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puis celle de l'être-esprit ou de la raison, de l'être-corps ou de la nature, enfin celle de l'harmonie de l'esprit et de la nature entre eux et avec Dieu comme être premier, en y comprenant aussi l'humanité.

>> Quant à la source de la connaissance, la science est puisée, en partie dans l'intuition spirituelle intérieure, en partie dans l'intuition que l'esprit reçoit de l'extérieur; et parmi ces sources extérieures de la connaissance, outre celle qui nous vient par les sens du corps, il y a l'enseignement mutuel qui résulte pour nous de la parole dans l'état actuel de notre existence.

» Quant à la nature de la connaissance, la science est l'intuition même de l'être, intuition une, inconditionnée et indivise, comprenant l'intuition de l'être premier, l'intuition de ce qui est éternel et spirituel, l'intuition de ce qui est dans le temps et sensible, et l'intuition harmonique de toutes ces espèces particulières de connaissance. Chaque individu est appelé à s'approprier de ce grand ensemble de l'édifice de la science humaine et à y contribuer du sien, autant que ses forces et sa position le lui permettent; car la science humaine ne peut arriver à une perfection plus haute qu'autant qu'elle est l'œuvre de l'humanité. Mais si elle est une œuvre de la vie, elle en est aussi une force: à chaque nouvel essor de la science, des idées et des idéaux plus élevés viennent influer sur la vie, rajeunissant et embellissant toutes les choses humaines. A quel point arrivera l'humanité dans le développement de sa vie sur cette terre, cela dépend du degré de perfection organique auquel parviendra l'édifice de sa science. »

ANDRÉ OLTRAMARE.

QUELQUES APHORISMES DE R. ROTHE'

La bonne agitation doit se borner à réveiller les endormis.

Etre bien réellement de son avis et ne pas exiger que les autres s'y soumettent, cela va ensemble; le second fait est même la preuve du premier.

Profondeur n'est que clarté et netteté de la pensée.

La plupart tiennent ce qui satisfait leur pensée individuelle pour la vérité objective en personne.

Il y a là quelque chose; cela signifie : ce n'est pas seulement une pensée.

La demi-vérité trouve plus d'acheteurs que la vérité entière. Celle-ci est un vrai casse-tête, elle exige trop d'efforts.

Dieu soit loué de ce que ceux qui ne peuvent que me mal comprendre, ne se soient pas donné la peine de me comprendre!

L'homme n'est capable de reconnaître ce que Dieu est que dans la mesure de son développement moral.

Dieu dans son être immanent doit être pensé comme absolument en dehors du temps et de l'espace, et par conséquent il ne doit pas l'être plus comme infini que comme fini.

Stille Stunden, Aphorismen aus R. Rothe's handschriftl. Nachlass, 1872, in-8 de X, 378 pages.

Nous ne pouvons absolument pas nous représenter l'infini. L'espace et le temps sont aussi infinis.

Il y a des gens qui pensent que notre connaissance de Dieu perd beaucoup si nous admettons que nous ne pouvons pas, absolument pas, nous représenter l'infinité. Mais ce qui est nécessaire c'est la connaissance de la qualité de l'objet; sa quantité est de moindre importance.

La vie de Dieu, comme celle de l'homme, repose sur ce fait qu'un organisme naturel soit d'une manière absolue uni à sa personnalité.

Ceux qui ont vécu sous l'Ancien Testament savaient que Dieu est bon, mais ils ne savaient pas encore qu'il est aussi dans l'idée de l'homme même d'être bon.

Pour la mystique panthéiste Dieu est réellement tout; pour le panthéisme commun tout est Dieu.

Le panthéisme du moyen âge est comme le pressentiment d'une contemplation morale du monde en opposition à la vue purement religieuse; c'est comme la préconscience de la parenté essentiellement divine dans la nature créée.

Le panthéisme matérialiste paraît très plausible à ceux qui sentent en eux vide et inutilité, sans éprouver aucun dégoût de ce vide et de cette inutilité.

Celui qui, comme Schleiermacher, pense Dieu comme l'ètre absolument simple en soi, doit être fortement tenté de le faire se particulariser panthéistiquement dans le monde.

Les systèmes superficiels (le matérialisme) obtiennent facilement l'approbation des têtes médiocres et de celles qui ne se soucient pas de se donner du tourment, car ils donnent une solution brève des problèmes, une solution qui se laisse facilement formuler et débiter.

Le ciel, la localité de Dieu, est dans la création partout où Dieu s'est donné un être réel et où par conséquent il a ainsi un être dans l'espace, mais un être qui ne le limite pas. Le ciel est donc un devenir infini et par conséquent il est lui

même infini.

Il est remarquable comment, dans la création, de la dissolution du degré immédiatement inférieur se produit toujours le degré immédiatement supérieur, en sorte que le premier est toujours le substrat de la production de la force créante. Des éléments dispersés se forme le minéral, de la destruction du minéral naît la plante, de la dissolution de la plante l'animal. De même de l'homme matériel retournant aux éléments s'élève l'esprit, la créature spirituelle.

La création de l'homme n'est pas plus close que celle de la nature. Les deux progrès marchent à côté l'un de l'autre en parfait parallélisme. Il y a une création matérielle et une création immatérielle. L'une et l'autre sont en Dieu et sont continues. Dieu est dans la créature, laquelle est en lui.

La création, comme acte divin, est éternelle; mais la création, comme œuvre divine, la créature, ne peut pas être éternelle, puisque, en vertu de sa nature même, elle est placée sans exception sous la détermination du fini. Quoique en soi éternelle, elle est cependant, sous la loi du temps et de l'espace, partout temporelle.

En dernière instance, un être voulant est le principe de tout.

Si Dieu ne pouvait conduire la créature à rien de mieux qu'à ce qu'elle est maintenant, il n'aurait pas commencé à la produire,

Dieu ne peut pas partager avec un autre ce qu'il est et ce qu'il a, mais il peut le communiquer.

Dans la création de Dieu, il y a une merveilleuse économie et un luxe plein de génie, économie dans l'esquisse, dans l'ébauche, luxe dans l'exécution.

Le monde ne se donne pas son être en Dieu, qui n'a pas d'espace, mais Dieu, quoiqu'il n'ait pas d'espace, se donne son être dans le monde.

Comment de ce qui n'a pas de partie pourrait-il y avoir émanation?

Tout ce qui est a pour présupposition indispensable d'avoir été pensé. Cela est vrai aussi du monde considéré comme ensemble, comme cosmos.

Singuliers hommes que ceux qui, à mesure qu'ils arrivent à se faire une idée plus grande du monde, en viennent à concevoir Dieu plus petit!

Toutes les vraies inventions ne sont que des découvertes.

La douleur de la sympathie est la seule que Dieu peut éprouver.

Dieu ne peut pas souffrir, mais souffrir avec nous (sympathiser, mitleiden).

Esprit et matière sont des idées qui se supposent mutuellement; ni de l'un ni de l'autre nous ne pouvons nous faire une idée claire en les pensant isolément.

Tout ce qui n'est pas absolument parfait et bon ne peut être primitif (ursprünglich), ne peut être causa sui, mais doit avoir sa cause dans un précédent.

Si Dieu a pu, immédiatement, faire l'homme moralement bon, il peut aussi immédiatement, c'est-à-dire magiquement, le faire de nouveau moralement bon; mais il faut reconnaître que l'homme redevenu bon de cette manière, manquera précisément de ce qui donne la qualité morale!

Voulons-nous reconnaître ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme, reconnaissons en même temps que cette grandeur morale il la doit au fait d'avoir passé d'un degré inférieur au degré supérieur, selon la volonté de la sagesse créatrice.

Si Dieu avait voulu avoir dans la créature un simple instrument (selbstloses), et non un objet de son amour, alors certainement il aurait pu lui épargner le passage par le mal.

Dieu ne peut faire la créature spirituelle que par un détour: il fait une créature matérielle, organisée de telle sorte qu'elle peut se transsubstancier elle-même, passer de la matière à l'esprit, se spiritualiser et devenir ainsi une créature personnelle.

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