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péché du monde; le prophète, qui par sa connaissance de Dieu apporte la justice; le roi, qui, glorifié et bienheureux, récolte le fruit de ses souffrances. La gloire que le peuple élu attend pour lui-même et l'action salutaire qu'il espère exercer sur les nations, la glorification réservée au véritable Israël pour la fin des temps et les bénédictions dont il sera l'instrument, prennent corps ici dans une figure idéale. Comme le pieux Job nous est représenté recouvrant à la fin l'opulence et l'honneur, et intercédant efficacement pour ses fâcheux amis: ainsi se dresse devant nous, délivré des douleurs et de la mort, le serviteur de Dieu des derniers temps.

Quant au prophète, contemporain de Jérémie, qui nous a laissé Zacharie, XII, 10 sq., il n'a point eu en vue un futur envoyé de Dieu. Il décrit comment l'Eternel répandra sur la nation messianique, après la victoire qu'elle aura remportée sous la conduite du Messie, l'esprit de grâce et de supplication. Le peuple et le Messie regarderont à celui qu'ils ont percé; ils mèneront deuil sur lui comme sur la perte d'un fils unique, d'un premier né. Une tristesse universelle couvrira le pays entier; puis il y aura une source ouverte à la famille royale et messianique, ainsi qu'au peuple, pour le péché et pour la souillure. D'après le texte masorétique, sans doute, Dieu dirait: << Ils regardent à moi qu'ils ont percé. » Mais ce n'est pas cela que le prophète a pu vouloir dire. Car, d'un côté le verbe serait mal choisi pour indiquer simplement le mépris et le rejet de Dieu; d'autre part la mort d'un prophète ne peut pas s'appeler directement un déicide. L'explication la plus naturelle est de Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un personnage historique, d'un serviteur de Dieu qui est tombé victime de la haine des grands de Jérusalem, plutôt que de celle des païens. Car toute la manière dont il est parlé de la maison de David, de son arrogance, de sa repentance et de son expiation, fait penser immédiatement à un semblable crime à la charge des cercles dominants de Juda. Ce juste sera pleuré comme le martyr des derniers jours, de sorte que l'attentat dont il a été victime sera réparé par l'humiliation et la pénitence. Rien n'indique que le prophète place dans l'avenir la personne et la

.(à lui) אֵלָיר lire

mort de ce martyr. L'expiation seule est attendue pour l'époque du salut que l'on croit très rapprochée. Il n'est pas dit non plus que cette mort ait aucune valeur expiatoire, ou soit nécessaire pour inaugurer l'âge final. Tout au plus l'obscurité de la phrase entière fournit-elle une excuse à une érudition postérieure pour avoir rapproché ce passage de celui d'Esaïe que nous venons d'examiner.

Zacharie, XIII, 7, peut encore moins s'appliquer au Messie et à la nécessité de sa mort. Car il s'agit d'un mauvais pasteur, contre lequel Dieu exprime sa colère: sans doute le criminel roi d'Ephraïm, qui détruit le troupeau. (XI, 17.) L'Eternel lui abandonne le peuple dans son courroux, lorsque son propre pastorat, exercé par l'intermédiaire des prophètes, a été dédaigné avec ingratitude et demeure sans résultats.

TROISIÈME PÉRIODE

Le lévitisme
(459-105)

Sources. -1° D'Esdras à l'époque grecque (459-333). En fait de livres prophétiques nous n'avons ici que Malachie. En fait d'histoire la fin de cette période paraît avoir produit le grand ouvrage qui, s'appuyant sur d'anciennes sources telles que les écrits mêmes de Néhémie et d'Esdras, embrasse les deux livres des Chroniques, ainsi qu'Esdras et Néhémie. Il est évidemment composé cinq générations au moins après le retour de l'exil. Nous faisons aussi remonter à cette époque le petit livre énigmatique qui porte le nom de Kohéleth (Ecclésiaste) et qui est attribué à Salomon. Il est difficile de distinguer les psaumes de cette époque de ceux de la suivante; mais ces derniers doivent être peu nombreux. Le Psautier semble à peu près fermé vers la fin de l'époque perse.

2o Epoque grecque jusqu'à Alexandre Jannée (333-105.) Au commencement de cette époque, sous la domination des Ptolé

mée: Esther, écrit court et peu important au point de vue religieux; et quelques psaumes. Sous la domination syrienne, en 176: l'apocalypse de Daniel et deux psaumes encore. Aucun de ces écrits n'a une valeur religieuse de premier ordre; aucun ne supporte la comparaison avec les meilleurs monuments de la période prophétique. Cette impression s'impose à quiconque rapproche les psaumes de notre période des plus anciens, Malachie et Daniel des grands prophètes, Kohéleth de Job. Mais c'est dans les livres historiques que ce manque de souffle créateur, ce déclin de la vraie inspiration religieuse se fait surtout sentir. Dans les Chroniques on sent partout une intention didactique bien réfléchie. Le bonheur est mis en rapport non plus avec les grandes dispositions religieuses et morales, mais avec l'observation stricte et minutieuse des règlements lévitiques. Quand les Chroniques diffèrent des récits antérieurs, il est possible qu'elles se fondent sur des sources particulières; cependant on n'acceptera qu'avec une extrême circonspection un fait nouveau sur leur seule autorité. Ainsi la captivité de Manassé en Assyrie est douteuse, et sa conversion impossible. Si en effet ce roi était mort repentant et pardonné, sa faute n'aurait pu être regardée par les générations suivantes ainsi qu'elle l'est incontestablement — comme la cause d'un châtiment qu'aucune expiation ne peut plus détourner. Le chroniste est aux historiens prophétiques ce que le docteur de la loi est au prophète.

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Le caractère documental et l'inspiration ne se rencontrent dans ces livres qu'à un degré inférieur. Nous sommes néanmoins encore sur le terrain du canon et de l'Ancien Testament. Car l'Esprit qui a donné naissance à la religion révélée est certainement toujours dominant dans nos écrits, bien qu'il ne déploie plus la même puissance créatrice.

Des sources portons notre regard sur la vie religieuse de notre période, et voyons ce qui la distingue essentiellement. Les Israélites de la seconde Jérusalem sont devenus des « Juifs. » Le haut enthousiasme a fait place à une faiblesse intérieure qui aime à s'appuyer sur la force de l'âge antérieur. La communauté revenue de l'exil était guérie de l'idolâtrie et de la ten

dance à accepter les religions étrangères. Ceux qui n'avaient point à cœur le salut d'Israël n'étaient pas retournés vers les ruines de Sion. On n'éprouvait désormais plus le besoin d'opposer au culte de la nature la vraie religion dans sa grandiose et spirituelle unité. Les pensées fondamentales du salut n'étaient plus contestées. Il ne s'agissait plus que de développer les notions données une fois pour toutes; et un pareil développement doit nécessairement se renfermer dans d'étroites limites.

La période prophétique avait atteint le point culminant de la religion de l'Ancien Testament. Aucune conception du salut plus élevée que la sienne n'était possible avant l'apparition du Christ. Tout ce qu'on pouvait essayer dans la période suivante, c'était de donner une forme plus rigoureuse à ce qui avait été le produit immédiat et vivant de l'esprit religieux, d'en faire une sorte de théologie. Aussi rencontrons-nous constamment les signes d'une diminution de vie. De moindres esprits administrent les trésors que des esprits plus grands ont laissés. Ce qui s'y ajoute de nouveau est d'un profit douteux.

La domination des Perses ne réalisa pas les espérances qu'elle avait fait concevoir à Israël. Déjà les derniers prophètes de la période précédente voient de nouveau dans la Perse la montagne qui doit se changer en plaine, et savent que les temps de la perfection ne viendront pas que la paix n'ait été troublée, que Dieu n'ait remué le ciel et la terre. Tel est le point de vue de notre époque. On souffre d'un lourd assujettissement. L'œil du peuple doit chercher le repos et le bonheur dans l'avenir, derrière de nouveaux jugements. - Un développement national et normal n'étant pas possible pour Israël, le peuple se tourna vers l'unique bien qui lui restât en propre, vers le seul terrain sur lequel il retrouvât son indépendance: la religion de ses pères. Ici deux choses se présentaient en première ligne.

D'abord la ville sainte, avec le temple et le culte. Le service divin devint de plus en plus la joie et l'orgueil de toute la nation; réorganisé selon les anciennes ordonnances, il offrit un ordre plus parfait que jamais et reprit tout sa splendeur. Les

prêtres, unis plus intimement aux lévites, étaient très nombreux relativement au chiffre des Israélites revenus de l'exil: ce qui donnait au peuple entier un caractère religieux et sacerdotal que l'ancien Israël n'avait jamais eu. Le plaisir qu'on prenait aux belles cérémonies en fit attribuer l'origine aux temps les plus reculés. David fut considéré comme l'introducteur de la musique sacrée et Porganisateur du culte; le souvenir populaire prêta ainsi à l'antiquité les traits d'une époque idéale dans le sens lévitique, traits qui ne paraissent pas l'avoir réellement distinguée. Les préceptes lévitiques, qui dans la suite des siècles. avaient été rédigés et réunis en un tout, furent désormais lus et expliqués publiquement. Le souverain sacrificateur, seul représentant vraiment indépendant de la nation, acquit une importance croissante. Il en fut de même du temple et des sacrifices. La liberté des anciens prophètes vis-à-vis des formes extérieures du culte fit place à une légalité pieuse et respectable, mais étroite et non sans danger. C'est dans cet esprit-là qu'on écrit maintenant l'histoire. La justice lévitique des divers rois donne partout la mesure de leur réelle valeur aux yeux de Dieu. Les actes racontés avec le plus de détails sont les institutions cérémonielles et les réformes du culte.

La seconde chose essentielle était l'Ecriture sainte. Par les soins d'Esdras la meilleure partie des anciens livres sacrés reçut une forme durable. Il a évidemment retouché lui-même ces écrits; car la tradition qui en attribue à Esdras la réunion définitive paraît juste quant au fond principal. Et les légendes sur la manière miraculeuse dont il fut inspiré pour fixer son recueil, - légendes, il est vrai, postérieures a Josephe, - font supposer qu'Esdras ne se borna pas à un travail formel. On avait sans doute encore suffisamment conscience du véritable esprit de la révélation pour ouvrir la collection des livres saints à bon nombre de morceaux de cette époque, dont le commencement vit surgir au moins un prophète. Mais d'une façon générale le peuple ne se sentait plus en présence d'une littérarature vivante. Elle était déjà une arche sainte qu'il ne fallait pas toucher, et devint de plus en plus une lettre morte. La science des scribes se mit à s'en emparer, à rassembler les

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