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Mischna, je n'oserais affirmer qu'un seul passage de l'Anc. Test. puisse être corrigé d'après la Mischna. » Et après avoir passé en revue les citations tirées de la Ghemara, il ajoute : « Ces passages, du moins la plupart, paraissent avoir été ou étaient réellement écrits, dans les exemplaires de ceux qui les citent, autrement que dans nos Bibles. Mais il ne s'ensuit nullement que les leçons qui se trouvent dans le Talmud aient existé dans tous les manuscrits bibliques de ce temps-là. Et encore moins conclurons-nous du fait que telle leçon se trouve dans le Talmud, que cette leçon doive nécessairement être préférée à la leçon actuelle, pour peu que nous nous souvenions des précautions qu'il convient de prendre dans l'usage qu'on fait du Talmud en matière de critique.... Peut-être, quand nous aurons un jour une bonne édition des livres talmudiques, y trouverons-nous des données plus utiles; les exemplaires manuscrits de l'un et de l'autre Talmud nous en fourniraient sans aucun doute quelques-unes. Mais quant aux éditions que l'on possède actuellement, on ne peut pas trop s'y fier. »

H. V.

C. TISCHENDORF.

LE TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT'.

Les écrits de l'antiquité, malgré la fragilité des instruments destinés à les conserver, ont eu plus de durée que les grands empires et les édifices les plus solides.

C'est surtout à la patiente activité des moines que nous devons la conservation d'une partie considérable de ces trésors. Il est regrettable, sans doute, que nous ne possédions plus les originaux; écrits sur un papier fin, tiré de l'écorce de papyrus, ils furent bientôt hors de service. Mais des copies en nombre considérable furent faites, et, grâce à l'usage du parchemin (IVme siècle), matière indestructible, elles nous sont parvenues intactes.

Quant au Nouveau Testament, les copies les plus anciennes que nous en ayons datent du IVe siècle; mais nous en avons du moins un nombre assez considérable, savoir une vingtaine des IV, Vo et VI° siècles, et une trentaine du VIIe au 1Xe siècle. - Si, comme cela est vraisemblable, nous avons un manuscrit remontant à 325, date du premier concile œcuménique, nous pouvons dire en toute sécurité:

1 Haben wir den ächten Schriftext der Evangelisten und Apostel, von Constantin von Tischendorf. 1873. Br. in-4 de 25 pages.

C'est ainsi que le premier empereur chrétien et les Pères de l'époque ont lu le Nouveau Testament!

A côté de ces manuscrits nous avons les versions du Nouveau Testament, datant déjà du II au IIIe siècle, en latin, en syriaque, en copte, etc. Les versions nous fournissent ainsi de précieux renseignements sur l'état du texte à cette époque reculée. Enfin les Pères de l'église et les hérétiques des premiers siècles ont fréquemment cité, dans leurs écrits, des passages plus ou moins étendus du Nouveau Testament. C'est encore un moyen à utiliser pour reconstituer le texte primitif.

Aujourd'hui dans la plupart des églises protestantes on se sert d'un texte appelé Texte reçu, qui est à peu près celui d'Erasme (éd. de 1516), constitué d'après divers manuscrits du XVme siècle. Dès lors des manuscrits beaucoup plus anciens ont été découverts et d'immenses travaux entrepris dans le but de corriger ce texte reçu, qui est assez défectueux. On compte jusqu'à 30 000 variantes, mais dont quelques-unes seulement ont une réelle importance. Elles sont dues en partie à la négligence des copistes, en partie à leur bonne intention de corriger ce qui leur paraissait défectueux (harmonies dans les évangiles), en partie à des préjugés dogmatiques. Il n'y avait pas de contrôle officiel, de sorte que la plus grande liberté régnait dans ce domaine jusqu'au moment où l'organisation des églises d'état produisit la formation d'un texte particulier à chacune d'elles (texte byzantin, texte latin, etc.)

Depuis trente-deux ans M. Tischendorf s'occupe de l'étude des anciens documents; il en a découvert de très précieux et il a examiné tous ceux que l'on connaissait déjà. Il a publié vingt éditions du Nouveau Testament, dont quelques-unes sont accompagnées d'indications critiques fort étendues. La brochure que nous annonçons est une tentative de vulgarisation des travaux relatifs à la critique du texte (comme dans un autre domaine l'ouvrage du même auteur sur la date de nos évangiles»). Elle se termine par diverses considérations sur l'utilité des travaux critiques qui ne présentent aucun danger pour la foi, pourvu qu'on se fasse une idée juste de l'inspiration.

A la fin de la brochure un tableau fac-simile présente des fragments des manuscrits sinaïticus et vaticanus, et de divers manuscrits profanes.

L. M.

LA

PHILOSOPHIE RELIGIEUSE MODERNE

ET LA

DOGMATIQUE CHRÉTIENNE

EXAMEN CRITIQUE DE LA Philosophie de la liberté,

DE M. CHARLES SECRÉTAN'

I

Ce travail préliminaire accompli, il restera à déterminer la notion de la dogmatique. Les représentants des tendances modernes ne sont pas d'accord.

Il y a d'abord les adeptes des écoles plus ou moins spéculatives qui continuent les traditions du rationalisme, en partant de l'hypothèse de l'autonomie de la raison dans le domaine religieux comme dans tous les autres. Cette tendance a donné naissance à une philosophie religieuse qui, dans la pensée de ses auteurs, serait appelée, sinon à supplanter, du moins à dominer la dogmatique proprement dite.

Le rationalisme de Kant n'est au fond que du moralisme. En prétendant se maintenir dans les limites de l'intelligence humaine, il a paru rendre un rapprochement possible entre le

Cette étude est détachée d'une Lettre-préface adressée par un de nos collaborateurs, à la jeunesse théologique des pays de langue française. Après avoir examiné les questions préliminaires se rapportant à la doginatique, l'auteur signale les diverses philosophies religieuses modernes, en s'attachant spécialement à l'examen de celle de M. Secrétan. La Lettre-préface elle-même paraîtra prochainement en tête d'un volume: La Théologie allemande contemporaine, par J.-F. Astié.

C. R. 1873.

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christianisme et la philosophie. Bien loin de nier comme le naturisme la possibilité de la rédemption, il y voit une méthode divine d'introduire la vraie religion; il reconnaît la haute valeur d'une révélation, à une condition cependant, c'est que la religion chrétienne et le moralisme poursuivent le même but et que les éléments positifs du christianisme soient subordonnés à l'élément naturel représenté par la philosophie. C'est là le point délicat. «D'abord la paix entre la religion et la philosophie ne peut se signer que sur le terrain pratique et moral. La révélation n'est qu'une simple possibilité incontestable qui ne manquera pas d'être contestée dès que la raison cessera de proclamer son incompétence dans le domaine suprasensible. En second lieu la religion est dépouillée de sa haute dignité et de son indépendance. Elle est bien nécessaire, mais seulement pour venir au secours de l'impératif catégorique qui ne saurait rester seul; pour que le devoir moral puisse être aussi envisagé comme prescription divine. La religion ne peut ainsi renoncer à son rôle de faculté spéciale de l'esprit humain pour descendre au rang de simple auxiliaire de la morale et tout cela encore en vertu d'une faiblesse de l'humanité qui ne sait pas s'établir sur les hauteurs du moralisme pur et simple. L'homme religieux se sent élevé au-dessus des barrières naturelles de l'existence; la vie illimitée de l'esprit est ouverte à sa vue. D'après Kant, en dernière analyse, il n'y a pas d'autre vrai Dieu que la conscience; la religion consiste à se soumettre à la loi morale; elle ne nous introduit plus dans la communion avec Dieu. » (Pag. 231.)

L'erreur capitale ici est la notion de religion. Kant ne sait voir entre elle et la morale qu'une différence formelle. La religion ne s'occupe plus de ce que Dieu a fait pour l'homme, et dans l'homme; sa mission est d'être un simple auxiliaire de la morale, chargé d'amener les hommes à faire leur devoir. On comprend alors que tout ce qui en elle est dépourvu de valeur morale doive être répudié. Mais la religion a sa tâche à elle: elle est appelée à établir la communion avec Dieu. Par conséquent il faut qu'elle fournisse les preuves de ces événements historiques qui ont servi à établir la communion avec Dieu. Ce

n'est plus alors faute de pouvoir s'élever sur les hauteurs du moralisme, qu'on s'approprie spirituellement les effets de l'action divine rédemptrice cette assimilation constitue la vie même de la religion. Si elle ne contemplait pas les grandes œuvres de Dieu, dans la nature et dans l'histoire, la religion serait privée de tout élan, d'enthousiasme et de vie.

Il ne peut guère être question d'une philosophie religieuse de Fichte complète et systématisée. Dans son premier système ce philosophe est athée; dans le second il se borne à voir dans le christianisme un fait religieux après n'y avoir vu, comme Kant, qu'un fait moral. Le moi doit renoncer à son autonomie en présence de Jésus-Christ qui est la révélation du divin dans la conscience.

La dogmatique spéculative proprement dite prétend, en modifiant seulement le point de vue général de la religion, satisfaire les besoins particuliers de la théologie, en signaler les fautes et en réparer les négligences.

Entre les mains de Schelling, la philosophie de la religion devient une dogmatique historico-métaphysique. Ce philosophe prétend restaurer la doctrine orthodoxe, mais c'est au détriment de l'idée de Dieu dont il ne donne nulle part une notion exacte. Kant, en sauvegardant l'essence morale et religieuse du christianisme, laisse la porte ouverte à une transformation de la dogmatique, tandis que Schelling, n'accusant pas l'idée chrétienne dans son essence, se borne à toucher à quelques points culminants. « Schelling débute par fixer les deux notions, nature et monde des idées, pour passer ensuite à Jésus-Christ. Dès qu'il est arrivé aux grandes catégories indispensables de fini et d'infini, il prononce la parole sacramentelle : « L'idée fondamentale du christianisme est nécessairement celle de Dieu devenu homme, Christ comme point culminant et terme du monde païen. » Mais non, l'idée de Dieu devenu homme n'est pas l'idée première et primitive du christianisme. Et, en fût-il ainsi, comme le prétendent les orthodoxes, vous ne seriez pas encore près de vous entendre. Il faudrait en effet que cette notion fût dérivée exclusivement d'une nécessité religieuse et morale. Quant à l'idée de la domination de l'infini sur le fini dont

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