur la distinction de la veille et du sommeil, et enfin sur les faiblesses et les infirmités de notre nature.

RÉPONSES AUX CINQUIÈMES OBJECTIONS.

Des choses qui ont été objectées contre la première Méditation, Aucune des objections présentées contre la première Méditation n'est appuyée de preuves.

Des choses qui ont été objectées contre la seconde Méditation.

I. L'appareil dont je me suis servi pour prouver que j'existe n'a pas été trop grand, puisque je ne vous ai pas encore convaincu; je ne pouvais conclure mon existence d'aucune autre action que de ma pensée, car toutes les autres peuvent être revoquées en doute.

II. J'ai fait voir que je ne suis pas un vent, quand j'ai montré que je ne puis supposer qu'il n'y a point de vent au monde, sans altérer en rien la connaissance que j'ai de moi-même.

III. Si l'âme semble languir avec le corps, en cela elle ressemble à un bon ouvrier qui ne peut rien faire avec un mauvais outil. C'est à vous de prouver que je suis un corps, que l'âme des bêtes est corporelle, et que le corps contribue à la pensée.

IV. Pourquoi l'âme ne penserait-elle pas toujours, puisqu'elle est une substance qui pense? Il n'est pas étonnant que nous oubliions les pensées que nous avons eues dans le sein de nos mères ou pendant les léthargies, puisque nous ne nous souvenons pas d'un grand nombre de pensées de la veille et de l'âge mûr.

V. Ce que j'ai dit sur l'imagination est assez clair. Autre chose est appartenir à la connaissance que j'ai de moi-même, autre chose appartenir à mon essence.

VI. Je regarde ce que vous dites sur l'imagination et l'in

tellection comme des murmures, et non comme des raisons. VII. Tout ce que vous alléguez sur les bêtes est hors de propos, car l'esprit méditant sur lui-même peut expérimenter qu'il pense, mais non pas que les bêtes ont des pensées.

VIII. Je n'ai point séparé le concept de la cire du concept de ses accidents; mais j'ai voulu montrer comment la substance est manifestée par les accidents; je ne vois pas sur quel argument vous vous fondez pour affirmer que le chien juge de la même façon que vous.

IX. En sachant que je suis, je sais par cela même ma nature; car pour rendre une substance manifeste on n'a besoin que d'en faire connaître les divers attributs. Quand je parle de la cire et de ses accidents, je ne prétends pas me servir de la vue et du toucher, qui s'exercent par l'entremise des organes, mais de la seule pensée de voir et de toucher, semblable à celle de nos songes.

Des choses qui ont été objectées contre la troisième Méditation.

I. On ne saurait prouver que les personnes dont les opinions sont fausses les conçoivent clairement et distinctement. Je crois avoir donné une méthode pour reconnaître si la clarté d'une connaissance est vraie ou apparente.

II. Prétendre que l'idée factice vient du dehors, c'est affirmer que Praxitèle n'a point fait ses statues. Pour connaître que je suis une chose qui pense, je n'ai pas besoin des idées d'animal, de plante, etc.

III. C'est une question que de savoir si je marche sur la terre. Celui qui nie le monde matériel ne peut-il pas dire que c'est nous-mêmes qui forgeons l'idée de couleur, et que si l'aveugle ne l'a point, c'est faute d'invention? Refuser le nom d'idée à celle que l'astronomie nous donne du soleil, c'est restreindre ce nom aux seules images, contre ce que j'ai expressément établi.

IV. Vous faites la même chose quand vous dites qu'on n'a aucune idée véritable de la substance. L'idée de substance n'emprunte pas aux accidents tout ce qu'elle a de réalité, car

on ne conçoit jamais la substance à la façon des accidents. Si nous avons appris des autres ce que nous savons de Dieu, d'où les autres l'ont-ils appris ? Je ne prétends pas que nous ayons de l'infini, ni même de la plus petite chose, une conception adéquate de tout ce qu'il y a d'intelligible dans ces objets; mais nous en possédons une intellection conforme à la portée de notre esprit. Ce n'est pas pour nous une simple négation du fini, car, au contraire, toute limitation contient la négation de l'infini. L'idée de Dieu renferme plus de réalité que celle des choses finies; car vous convenez vous-même que nous amplifions les qualités de ces choses pour les attribuer à Dieu. Or, d'où nous vient cette faculté d'amplifier, si ce n'est de l'idée d'une chose plus grande, c'est-à-dire de Dieu même ?

V. Il n'est rien dans un effet qui n'ait été premièrement dans sa cause. La réalité formelle d'une idée n'est pas une substance.

VI. Vous aimez mieux vous en rapporter à vos anciens préjugés sur l'existence du monde matériel, que d'en chercher les raisons. L'esprit peut se prendre pour objet de son action le sabot qui tourne n'agit-il pas sur lui-même ? Je n'ai point dit que l'idée des choses matérielles dérivât positivement de l'esprit, mais seulement que rien n'empêchait qu'elle en pût dériver.

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VII. Je n'ai pas besoin pour avoir idée de l'infini de le comprendre, car il y a contradiction entre infini et comprendre; et pourtant l'idée que j'en ai ne représente pas seulement une partie de l'infini, mais tout l'infini, comme il peut être représenté par une idée humaine.

VIII. De ce que je désire du pain, je n'infère pas que le pain soit plus parfait que moi, mais que je suis moins parfait quand j'ai besoin de pain que quand je puis m'en passer. Les choses contenues dans une idée sont dans la nature, quand cette idée ne peut avoir d'autre cause que ces objets eux

mêmes.

IX. Nier que nous ayons besoin de l'influence continuelle de la cause première pour être conservés, c'est se mettre en

contradiction avec tous les métaphysiciens. Quand j'ai parlé de l'indépendance des parties du temps, je n'ai pas entendu le temps abstrait, mais la durée de l'objet qui peut cesser d'être à chaque moment. En supposant que nous avons en nous une faculté qui nous conserve, vous attribuez à la créature la perfection du Créateur et à celui-ci l'imperfection de la créature, parce qu'il aurait besoin d'agir pour détruire. Vous êtes en contradiction avec vous-même sur le progrès à l'infini des causes, puisque vous le reconnaissez absurde pour celles dont l'inférieure ne peut agir sans une supérieure qui la remue. Enfin je ne puis accroître les perfections humaines, jusqu'à ce qu'elles ne soient plus humaines, que si j'ai un Dieu pour auteur de mon être.

X. On peut éclaircir l'idée de Dieu, mais non pas rien y ajouter. Me demanderiez-vous la forme de la marque à laquelle je reconnaîtrais un tableau d'Apelle? Cette marque n'est-elle pas le tableau lui-même ? Alexandre n'a pas besoin d'être bois et couleur, pour qu'un tableau lui ressemble. L'ouvrage ressemble à l'ouvrier, quand le peintre fait son propre portrait. J'ai dit que je concevais ma ressemblance avec Dieu, en même temps que je connaissais mon imperfection et ma dépendance, pour empêcher de croire que je voulais égaler la créature au Créateur. Si tous les hommes n'ont pas la même pensée de Dieu, c'est par la même raison que tous ceux qui ont la notion du triangle n'en remarquent pas cependant toutes les propriétés, et que peut-être quelques-uns lui en attribuent de fausses.

Des choses qui ont été objectées contre la quatrième Méditation.

I. Nous participons du néant en ce qu'il nous manque plusieurs choses. Au lieu de chercher la cause finale, il faut s'attacher à la cause efficiente. De l'effet on peut remonter à Dieu; mais on ne doit jamais lui demander dans quelle vue il l'a produit. Si je n'eusse jamais fait usage de mes sens extérieurs, j'aurais eu de Dieu la même idée qu'aujourd'hui ; seulement elle eût été plus claire.

II. Être sujet à l'erreur n'est pas une imperfection posi

tive, mais une négation; tandis que la malice des citoyens dans votre comparaison est quelque chose de positif. Dieu ne nous destine point à des œuvres mauvaises, et il nous a donné une faculté de juger qui suffit à ce peu de chose qu'il veut bien soumettre à notre jugement.

III. La volonté peut dépasser l'entendement, et c'est en cela que consiste l'erreur. Si vous jugez que l'esprit est un corps, ce n'est pas que vous le conceviez, mais c'est que votre volonté, entraînée par l'habitude, vous le fait juger ainsi. Dans votre prédilection pour la chair, je ne m'étonne pas que vous ne teniez pas compte de la liberté.

IV. Je crois avoir assez exactement enseigné la méthode qui nous apprend à discerner les choses que nous concevons clairement, de celles que nous croyons seulement concevoir avec clarté.

Des choses qui ont été objectées contre la cinquième Méditation.

I. Les essences des choses ont été établies par Dieu luimême comme immuables et éternelles. L'essence du triangle n'a pas été tirée des choses singulières. Elle est pourtant conforme à la réalité ; non pas qu'il existe des substances qui aient de la longueur sans largeur, mais parce que les figures géométriques sont les limites des substances: cela ne veut pas dire que les idées de ces figures nous viennent par les sens, car il n'y a point dans la nature de figures régulières perceptibles.

II. Pourquoi ne voulez-vous pas que l'existence soit une propriété aussi bien que la toute-puissance? L'essence et l'existence n'ont pas la même relation entre elles dans le triangle que dans Dieu; je ne mérite pas le reproche de n'avoir pas démontré l'existence de Dieu.

III. Il est inexact de dire que le doute qui s'attaque à Dieu s'arrête devant les démonstrations géométriques : les sceptiques ont douté de ces dernières, ce qu'ils n'auraient pas fait s'ils avaient eu une connaissance suffisante de Dieu. La différence de certitude entre des vérités ne dépend pas du nombre de ceux qui connaissent l'une ou l'autre, mais de la

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